L’ambiguïté du discours de l’Imam DICKO dénonçant tantôt le manque de solidarité de la communauté musulmane à l’endroit du Mali agressé par une horde de jihadistes, la segmentation de la communauté musulmane malienne vis-à-vis de l’occupation djihadiste ; soutenant tantôt l’intervention militaire française, tout en jouant à l’équilibrisme dans les rapports avec les jihadistes sont entre autres éléments rappelés par Sambou SISSOKO dans l’une de ses récentes tribunes. Lisez les faits troublants qu’il rappelle.
L’incohérence des positionnements de Mahmoud Dicko, président du HCIM, face à l’intervention militaire française du 11 Janvier 2013 contre les djihadistes au Nord du Mali.
Pendant l’intervention militaire de l’OTAN en Libye, des marches en soutien au colonel Kadhafi ont été organisées dans plusieurs localités de ce pays. Dans les mosquées de la capitale, notamment la grande mosquée de Bamako, la France de Sarkozy, «ennemie de l’islam», était maudite. Dans ces mêmes mosquées, au commencement de l’intervention française, la France était bénite pour avoir secouru le Mali, au moment où il en avait le plus besoin. Les drapeaux français, pendant longtemps, ont abondé dans les rues des villes maliennes, et l’armée française était accueillie en sauveur, là où l’armée malienne fut auparavant humiliée.
Le HCIM a pleinement apporté son soutien à l’intervention militaire française. Tout au long, il a joué un rôle de sensibilisation auprès de l’ensemble des Maliens, notamment auprès des personnes qui voyaient d’un mauvais œil la présence militaire française sur le sol malien. Ses dirigeants se sont efforcés d’expliquer que la guerre au Nord du Mali n’était en rien dirigée contre l’islam. Le HCIM s’est d’ailleurs fermement posé contre les accusations de pays musulmans, notamment l’Égypte par la voix de son président Mohamed Morsi, ayant qualifié l’opération militaire française au Mali, d’agression contre l’islam. Le président du HCIM Mahmoud Dicko a, quant à lui, plutôt déploré l’absence de «solidarité islamique» des pays musulmans regroupés au sein de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), qui compte cinquante-sept pays musulmans et dont le Mali est un membre fondateur.
Après que le Qatar et l’Égypte aient affirmé leur opposition à l’intervention militaire française au Mali, le président du Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM) a pris la parole, le 22 janvier 2013, à la maison de la presse, pour défendre l’appui français à l’armée malienne contre les groupes djihadistes armés occupant le Nord du Mali. Le HCIM a fermement dénoncé « la campagne de dénigrement émanant de certains pays musulmans, de certains leaders religieux influents dans le monde musulman, qualifiant l’intervention militaire française aux côtés des troupes maliennes comme une agression contre l’islam ». Pendant cette conférence de presse, Mahmoud Dicko a tenté de fournir, implicitement, des éléments de compréhension sur les agissements tant décriés qu’il a pu avoir au cours de l’occupation du Nord du Mali par les groupes djihadistes. Des agissements qui ont été aperçus comme un soutien aux salafistes armés. Mahmoud Dicko a donc fait référence à l’islam comme un élément qui lie tous les musulmans, y compris les djihadistes. Cette considération, selon la conception de M. Dicko, ferait des djihadistes, nonobstant leurs pratiques violentes, les frères des autres musulmans. Mahmoud Dicko semble ainsi laisser entendre que sa démarche de discussion avec les groupes djihadistes avait pour but de parvenir à un règlement pacifique et d’éviter au Mali d’être en guerre. Ses efforts ayant été vains, l’intervention militaire était alors, selon lui, à soutenir. Il explique ainsi : « Nous avons tendu la main à nos frères, nous avons cru en eux, nous avons pensé qu’à partir du moment où il s’agit de l’islam dans un pays majoritairement musulman, on n’avait pas besoin d’une guerre. On allait pouvoir se comprendre, s’entendre, se parler et de faire éviter à notre pays ce spectacle désolant qui est la guerre et ses corollaires. Mais hélas on n’a pas été entendu. Notre objectif était de faire éviter à notre pays une guerre. Mais à partir du moment où notre pays a été attaqué, nous disons solennellement que nous n’avons pas de calcul à faire que de nous unir comme un seul homme derrière notre pays, derrière notre autorité, derrière notre armée pour débarrasser notre pays de cette situation qui n’a que trop duré ». Notons que cette déclaration a été faite onze jours après le début des opérations militaires, c’est-à-dire après que les djihadistes aient presque perdu toutes leurs positions, au profit des militaires français et maliens.
La démarche de Mahmoud Dicko ressemble plutôt à une forme de récupération politique qui consisterait à redorer son image personnelle, et celle de l’institution qu’il préside. Notre constat pourrait s’expliquer par l’incohérence des positionnements de Mahmoud Dicko, pendant l’occupation du Nord par les groupes djihadistes, et pendant l’intervention militaire française qui les a chassés hors des territoires qu’ils contrôlaient. Dans la première situation, M. Dicko avait semblé soutenir les djihadistes, en approuvant leur projet de société (l’instauration de la charia), allant jusqu’à réunir un atelier qui avait pour but de réfléchir à sa généralisation dans l’ensemble du Mali. La virulence des critiques, à l’égard de ce positionnement, tant au Mali qu’à l’international, avait contraint Mahmoud Dicko à repenser ses propos. Compte tenu des difficultés de diverses natures qui ont découlé de l’occupation djihadiste, et compte tenu de l’opposition populaire unanime à ce phénomène, les populations maliennes s’attendaient à un consensus venant de la classe religieuse malienne, sans avoir égard à sa diversité doctrinale. Pourtant, la principale idée que nombreux Maliens ont retenu, était la segmentation prononcée de la communauté musulmane malienne, vis-à-vis de l’occupation djihadiste. Il est apparu, d’un côté, les responsables de l’islam malékite qui ont immédiatement condamné, avec la plus grande fermeté, la présence des groupes djihadistes dans le Nord. De l’autre, les wahhabites, avec à leur tête Mahmoud Dicko, qui sont restés solidaires des groupes djihadistes. L’intervention militaire française, qui sonnait le glas de l’occupation djihadiste, était ainsi l’ultime occasion pour Mahmoud Dicko et le HCIM de se réconcilier avec les personnes qui ont déploré leurs orientations, qui se sont surtout senties trahies, car les djihadistes sont avant tout apparus comme des mouvements exogènes au paysage religieux malien, venus occuper le Mali.
Sambou SISSOKO
Source: info-matin