L’affaire « Sirli », que les autorités françaises s’efforcent d’étouffer depuis sa révélation, en novembre 2021, fait désormais l’objet d’une plainte devant la justice française. Deux ONG américaines de défense des droits de l’homme, Egyptians Abroad for Democracy et Codepink, ont saisi, lundi 12 septembre, le pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris.

Leur plainte contre X, pour « crimes contre l’humanité et torture ayant été commis par des responsables égyptiens » et « complicité de crimes contre l’humanité par des responsables français »vise les architectes de l’opération antiterroriste baptisée « Sirli ». Conduite par des militaires français en partenariat avec l’armée égyptienne, durant la seconde moitié des années 2010, cette mission aurait débouché sur des frappes meurtrières contre des civils.

Opération détournée

L’accusation repose sur des documents classés secret-défense de la direction du renseignement militaire (DRM) français, divulgués par le site d’informations Disclosedont le ministère des armées n’a pas contesté l’authenticité. Ces documents établissent qu’à partir de 2015, dans le cadre de la coopération sécuritaire nouée entre Paris et Le Caire, un appareil de surveillance aérien, opéré par des agents de la DRM, a traqué les infiltrations djihadistes dans le désert entre la Libye et l’Egypte, pour le compte de l’armée égyptienne.

Mais, si l’on en croit les rapports de la DRM publiés par Disclose, l’opération conjointe a été peu à peu détournée de sa vocation antiterroriste par les autorités égyptiennes, à des fins de répression interne. Les informations fournies par l’avion français auraient été exploitées par le régime du président Abdel Fattah Al-Sissi pour mener des attaques contre des réseaux ordinaires de trafiquants d’armes, de drogues ou de migrants. Sur la base des documents qu’il s’est procurés, Disclose affirme que « les forces françaises auraient été impliquées dans au moins dix-neuf bombardements contre des civils.

Le gouvernement français a rejeté ces accusations en bloc. Ministre des affaires étrangères lorsque l’enquête de Disclose est sortie, mais ministre des armées lorsque l’opération « Sirli » a été mise sur les rails, Jean-Yves Le Drian a reconnu la coopération sécuritaire avec le pouvoir égyptien, tout en affirmant que « le processus d’échange des données est construit de telle manière qu’elles ne peuvent servir à guider des frappes ».

Les ONG américaines veulent ouvrir le débat sur les dangers de la coopération avec un régime autocratique et répressif comme celui du Caire

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Source: Le Monde