La grève des officines conventionnelles de l’Assurance maladie Obligatoire (AMO) a alerté le Conseil d’administration de la Caisse d’assurance maladie obligatoire (CANAM) sur des difficultés du système. À cet effet, celui-ci a dépêché une mission d’enquête à Ségou pour s’imprégner des problèmes qui plombent les services. L’inquiétude majeure demeure : l’AMO pourrait-elle survivre à la fraude ?
Le service de l’Assurance maladie obligatoire est menacé par la fraude. C’est le constat effroyable de la mission d’enquête déployée par le Conseil d’administration de la Caisse d’assurance maladie obligatoire dans la ville de Ségou. L’objectif de la visite de terrain vise à s’enquérir des problèmes auxquels la chaine ‘’AMO’’ est confrontée, tout en prenant acte les acquis.
Entamée ce mardi 21 janvier, la mission a séjourné dans la capitale des Balazan pendant 72 heures sous la conduite de Mme Seynabou TOURE, 1re vice-président du CA accompagnée, pour la circonstance, de plusieurs membres du Conseil d’administration de la CANAM, dont le Pr Mamadi KANE, Modibo TOLO, Harouna DJIGUIBA. Y faisaient partie également de la délégation : des responsables de services de ladite structure. Au même moment, une mission similaire dirigée par le président du CA, Moussa Alassane DIALLO était à Sikasso.
À Ségou, dans un premier temps, l’équipe a été reçue par le Gouverneur de la région, Biramou SISSOKO, pour la visite protocolaire et d’orientation. Au cours de cette entrevue, le Pr Mamadi KANE est revenu sur le mandat de la mission.
« Nous sommes venus voir ce qui se passe sur le terrain dans la gestion de l’AMO. Mieux vaut voir une fois que d’entendre mille fois. On ne peut pas faire convenablement notre mission si on n’est pas bien informé », a-t-il rappelé, avant de souligner la nécessité de veiller scrupuleusement sur ce service qui « est né dans la douleur ». Et, a-t-il prévenu, l’échec de l’AMO sera une perte énorme pour le pays. C’est un enfant à entretenir, a-t-il estimé.
De son côté, le gouverneur de la région a salué l’initiative pour qui est inédite à Ségou. En effet, explique-t-il, depuis son installation, il y a deux ans, c’est la 1re fois qu’il reçoive des membres de conseil d’administration d’une structure de l’État pour venir s’enquérir des problèmes à la base. Pour lui, cette mission prouve l’intérêt des administrateurs à la réussite de l’AMO.
Après cette visite, la délégation s’est rendue notamment à l’hôpital Nianankoro Fomba, à deux officines conventionnelles où les acteurs ont échangé sans détour.
Procédures fatales pour l’AMO
Si des dysfonctionnements existent dans le système, en revanche, il court à sa perte, à cause de la fraude d’ici quelques années. Et l’ampleur de cette pratique est estimée à plusieurs milliards de francs CFA de pertes par an, soutiennent des membres de la délégation.
« Il y a assez de détours dans l’utilisation de l’AMO. Il y a plus de consultations AMO que de consultations ordinaires à l’hôpital de Ségou », admet Mamoutou COULIBALY, responsable financier de la structure sanitaire, assurant également l’intérim du Directeur en mission à Bamako. Selon lui, la fraude est à tous les niveaux de la chaine. Toutefois, les responsabilités des prescripteurs d’ordonnances ont été beaucoup indexées.
Les quelques rares cas de fraudes démasqués sont souvent anecdotiques.
Le jeune Mohamed DICKO, membre de l’espace AMO à l’hôpital régional de Ségou au nom de ses collègues, a répondu aux accusations des médecins, selon lesquelles, ils refusent de valider certaines prescriptions.
« Nous sommes frustrés devant nos patients quand des membres de l’espace AMO refusent nos prescriptions », tempête un médecin.
Se défendant, Mohamed DICKO se lâche et dévoile : « Nous savons que certaines prescriptions sont faites pour servir d’autres causes. Il y a dans cet hôpital, une dame qui a prescrit plus de 2 millions d’ordonnances en six mois. Et paradoxalement, des médecins d’ici ne prescrivent pas d’ordonnances AMO que lorsqu’ils sont en service dans les cliniques privées ».
Ce n’est pas tout, poursuit le jeune homme : « l’autre jour, un jeune est venu avec une prescription. Il me dit que c’est pour lui, mais les médicaments sont contre une maladie des bébés. Ce sont ces cas que nous rejetons et qui ne plaisent pas à des prescripteurs. »
Pire encore, au sein de l’hôpital, plusieurs fois, les feuilles de soins sont volées dans une armoire et sont utilisées pour faire sortir des produits, a ajouté le jeune DICKO.
À cause de ces irrégularités, certains sont en train de s’enrichir du système, indique le Pr KANE.
« Cela n’est pas normal. Et personne n’a intérêt aujourd’hui à ce que l’AMO s’arrête », a-t-il déclaré.
Comme à Ségou, des membres de la CANAM, nous ont confié également de nombreux cas de soupçon de deal entre des prescripteurs et des officines. Pour l’instant, l’une des solutions envisagées est de rendre le système biométrique pour tous les assurés et leurs ayants droit, mais aussi d’informatiser toute la chaine.
« Il y a trop de paperasses dans le circuit qui alourdissent le processus et encourage surtout la fraude. À l’instar de Bamako, les cartes seront biométriques dans les toutes les localités », a annoncé la cheffe de la délégation, Mme Seynabou TOURE. Mais, en attendant, elle a conseillé aux officines, aux prescripteurs d’insister sur le contrôle de l’identité des détenteurs des feuilles de soins.
Au-delà de ce problème, le système est confronté à certaines difficultés liées au payement des factures par l’INPS…
À la fin de ces missions, des propositions de solutions seront faites à la direction de la CANAM pour la bonne marche des services.
Par Sikou BAH
Source : Info-Matin