Ce sont trois membres du Gouvernement qui étaient face à la presse, hier, dans les locaux de l’hôtel des Finances pour faire le point du processus d’octroi de la 3ème licence de téléphonie mobile attribuée au Groupement Planor/Monaco Telecom par entente directe. Cela a entraîné des rumeurs quant à la non-transparence du marché et provoqué des accusations de corruption et de népotisme dans la presse qui accable les autorités en charge du dossier. Les membres du Gouvernement, qui se comportent le plus souvent comme le médecin après la mort, ont-ils convaincu leurs interlocuteurs à l’issue de cette rencontre ?
Le Premier ministre Django Cissoko a-t-il eu raison d’envoyer trois de ses ministres pour éclairer la lanterne de la presse dans cette affaire relative à l’octroi de la 3ème licence de téléphonie mobile qui continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive?. Hier, le ministre de l’économie, des finances et du budget, Tiéna Coulibaly dit avoir lu dans la presse – nous ne citerons pas le journal incriminé – qu’il » aurait été soudoyé par Apollinaire Ouédraogo « , le patron de Planor. Une accusation qu’il a qualifiée de mensongère ; ce qui avait poussé l’auteur des propos diffamatoires – présent dans la salle – à lui présenter ses excuses.
En entrant dans le vif du sujet, le ministre des postes et des nouvelles technologies, Bréima Tolo, fera un long exposé sur le processus d’octroi de la 3ème licence qui a débuté en août 2011.
On se rappelle que cela a été fait d’ailleurs dans une certaine impréparation. Et à l’époque, les Maliens étaient unanimes à dire que la 3ème licence de téléphonie n’allait qu’accroitre la paupérisation de la population. Car, déjà deux sociétés de téléphonie mobile existent dans un pays où les gens manquent de moyen pour assurer le plat quotidien.
En en croire ces trois ministres, venus éteindre un feu qui risque de faire capoter ce qui reste encore du processus d’octroi de la 3ème licence, « toute l’opération s’est déroulée dans une totale transparence « . Par rapport à l’histoire des pots de vin, le ministre Tiéna Coulibaly, a déclaré » J’ai systématiquent refusé de recevoir Apollinaire et ses envoyés et Kome Cesse et ses envoyés…Je n’ai été soudoyé ni par Apollinaire ni par Kome Cesse. D’ailleurs, je ne me laisserais soudoyer par personne « .
Faisant l’historique du processus d’octroi de la 3ème licence, le ministre des Postes et des Nouvelles Tecnologies, Bréima Tolo dira que tout a commencé en août 2011 par la préparation de la note et du dossier d’appel d’offres complet ; en septembre, il y a eu la publication de l’avis de manifestation d’intérêt dans les médias nationaux et internationaux et la campagne de sensibilisation auprès des investisseurs potentiels en Europe, au Moyen Orient et en Asie. En octobre de la même année, il y a eu l’organisation à Paris de la conférence des investisseurs et le lancement formel du dossier d’appel d’offres international. En novembre 2011, il a été procédé à l’analyse des offres. Sur huit candidats ayant acheté les dossiers, seuls cinq ont remis leurs offres dans le délai.
A la suite de l’analyse des offres financières qui a suivi celle des offres techniques, le Groupement Planor-Monaco Télécom-Kome Cesse a été premier et retenu comme adjudicataire provisoire pour un montant de 55,1 milliards F CFA ; le deuxième Bharti Airtel International était à 20 milliards F CFA et le troisième Viettel Global Investment JSC à 10 milliards F CFA.
L’appel d’offres annulé en janvier 2013
La dernière étape du processus étant le paiement du prix de la licence, condition indispensable à sa signature. Cette étape qui devait intervenir en mars, selon les conférenciers, a été retardée suite aux événements des 21 et 22 mars 2012. Le Gouvernement de Transition a réactivé le dossier et approuvé le cahier des charges en septembre 2012 en donnant un mois au Groupement en question pour le paiement d’un premier acompte de 33 milliards F CFA avec date limite fixée au 15 octobre 2012 ; et trois mois à partir du premier versement pour le paiement du reliquat soit 22,1 milliards F CFA.
Près de trois mois après la date indiquée, le Groupement dans son ensemble n’a pas pu payer le prix convenu. Ainsi le Gouvernement a annulé, en janvier 2013, le processus d’appel purement et simplement.
Remarque importante : suivant le code des marchés publics et des délégations de service public, le Gouvernement avait la possibilité de rompre avec le premier et de négocier avec le deuxième ou annuler totalement la procédure.
Aussi, le règlement d’offres accepté et paraphé par tous les soumissionnaires prévoyait que le Gouvernement pouvait à tout moment modifier, suspendre ou annuler la procédure sans que les soumissionnaires puissent prétendre à une quelconque indemnisation. En raison donc de l’écart entre l’offre financière du premier (55,1 milliards FCFA) et du deuxième (20 milliards F CFA), il n’était pas raisonnable de passer au deuxième.
Le processus d’entente directe enclenché
C’est à la suite de cette annulation, que le Gouvernement, dont les caisses sont vides pour des raisons connues de tous, a enclenché le processus d’entente directe. Après donc cette annulation, le Groupement Planor-Monaco Telecom a manifesté un intérêt pour obtenir la licence en proposant de maintenir les mêmes conditions techniques et financières issues de l’appel d’offres annulé au prix de 55,1 milliards F CFA avec paiement du premier acompte de 33 milliards F CFA dès l’approbation du cahier de charges (la preuve de la disponibilité des fonds était jointe au dossier), paiement de 22 milliards F CFA 90 jours après, et acceptation des obligations du cahier des charges. La preuve de la disponibilité des 33 milliards F CFA dans un compte séquestre ouvert dans les livres d’une banque de la place était jointe au dossier.
Comment et pourquoi le Groupement Planor-Monaco Télécom a été retenu.
Après l’analyse du Comité technique d’appui, composé de représentants de plusieurs départements ministériels et de l’AMRTP notamment, il a été conclu que le Groupement Planor-Monaco Télécom répondait aux critères techniques exigés et que son offre financière était incitative, comparable au prix issu de l’appel international. S’agissant d’un nouvel appel d’offres, la situation socio-politique et économique actuelle du pays n’est pas propice à l’obtention d’offres financières meilleures et sûres.
Devant cet état de fait, l’option qui restait au Gouvernement était l’entente directe pour les raisons suivantes : la défaillance du premier attributaire ; l’absence de manifestation d’intérêt par un autre investisseur ; l’extrême urgence pour l’Etat de disposer de ressources financières pour faire face, d’une part, à l’effort de guerre et, d’autre part, soutenir la fragile situation budgétaire dans un contexte marqué par la suspension des appuis budgétaires des partenaires techniques et financiers.
Suite donc à l’approbation du dossier par le Gouvernement, il a été notifié au nouveau groupement, Planor-Monaco Télécom, de payer un premier acompte de 33 milliards F CFA qui est intervenu le 12 février 2013. Après confirmation du ministre des Finances que les fonds sont bien arrivés dans le compte du Trésor à la BCEAO, la licence a été signée le même jour. L’étape ultime étant maintenant le paiement du reliquat prévu le 13 mai 2013.
Sanctions en cas de manquement au paiement du reliquat
Les sanctions, selon les clauses du cahier des charges, sont graduelles : si le paiement n’intervient pas le 13 mai 2013, l’Autorité de régulation du secteur, c’est-à-dire l’AMRTP, refusera d’attribuer des numéros et des fréquences ; trois mois après, si le paiement n’intervient pas, le réseau et les services de l’opérateur seront suspendus ; en cas de non paiement dans un délai de six mois à partir du 13 mai 2013, la licence sera purement et simplement retirée.
Signalons que toutes ces sanctions sont consignées dans le cahier des charges et acceptées par le nouvel opérateur.
Pour le moment, on n’est pas dans le cadre des sanctions. En effet, le Groupement a quelque cinq mois encore pour payer le reliquat de 22,1 milliards F CFA. Ce qui est loin d’être au-dessus de ses moyens et possibilités. En tout cas, pour le ministre de l’Economie, des Finances et du Budget, Tiena Coulibaly, dans cette affaire « le Gouvernement restera collé aux clauses du cahier des charges « .
Rappelons que ce sont les 33 milliards F CFA versés dans les comptes du Trésor qui ont permis à l’Etat de passer des accords avec le Fonds Monétaire International (FMI). Ces fonds étant considérés et présentés comme une avancée dans la mobilisation des ressources internes.
C’est dire que le Gouvernement a vu juste en acceptant l’offre de ce groupement qui, on l’espère, va s’acquitter du reliquat de 22,1 milliards F CFA avant la date butoir du 13 novembre 2013.
Mamadou FOFANA