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Aliou Cissé: «L’ennemi du Sénégal, c’est le Sénégal» au Mondial 2018

Ce 19 juin 2018, face à la Pologne, l’équipe du Sénégal va effectuer son grand retour en Coupe du monde, après seize années d’absence, avant d’affronter le Japon et la Colombie.

Le sélectionneur Aliou Cissé, qui était capitaine des « Lions de la Téranga » en 2002, évoque pour RFI ses souvenirs de cette épopée et ses espoirs ainsi que ses ambitions pour le Mondial 2018.

RFI : Aliou Cissé, ça fait seize années que le Sénégal attend de revoir son équipe nationale en Coupe du monde. Il y a eu beaucoup de bas depuis le Mondial 2002.

Aliou Cissé : On a eu des moments très difficiles, c’est vrai, au cours des dix ou quinze dernières années. Après 2002, tous les feux étaient au vert. Tout le monde voyait cette génération de 2002 et même les autres dérouler et dominer le football africain sur les cinq, dix ou quinze années suivantes. Ça n’a pas été le cas.

Les raisons sont multiples. Tous les deux ans, il y avait des changements d’entraîneur. Pour ma part, je ne pense pas que c’est en changeant d’entraîneur aussi souvent qu’on peut parvenir à faire quelque chose. Si l’on change les joueurs pour chaque Coupe d’Afrique des nations, on n’arrivera pas non plus à réussir quelque chose.

Donc, lorsque je suis arrivé (en mars 2015, Ndlr), c’était important pour moi de choisir mon groupe, une ossature et de travailler dans la continuité et la cohérence. Une quinzaine de joueurs présents à la CAN 2017 sont encore là aujourd’hui. Je crois vraiment que c’est avec la continuité et la stabilité qu’on arrivera à faire quelque chose. Le Real Madrid de Zinedine Zidane nous l’a prouvé (en remportant trois Ligues des champions de suite, Ndlr). Je crois que c’est le chemin qu’il faut prendre.

Qu’avez-vous gardé dans votre coaching de Bruno Metsu, le sélectionneur du Sénégal au Mondial 2002 qui est décédé en 2013 ?

Beaucoup de choses ! Je le connaissais très bien et il me connaissait très bien. Que la terre lui soit légère. C’est quelqu’un qui est parti trop tôt. Chaque instant, nous pensons à lui. Je l’ai connu quand j’étais très jeune, quand j’avais 16 ou 17 ans à Lille. Par la suite, je l’ai connu en club, à Sedan, puis avec l’équipe nationale du Sénégal.

J’ai énormément appris avec lui. Si j’ai réussi à atteindre un très haut niveau dans le football, que j’ai même signé au Paris Saint-Germain, c’est grâce à lui. Mon meilleur football, je l’ai toujours joué avec Bruno. Je sais comme il pensait et comment il manageait. Ce que j’ai retenu de Bruno Metsu, c’est son côté rigoureux et la proximité qu’il avait avec ses joueurs. […] Lorsque le travail était fini, il était très proche de ses joueurs, discutait avec eux, qui buvait avec ses joueurs, qui sortait même avec ses joueurs !

Je garde cette mentalité-là. Car avant d’être des professionnels, mes joueurs sont des hommes. Ce qui est important aussi, c’est de s’occuper des hommes. On se préoccupe beaucoup du joueur. Mais si tu t’occupes de l’homme derrière le joueur, ce dernier te le rendra.

Le Sénégal a forcément la pression pour son grand retour en Coupe du monde. Tout le pays vous attend, d’autant qu’on connaît le potentiel de votre équipe.

C’est normal que les gens aient de l’espoir. Ils ont raison d’en avoir. Mais notre philosophie est de prendre les matches les uns après les autres. Il faut qu’on continue à garder cette philosophie-là. On sait que tous nos matches seront disputés ardemment et âprement. Mais nous avons l’habitude de ce genre de rencontres.

Se qualifier sur le continent africain, ce n’est pas facile. Seules cinq nations africaines vont à la Coupe du monde. Et vous êtes obligé d’aller jouer partout, parfois dans des conditions très difficiles. Le combat, on connaît. En plus de ça, on a vraiment des garçons vraiment talentueux.

J’ai envie de dire que, aujourd’hui, l’ennemi du Sénégal, c’est le Sénégal. Si on arrive à garder l’esprit de solidarité qu’on a depuis trois ans, […] qu’on conserve cette envie de bien vivre ensemble, avec du plaisir, je pense qu’on peut faire de très belles choses. Parce que tout ça fait partie de notre histoire et de notre culture africaine.

Quel est l’objectif du Sénégal durant cette Coupe du monde 2018 ?

Aller le plus loin possible ! Dans un premier temps, on veut sortir de la poule H. Si on peut gagner la Coupe du monde, on ne se gênera pas pour le faire. […] Il faut penser grand et rêver grand. Mais il faut commencer petit pour espérer continuer notre histoire.

Propos recueillis par Olivier Pron, le 4 juin 2018 à Vittel,

RFI

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