Au Mali, de nombreuses jeunes filles, à peine pubères, quittent le village, pour la grande ville. Emploi plus que précaire, s’il y en a, le travail d’aide-ménagère qu’elles font en ville n’offre pas de protection et est sans lendemain. De plus en plus de filles et de structures d’accompagnement commencent à en prendre conscience et à envisager une reconversion. La vie d’après.
“J’ai été aide-ménagère pendant plus de 10 ans. Cela fait quatre ans que je ne suis pas retournée dans mon village. J’ai tout connu : les fausses accusations de vol, le viol, le manque de salaire, les coups, les pressions, le manque de sommeil… Aujourd’hui, grâce à BNCE, je sais coudre. Je retourne au village avec une machine à coudre et un fonds de départ. Je vais être la première couturière de mon village”, dit fièrement Awa.
Awa n’est pas un cas isolé. “Quand elles arrivent, avec l’éducation humaniste du village, elles ne sont pas préparées à ce qui les attend. En plus, on ne peut pas être aide-ménagère toute sa vie. Il faut bien les aider à se reconvertir”, explique Oumar Sow, sociologue.
Pour M. Sow, “avant, il s’agissait d’un travail saisonnier. Une jeune fille venait pour une saison sèche. Elle était en âge de se marier et avait besoin de se constituer un trousseau. Après les sept mois de la saison sèche, à son retour, elle était mariée et le cycle continuait. Elle, elle ne revenait plus. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Certaines restent des années sans faire un tour au village, avec la bénédiction souvent des parents qui reçoivent d’elles de l’argent régulièrement. D’autres partent à chaque hivernage, mais reviennent juste après, et cela, pendant des années”.
Pour Mme Mangara de la Clinique juridique des femmes de l’Association des femmes juristes, “l’État devrait élaborer et mettre en œuvre des lois et des réglementations spécifiques pour encadrer le travail des jeunes filles aide-ménagères, en garantissant des conditions de travail décentes, des horaires raisonnables, des salaires justes et la protection contre l’exploitation”.
Pour les aider justement à se reconvertir, le Bureau national catholique de l’enfance (BNCE), leur dispense des formations qualifiantes. BNCE dispose d’un centre d’écoute et de formation dans ce sens. “Au départ, affirme Mme Coulibaly Amanda, coordonnatrice de BNCE-Mali, nous recueillions seulement des jeunes filles aide-ménagères tombées en grossesse ou ayant des difficultés d’insertion. Nous avons élargi aujourd’hui. En plus de l’hébergement, de l’écoute et de l’accompagnement psycho-social, nous leur offrons des formations préprofessionnelles en coupe et couture, art culinaire, et d’autres activités en collaboration avec d’autres centres de formation”.
De plus en plus de structures d’accompagnement des aide-ménagères les forment en “compétences de vie, cela leur permet de maîtriser beaucoup d’aspects de la vie en société, comble certaines défaillances éducatives”, reconnaît Sissi Dackouo du ministère de la Promotion de la femme, de l’Enfant et de la Famille. “Sans le faire, nous encourageons cette nouvelle vision”, dit-elle.
“Les aide-ménagères qui arrivent au BNCE sont la plupart des cas butés à des problèmes dans leur milieu de travail. Après la mise en confiance, le BNCE les aide dans l’élaboration de leurs projets de vie”, affirme Mme Coulibaly.
Des campagnes de sensibilisation sont également organisées par d’autres structures comme la Clinique juridique Demeso pour informer les familles, les employeurs et les jeunes filles elles-mêmes sur leurs droits et sur les risques associés au travail des jeunes filles aide-ménagères. “Des programmes de formation professionnelle et d’éducation sont également mis en place pour offrir aux jeunes filles des alternatives viables au travail domestique”, ajoute Mme Maïga Mariam Diawara, de la Clinique juridique Demeso.
“L’Etat devrait renforcer les mécanismes de protection des droits de l’enfant et mettre en place des mécanismes de surveillance efficaces pour prévenir l’exploitation des jeunes filles aide-ménagères et assurer le respect de leurs droits”, ajoute Amanda, directrice exécutive du BNCE. Pour elle, dans son expérience, BNCE reçoit toutes les filles en situation de vulnérabilités. “Il faut qu’elles aient des projets de vie. En fonction de leur choix et des activités génératrices de revenus qui peuvent marcher dans leurs villages, nous les formons. Le processus de réinsertion commence par l’écoute active. Ensuite, nous discutons avec les parents. En cas de grossesses, nous faisons de la médiation avec la famille et ensuite préparer la réinsertion sociale”.
Le Code du travail en vigueur dans notre pays parle peu de la formation des aide-ménagères, même si son article 86 donne une définition des travailleurs employés aux domiciles.
Aminata Yattara
Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les droits humains au Mali (JDH) et NED