De violents affrontements entre combattants de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et groupes armés du Nord-Mali signataires de l’accord de paix de 2015, regroupés au sein du Cadre stratégique permanent (CSP), sont signalés depuis quelque temps, dans la région de Gao au Mali. Des sources annoncent des centaines de morts dans les deux camps ; toute chose qui traduit la violence des combats qui ont entraîné des déplacements massifs de populations en direction du Niger voisin. Ainsi signale-t-on des milliers de réfugiés dans les communes frontalières d’Abala, de Tillia et d’Eknewan, respectivement dans les régions de Tillabéri et de Tahoua, dans l’Ouest du Niger. Ce regain d’activisme des terroristes de l’EIGS dans le septentrion malien, a d’autant plus de quoi inquiéter que l’on croyait la bête immonde mortellement touchée au flanc, après l’élimination, l’année dernière, par l’armée française, de plusieurs de ses cadres dont l’emblématique Abou Walid al-Sahraoui, le fondateur dudit groupe.
La force conjointe est longtemps restée l’ombre d’elle-même
Mais au regard de ces combats acharnés au Nord-Mali, tout porte à croire qu’il faudra beaucoup plus que l’élimination de quelques têtes de gondole pour espérer venir à bout de la pieuvre tentaculaire qui ne cesse de semer la mort et la désolation dans la sous-région ouest-africaine. C’est dire l’impérieuse nécessité d’une collusion des forces des pays de la sous-région, dans ce combat contre l’ennemi commun qui ne connaît pas de frontières. C’est le lieu de se poser la question : où est passée la force conjointe du G5 Sahel ? Longtemps présentée comme l’une des réponses les plus appropriées aux premières heures du terrorisme dans la sous-région, cette force conjointe est malheureusement longtemps restée l’ombre d’elle-même au point que l’on se demande aujourd’hui si elle n’a pas abandonné le combat. La question est d’autant plus fondée que cet instrument d’intégration des forces armées de la région, qui passait pour un albatros capable de déployer ses grandes ailes pour casser du djihadiste et ramener la sérénité au sein des populations sahéliennes, ne fait plus parler de lui depuis que la question de son financement a achoppé sur les promesses non-tenues de certains bailleurs de fonds. Aujourd’hui, cette force conjointe que les pays du Sahel traînent comme un boulet au pied, ressemble beaucoup plus à un « machin » qu’à autre chose, au moment où sa nécessité se fait pourtant sentir. Dans le cas d’espèce, l’une de ses priorités pressantes aurait été de pallier au pied levé, le retrait de la force française Barkhane dans cet espace où l’hydre terroriste, à l’image du phœnix, a suffisamment fait la preuve d’une capacité de régénérescence à nulle autre pareille. A présent, tout se passe comme si les terroristes voulaient profiter du vide laissé par la force française pour occuper des espaces où ils comptent continuer à exercer leur influence.
On peut regretter que les populations civiles aient à payer un aussi lourd tribut à ces rivalités entre groupes armés
Une hypothèse d’autant plus fondée qu’à en croire certaines sources, ces combattants de l’EIGS se sont refait une santé militaire en équipements de guerre et en moyens roulants avant de se lancer dans cette nouvelle croisade. C’est dire si la menace terroriste reste permanente et réelle aussi bien dans le septentrion malien que sur les pays limitrophes qui risquent de ressentir durement les contrecoups de cette montée en puissance des islamistes. Cela dit, ce n’est pas la première fois que des groupes armés s’affrontent dans des combats meurtriers dans cette partie du Sahel. En effet, depuis 2020, des affrontements sanglants sont régulièrement signalés entre groupes affiliés à l’Etat islamique (EI) d’une part et à Al-Qaïda d’autre part, dans des combats meurtriers au Mali et au Burkina Faso. Sauf que dans le cas d’espèce, il s’agit d’affrontements de combattants de l’EIGS avec les groupes armés du Nord signataires de l’accord de paix de 2015 réunis au sein du Cadre stratégique permanent en pourparlers avec Bamako. En temps normal, la logique aurait été de faire front commun contre l’ennemi commun, en attendant de laver le linge sale des désaccords en « famille ». Mais la situation actuelle semble d’autant plus complexe que la sincérité de certains groupes armés signataires de l’accord de paix de 2015, est souvent mise en cause face à la récurrence des atrocités dans leurs espaces respectifs, quand il n’est pas question de connexions avec les terroristes. En tout état de cause, l’on peut regretter que les populations civiles aient à payer un aussi lourd tribut à ces rivalités et autres visées expansionnistes de ces groupes armés. Contraintes qu’elles sont de chercher refuge dans des contrées jugées plus sécurisées pour sauver leur peau, comme c’est le cas de ces populations qui ont fui au Niger voisin où elles ne peuvent que compter sur la solidarité des populations locales en attendant mieux, parfois après avoir tout abandonné derrière elles.
Source: Le Pays.bf