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Afrique : 2024, une année électorale à haut risque

Au programme, des élections générales, législatives et présidentielles. Retour sur les principaux scrutins qui tiendront le continent en haleine.

ù en est la démocratie sur le continent africain en 2024 ? Les élections qui doivent se tenir dans plusieurs pays dans les douze prochains mois pourraient aider à répondre à cette question. Au total, dix pays connaîtront des consultations nationales au cours de l’année : des législatives et des régionales au Togo (dans le premier trimestre de l’année) et neuf présidentielles ou élections générales réparties entre les Comores (janvier), le Sénégal (février), l’Afrique du Sud (mai) ; la Mauritanie (juin); le Rwanda (juillet) ; la Tunisie et le Mozambique (octobre) ; le Ghana et l’Algérie (décembre).

De multiples enjeux entourent ces prochaines échéances électorales, comme celui autour de la régularité des scrutins. Plusieurs pays qui s’apprêtent à organiser des élections ont connu des scénarios mouvementés ces dernières années. La réélection du président mozambicain Filipe Nyusi lors de la présidentielle de 2019 est un exemple, parmi d’autres.

Les élections ne riment pas forcément avec démocratie

Pour les analystes et observateurs, les contestations post-électorales en Afrique s’expliquent en partie par le fait que le jeu de l’alternance reste un défi important sur le continent. En effet, bien que des pays comme le Sénégal ou le Ghana aient une culture des scrutins qui aboutissent à la reconnaissance par le perdant de la victoire du vainqueur, le sentiment d’élections aux résultats pliés d’avance est le mieux partagé dans bien d’autres pays, à l’instar du Rwanda de Paul Kagamé, candidat à sa propre succession pour un cinquième mandat.

Les échéances électorales dans la dizaine de pays arrivent dans un contexte général africain marqué par une croissance économique mitigée. La résultante de facteurs internes mais surtout de multiples chocs exogènes consécutifs à la pandémie de Covid-19 et à la guerre russe en Ukraine. Si on dresse un tableau général, certains pays du continent font face à une inflation à deux chiffres, pour d’autres un défaut de paiement. Dans tous les cas, les prochains dirigeants auront fort à faire pour redresser la barre. Parmi les pays les plus en difficultés figurent la Tunisie et le Ghana, qui ont dû recourir au FMI pour redonner du souffle à leurs économies.

Il y a aussi ceux qui entrent dans l’année électorale sous une situation sociopolitique nationale relativement tendue. C’est par exemple le cas du Sénégal où la dernière année du mandat du président sortant, Macky Sall a été marquée par des violences sur fond d’un feuilleton judiciaire dont l’un des opposants et candidat à la présidentielle, Ousmane Sonko en est l’acteur principal. Pour plusieurs observateurs, les futures élections pourraient permettre de décanter cette tension sociale pour d’autres le plus dur reste à venir.

Dans certains des pays, un sujet qui pourrait particulièrement déterminer le choix des électeurs est bien celui de la gestion des conflits armés déclarés ou en état de latence. Ça pourrait être le cas au Mozambique, ce pays qui fait face à des violences armées terroristes. En outre, l’éducation, la santé, la lutte contre la corruption sont tout aussi des préoccupations majeures qui pourraient s’inviter lors des débats électoraux. D’un pays à l’autre, des facteurs spécifiques pourraient entrer en ligne de compte dans le choix des électeurs.

  • Au Sénégal, l’élection de tous les dangers

Plus que quelques semaines d’attente, et le 25 février, les Sénégalais se rendront aux urnes pour désigner leur futur président. En attendant le 20 janvier prochain, la Cour constitutionnelle sénégalaise doit publier une liste définitive de candidats, il faut dire que pas moins de 90 personnes prétendent à la magistrature suprême du pays.

Alors qu’au sein de la coalition présidentielle, Benno Bokk Yakaar, la désignation d’Amadou Bâ semble avoir clos le débat sur la désignation d’un dauphin pour succéder au sortant Macky Sall, ce n’est pas le cas du côté de l’opposition qui, en plus d’avancer en rangs dispersés, enregistre des incertitudes sur certains de ses ténors.

À propos d’incertitudes, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), l’une des principales forces de l’opposition cristallisent les attentions. Le parti est dissous en juillet 2023, son candidat par défaut, Bassirou Diomaye est emprisonné au même titre que le candidat initial, en la personne d’Ousmane Sonko, leader du parti. Pour rappel, ce dernier a été condamné dans le cadre d’une affaire de mœurs, un dossier judiciaire à multiples rebondissements qui a occasionné de nombreux actes de violences au Sénégal.

Alors qu’une récente décision de justice a également confirmé une condamnation d’Ousmane Sonko pour diffamation, son dossier a été écarté par le Conseil constitutionnel, qui l’a jugé incomplet. Le risque d’un scrutin avec un PASTEF fragilisé est plus que jamais grand, au profit d’autres figures de l’opposition, comme Khalifa Sall, ex-maire de Dakar ? Rien n’est moins sûr.

  • En Mauritanie, peu de suspense pour une réélection de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani

Le 24 juin prochain, les Mauritaniens ont rendez-vous avec les urnes pour élire leur président. Du moins, pour réélire l’actuel, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, comme le parient beaucoup d’observateurs et analystes. Car à un semestre du scrutin, les dés semblent déjà jetés et l’homme à la tête du pays depuis août 2019 est donné favori.

Certes, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani aura marqué des points pour sa réélection en affichant, au cours des derniers mois, sa volonté de révolutionner de nombreux domaines. On l’a notamment vu sur le terrain de la construction des infrastructures (multiples visites et inaugurations de chantiers) ; la santé (mise en place d’une couverture maladie universelle), la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités (dotation de la Délégation à la solidarité nationale et à la lutte contre l’exclusion d’un budget de 500 millions de dollars), etc.

Mais, ce qui pourrait aussi profiter au candidat de l’Union pour la république, c’est l’absence d’un adversaire à même de compromettre ses ambitions. En dehors de Biram Dah Abeid, arrivé second lors du scrutin de 2019, la plupart des grandes figures de l’opposition ont rallié le parti au pouvoir. Il faut aussi compter avec l’absence dans la course de l’ex-président Mohamed Ould Abdelaziz, jugé et condamné à cinq ans de prison pour enrichissement illicite et blanchiment d’argent ainsi qu’à une peine d’inéligibilité.

  • En Afrique du Sud, des scrutins particulièrement difficiles pour l’ANC de Nelson Mandela

Aux élections générales de 2024, prévues entre mai et août, le défi semble double pour le parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC) : remporter les scrutins et reconquérir le niveau d’assise que le parti avait maintenu de ses débuts, il y a une trentaine d’années, jusqu’à une époque récente. Car ces dernières années, le parti de Nelson Mandela est au plus bas dans les sondages.

De 62 % des voix à l’élection de Mandela en 1994, aujourd’hui, les sondages donnent l’ANC à tout juste 50 % des estimations pour les prochaines consultations. En effet, lors des élections locales de 2021 le parti au pouvoir avait obtenu seulement 46 % des voix, ouvrant ainsi la voie à une co-gouvernance, faite de coalitions.

Pour de nombreux analystes, rien d’étonnant que l’ANC perdent sa force d’avant. En cause, sous la houlette du parti, la gouvernance de la Nation Arc-en-ciel, ces dernières années, a été marquée par la corruption et bien d’autres fléaux comme l’insécurité urbaine ou le chômage. On se souvient notamment du scandale de corruption et de blanchiment d’argent impliquant l’ex-président Jacob Zuma, qui a dirigé le pays de 2009 à 2018.

Si l’actuel chef de l’État, Cyril Ramaphosa, obtient la confiance des Sud-Africains pour un second mandat à la tête du pays, il sera attendu sur ces maux qui contribuent à mettre en jeu l’avenir de l’ANC.

  • La présidentielle algérienne 2024 ou le faux suspense Tebboune

À 12 mois du scrutin présidentiel, tous les regards sont tournés vers l’actuel chef de l’État algérien. Abdelmadjid Tebboune va-t-il briguer un autre mandat ? La question reste posée d’autant plus que celui qui est arrivé à la tête de l’État en 2019 n’a pas encore fait connaître jusque-là ses intentions. Certes, le président algérien, 78 ans, promettait dès son accession au pouvoir de ne pas s’y éterniser. Mais certains analystes n’excluent pas la possibilité que cette position ait évolué avec le temps.

Si le président algérien opte pour un second bail, c’est en favori qu’il prendra part à la course. Car en face, il y a une opposition qui occupe moins le devant de la scène politique. Cela pourrait s’expliquer par une mesure d’interdiction des mouvements de contestations sous peine de poursuites judiciaires.

Que le président Tebboune se présente pour un second mandat ou pas, la présidentielle algérienne sera probablement l’une des plus scrutées depuis les bords de la Méditerranée, particulièrement depuis la France. Entre Alger et Paris, un froid diplomatique s’est installé et perdure depuis plusieurs mois, lié principalement à plusieurs facteurs historiques relevant de l’époque coloniale. Un gel des relations entre les deux capitales qui explique le report à maintes reprises de la visite à Paris du locataire du palais d’El Mouradia.

  • En Tunisie, une simple victoire de Kaïs Saïed suffira-t-elle ?

Politiquement, 2024 est une année marathon pour la Tunisie, qui connaîtra des élections générales : d’abord des locales et régionales puis la présidentielle prévue au mois d’octobre. Mais il faut dire que les regards sont beaucoup tournés vers le scrutin, qui permettra au président Kaïs Saïed de rester au pouvoir pour un second mandat ou de céder le fauteuil présidentiel à un successeur.

Un scénario dans lequel le président tunisien cède le pouvoir semble le moins plausible. Car si, en 2014 puis en 2019 les consultations étaient ouvertes, elles s’annoncent moins pour les prochaines échéances. En cause, une opposition quasiment absente autant qu’elle est considérée comme réduite au silence par celui – le chef de l’État – que beaucoup accusent de concentrer tous les pouvoirs entre ses mains, surtout depuis que le pays s’est doté d’une nouvelle constitution.

Kaïs Saïed ou pas à la tête de la Tunisie, les gros défis qui attendent le prochain locataire du palais de Carthage sont d’abord économiques. Pénuries, taux de chômage élevé, manque de liquidité : le pays traverse des difficultés financières depuis des mois.

L’autre gros enjeu est diplomatique. En témoignent les tractations sur fonds de réticences du président Saïed, courant 2023, entre Tunis et les capitales européennes pour trouver un accord migratoire, alors que la Tunisie est perçue comme un pays de départ massif de migrants vers l’Europe.

  • 2024, une année décisive pour le Ghana ?

Qui pour succéder à Nana Akufo-Addo et sortir enfin le Ghana de l’impasse économique dans lequel il se trouve depuis la pandémie de Covid-19 ? La question est d’urgence car presque tous les voyants sont au rouge. Sur un an, le taux d’inflation a franchi la barre de 40 % et le pays est en défaut de paiement. C’est d’ailleurs ce qui avait prévalu à la négociation puis à la signature en décembre 2022 d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir un prêt de 3 milliards de dollars.

Trois des candidats en lice se présentent comme les hommes de la situation : Mahamudu Bawumia (60 ans), actuel vice-président et candidat du parti au pouvoir (le NPP), John Dramani Mahama (65 ans), ancien président de la République, et Alan John Kyerematen (68 ans), ancien ministre du Commerce qui avait démissionné du gouvernement en janvier 2023, puis du parti au pouvoir.

Au soir du 7 décembre prochain, celui des trois principaux candidats qui l’aura emporté aura sans doute convaincu le plus les Ghanéens sur un projet de relance de l’économie. Mais rien ne semble gagné d’avance entre un Mahamudu Bawumia qui a l’onction et le soutien du président sortant, John Dramani Mahama, qui a la chance de ne plus faire face à son redouté challenger, Akufo-Addo, et un Alan John Kyerematen dont le poids politique pourrait surprendre.

lepoint

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