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Après son agression dans l’enceinte de l’Université par des étudiants, le Pr. Djibonding Dembélé va réclamer 75 millions de FCFA à la mairie de la Commune III et à l’Etat du Mali à titre de dommage intérêt

Le Professeur Djibonding Dembélé fut Commandant de cercle, président de la Cour constitutionnelle entre autres. Aux dires de l’un de ses avocats, Maître Salif Coulibaly, il a refusé plusieurs fois des propositions de poste de ministre. M. Dembélé a enseigné le droit constitutionnel et le droit administratif à plusieurs générations d’étudiants de l’Ecole Nationale d’Administration(ENA) et de l’Université de Bamako dont certains occupent ou ont occupé des postes de ministre, de juge d’avocat, de journaliste, bref de commis de l’Etat.

 

professeur pr universite Djibonding Dembele ena fsjp

 

 

Dans les années 2008 encore, M. Dembélé était à la fois Professeur de droit et virulent syndicaliste. Tous ceux qu’il a enseignés ou qui le connaissent, savent son aversion pour la corruption et la magouille. Un de ses anciens étudiants présent le lundi 26 mai dernier dans la salle d’audience Maître Bourema Sidibé de la Cour d’appel de Bamako a confié à malijet qu’il se souvient encore de l’humiliation que le Professeur avait infligée à un étudiant professionnel, Douanier de son état en l’invitant publiquement en classe à aller reprendre le sac de riz qu’il avait déposé à son domicile car, il n’a pas faim.

Cet étudiant voulait sa faveur car, il enseignait la matière principale. Les temps ont depuis lors changé au Mali, mais le Professeur Djibonding est resté invariable.  Sous le régime du président ATT, rien ne dit que la méthode a changé en ce moment à l’Université de Bamako, certains étudiants ne passaient pas en classe supérieure parce qu’ils le méritent. Il suffisait pour eux de mettre les moyens ou d’être protégé. Fort de sa double casquette de Professeur et de syndicaliste, Djibonding a cru pouvoir faire face, seul contre tous ou presque. Non seulement, il refuse de se laisser corrompre, mais il ne laisse pas le temps aux autres. Au cours d’une conférence de presse, il a dit tout haut ce que les autres murmuraient. Il a osé dénoncer  à visage découvert les tentatives de tractations alors en cours pour repêcher et faire passer en classe de 4ème  année, alors qu’elle ne remplissait pas les conditions, la seconde épouse du ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, le grand patron de l’Université.

Conséquence, le Professeur aux mains propres est pris dans la tourmente, menacé de mort. L’Etat prend la menace au sérieux et lui affecte un garde du corps qui sera rappelé peu après sans motif et le pauvre désormais vulnérable est pris à partie dans l’enceinte de l’Université par une horde d’étudiants. Il est copieusement tabassé et laissé pour mort.

Esquisse des faits

Nous sommes en 2008. L’administration de l’Université de Bamako venait de publier les résultats des examens de fin d’année. Ils étaient on ne peut plus catastrophiques. Beaucoup d’étudiants, toutes séries confondues sont restés dans les cordes. Parmi les recalés, figurait Madame Touré née Soukeyna Kouyaté, seconde épouse de M. Amadou Touré, alors ministre de l’Enseignement supérieur. Elle a mordu le carreau en classe de 3ème année. Tous les étudiants redoublants avaient les yeux braqués sur elle et s’attendaient à ce qu’elle bénéficie de faveur exceptionnelle en raison de son rang. La tension est perceptible et les menaces voilées et ouvertes fusent de partout : « Si elle passe, on passe tous ». Pourtant, des tractations se faisaient pour donner le coup de piston à l’épouse du numéro un du département de tutelle. C’est dans cette atmosphère que le Professeur syndicaliste organise une conférence de presse au cours de laquelle il dénonce les machinations en cours. Il a accusé le ministre d’être pour quelque chose.

En le faisant, il s’est retrouvé au centre d’une polémique, orchestrée par ceux à qui profitent ces magouilles, tendant à faire passer en classe supérieure, des non méritants. C’est tout un réseau. Il reçoit des SMS dans lesquels il est menacé de mort tout comme son épouse. L’Etat vole à son secours en lui affectant un garde du corps qui le suit comme son ombre, en famille, en classe et en ville. Mais ça ne sera pas pour longtemps. Ce garde est rappelé sans motif. Le Professeur qui tient à donner ses cours, brave le danger le 15 mai 2008 et se présente en classe pour donner ses cours. Vers 19h, dans l’enceinte de l’Université, il se retrouve encerclé par des étudiants qui le bastonnent copieusement  et le laissent pour mort. Le martyr qui a comparu le lundi 26 mai dernier à la barre auprès de ses deux avocats, Maîtres Diarra et Salif Coulibaly a confié en fin d’audience à malijet que toutes les dents de son arcade dentaire supérieure avaient été arrachées au cours de l’agression et que c’est grâce au Professeur Diombana, un vrai Professeur insiste t-il, qu’il a retrouvé l’usage de ses dents. Une plainte pour coups et blessures volontaires est déposée contre X auprès du commissaire en charge du 1er arrondissement.

Des interpellations sont faites dont un étudiant ivoirien, inscrit à l’Université de Bamako. Il faisait partie du groupe dirigé par Soumaïla dit Karamoko Dembélé, démantelé par la police et poursuivi pour coups et blessures volontaires. A l’occasion d’une de ses sorties médiatiques sur la télévision nationale, le président ATT promet que les auteurs de l’agression du Professeur Djibonding seront recherchés, traduits devant la Justice, jugés et punis. Mais le rapport de force malgré tout, était défavorable au Professeur surtout que l’épouse du ministre va redoubler la classe car, elle n’aura eu que 6 de moyenne générale après une session bis. La pression est forte sur les juges, malgré les assurances données par le président de la République. Sans surprise, le procès qui a eu lieu devant le Tribunal de première instance de la Commune III se termine en queue de poisson.  Les étudiants sont déclarés non coupables, relaxés et encouragés à s’en fuir. Le parquet d’instance se fait l’écho des avocats de la partie civile pour faire appel de la décision.

Les pressions s’intensifiant, le dossier restera longtemps bloqué, sept ans à ce jour, avant d’être enrôlé sous le numéro 32, ministère public contre Soumaïla dit Karamoko Dembélé et autres à l’audience correctionnelle de la Cour d’Appel du lundi 26 mai 2014. Elle était présidée par M. Léon Niangaly. M. Moussa Bagayoko dit Pascal occupait le banc du ministère public. Faut-il en déduire que ce blocage du dossier visait à permettre aux avocats des prévenus ou même au ministère public d’invoquer comme stratégie de défense, la prescription des faits ? Les deux avocats du Professeur Dembélé, dans leur plaidoirie ont énuméré une kyrielle de jurisprudences, cité la doctrine pour démontrer que dans le cas d’espèce, la prescription, étant donné les circonstances, n’a pas droit de cité.

Pour eux, leur client se battait contre un système. Ce  dernier a toujours rejeté la corruption et la magouille. L’espace universitaire, a plaidé Me Coulibaly, est public et inviolable et que c’est là pourtant que leur client a été agressé. Avec  son confrère Me Diarra, ils ont demandé à la Cour de condamner à titre de dommage intérêt, la mairie de la Commune  III et l’Etat du Mali à verser au Professeur Djibonding Dembélé qui a  souffert dans son amour  propre et dans sa chair, 75 millions de F CFA en application de la loi N°93-008 /AN-RM du 11 Février 1993, portant Administration des Collectivités Territoriales qui dit à son article 16 : « La collectivité est civilement responsable à titre principal des crimes et délits commis à force ouverte ou par violence collective sur son territoire par des attroupements ou rassemblements armés ou non, soit envers les personnes, soit contre les biens publics et privés. En cas de troubles graves ou lorsque les circonstances l’exigent, l’Etat peut se substituer… ». Le ministère public n’ayant pas fait d’objection, le délibéré est renvoyé au 23 juin prochain.

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