Les violences conjugales laissent des séquelles psychologiques importantes chez les survivantes. Témoignage émouvant d’une victime.
Adolescente, j’avais été donnée en mariage sans mon consentement. On ne m’avait même pas demandé si je voulais épouser cet étranger. J’espérais que mon école interviendrait. Il ne s’était rien passé. Le directeur avait juste souhaité ses « meilleurs vœux ». Et d’ajouter que je pouvais reprendre la semaine suivant le mariage. Il se moquait qu’on puisse marier une élève aussi jeune.
Pendant des années, j’ai subi des violences domestiques. Je n’avais pas le soutien financier de mon mari. J’étais obligée de le nourrir avec la bourse que l’école me donnait. En un mot, je jouais le rôle que lui confère le Code du mariage au Mali. Le même qui stipule que je lui dois obéissance.
Pire, il ne faisait rien. Et quand je ne pouvais pas supporter les charges, il me maltraitait physiquement, m’insultait, me traitait de «woulouden» (« fils de chien ») ou «nbi fougariden fara», des insanités dans la langue bamanankan.
Viols répétés
La violence physique était telle que, des fois, j’avais de la peine à m’asseoir sur mes fesses gonflées. Après les coups, il abusait sexuellement de moi. En s’assurant à chaque coup que mes organes génitaux me fassent mal. Plusieurs fois, des médecins m’avaient demandé si j’avais accouché, à cause des séquelles des viols répétés.
Certains diront peut-être que j’exagère. Vous êtes libre de croire ou non, mais vous n’avez pas le droit de nier mon expérience. Parce que c’est le lot de beaucoup de femmes. Certains se demanderont pourquoi je ne l’ai pas quitté. Vous pensez qu’il est facile pour une fille de quitter un partenaire violent au Mali ? Avec le poids de la culture qui recommande aux femmes la patience et l’endurance à toutes épreuves, ce n’est pas facile. Et le divorce ne suffit pas pour se délivrer.
En effets, les abus ne s’arrêtent pas avec le divorce. Les traumatismes survivent à la séparation. Les violences sexuelles, verbales et physiques que j’ai subies ont brisé ma santé mentale et m’ont condamné à vivre avec le stress, la dépression, la colère, le C-SSPT et surtout la haine envers les personnes qui ont arrangé mon mariage, en particulier mon père.
Colère et traumatismes
D’autres se demanderont pourquoi je n’ai pas appris de mon expérience passée. Vous ne pouvez pas comparer la capacité d’un cerveau traumatique à celle d’un cerveau intact. Mon expérience m’a rendue fragile au danger, m’a conditionnée à accepter les abus et à tomber dans des relations avec des narcissiques.
En revanche, eux ne me battaient, ne m’insultaient pas. Mais ces agresseurs mentaux et émotionnels me manipulaient. Et me montraient ensuite qu’ils m’aimaient. Mais j’avais besoin d’eux, parce que mon traumatisme me faisait aspirer à l’amour, à l’affection et à l’attention. Donc, toute personne faisant preuve d’un peu de soins était la bienvenue. Encore une fois, ne demandez pas pourquoi les victimes ne quittent pas leurs agresseurs.
Pour faire court, je suis en colère contre la société, ma communauté, ma famille, mon père et le directeur. À cause d’eux, je vivrais pour toujours avec des traumatismes, des problèmes de santé mentale, et je ne serais jamais heureuse. J’appelle tous à prendre position, à se lever contre l’injustice, les abus, le mariage précoce.
C’est important pour nos écoles où nous devons être protégées, aidées et mises à l’abri des abus. Pour cela, nous avons besoin de politiques publiques efficaces, de règles strictes pour que les écoles signalent tout mariage précoce.
Source : Benbere