Face aux défis liés au succès international de l’argan, le Maroc s’emploie à mettre en œuvre une meilleure inclusion économique et sociale de sa production.
Cette semaine, le Maroc a consacré deux événements à un produit pivot de son économie : l’arganier. L’ensemble des acteurs du secteur se sont en effet réunis au 5e Congrès international de l’arganier, et au premier salon international dédié, tous deux organisés dans la ville d’Agadir. L’occasion, pour les producteurs, transformateurs, exportateurs présents de dresser un bilan de la filière et d’échanger sur ses enjeux et ses perspectives de croissance. Si le pays y consacre tant d’intérêt, c’est que cet arbre, endémique du sud-ouest du pays, est un des moteurs de l’agriculture marocaine. Dans le royaume, plus de deux millions de personnes sont concernées par l’exploitation du système agroforestier de l’arganier, qui s’étend sur une superficie de 830 000 hectares.
L’argan, un produit très demandé…
Dans les milieux arides et semi-désertiques où il pousse, l’arganier fournit bois, pâturage suspendu pour le bétail caprin, et huile, très prisée des consommateurs étrangers. En quelques années, elle a inondé le marché du cosmétique en Europe et ailleurs. Selon les chiffres de l’Établissement autonome de contrôle et de coordination des exportations (EACCE), les quantités d’huile d’argan exportées seraient passées de moins de 40 tonnes en 2003-2004 à plus de 343 tonnes en 2009-2010. Les principaux pays importateurs étant la France (78 %), l’Allemagne (7,6 %) et la Suisse (7 %).
… dont il faut mieux maîtriser la filière
Malgré les nombreuses retombées économiques positives suscitées par le marché – emploi, électrification des zones rurales, désenclavement –, le Maroc fait aujourd’hui face à un problème de taille : la diminution constante de l’arbre arganier. « En raison d’une surexploitation, ce milieu fragile est menacé », explique Hassan Faouzi et Julie Martin dans un article publié par la revue scientifique Confins. « Chaque année, environ 600 hectares d’arganeraie disparaissent et, malgré son excellente résistance à la sécheresse, sa densité s’est réduite de deux tiers en cinquante ans. » Autre conséquence, paradoxale, « l’érosion du savoir-faire local ». La population sur place, pourtant à l’origine de l’exploitation de l’argan, « ne bénéficie pas des gains de la valorisation économique de l’huile d’argan ». En effet, l’émergence de nouveaux acteurs, de plus grande ampleur, n’a pas permis aux locaux de prendre leur place sur ce marché devenu très concurrentiel.
Quelles solutions ?
S’il veut faire de l’arganier un produit d’avenir et ne pas perdre une des ressources les plus précieuses – couplé aux oasis, l’arganier fait mieux que la totalité des activités agricoles, avec un PIB réuni à 129 milliards de DH contre 115 milliards pour le reste –, le Maroc se doit donc de trouver des solutions. À Agadir, les participants ont rediscuté des objectifs du Plan « Maroc Vert », un contrat-programme couvrant la période 2012-2020 signé entre le gouvernement et la profession. Parmi les objectifs à atteindre, la réhabilitation de 200 000 hectares de l’arganeraie – fin 2018, les réalisations s’établissaient à 146 397 hectares –, la domestication de l’arganier et l’extension de sa culture en conduite moderne sur 5 000 hectares, pour à terme rehausser le niveau de production de l’huile d’argan à 10 000 tonnes par an. Des projets pour promouvoir la main-d’œuvre locale sont aussi à l’ordre du jour. Une étude a d’ailleurs été lancée sur les barrières « sexo-spécifiques » dans la filière de l’arganier et une série d’ateliers de sensibilisation a été tenue dans le cadre du projet de renforcement économique des femmes de la filière de l’argane au Maroc (REFAM).
Accroître l’autonomie économique des femmes
Ce programme vise l’accroissement de l’autonomie économique des femmes, en grande majorité dans le secteur, qui œuvrent dans la filière de l’argan. D’un montant global de 11 millions de dollars canadiens, le projet, cofinancé par le gouvernement du Maroc et Affaires mondiales Canada (AMC), a été mis en œuvre pour une durée de 4 ans (2018-2022), en partenariat entre l’ANDZOA et l’agence d’exécution canadienne CowaterSogema. Les quelque 230 chercheurs nationaux et internationaux réunis cette semaine ont également été appelés « à proposer de nouvelles orientations en matière de conduite et de valorisation du patrimoine », a fait savoir le ministère de l’Agriculture. Une convention ciblant la promotion du label Bio des produits de l’arganier a d’ailleurs été conclue entre la fédération interprofessionnelle, celle de l’agriculture biologique et le gouvernement, révèle le journal marocain L’Économiste. Un impératif de plus en plus sollicité par la clientèle étrangère, que la filière devra également prendre en compte si elle veut faire perdurer sa culture reine.
Par Marlène Panara
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