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Affaire Oter Sa/Pariis-Mali : Le CRD tranche la poire en deux…

Et décide de diligenter des investigations complémentaires

Le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public (ARMDS)  statuant en Commission litiges sur le recours non juridictionnel de l’entreprise OTER-SA contestant les résultats de l’appel d’offre  n°02/AON/2023/PARIIS ML/IDA relatif aux travaux d’aménagement de trois (03) sous-projets de bas-fonds, plaines et périmètre maraicher d’une superficie totale prévisionnelle de 275 ha dans les cercles de Baraouéli (communes de Gouendo et N’Gassola) et de Dioïla (Commune de Diébé) en trois (03) lots, tranche la poire en deux, s’autosaisit du dossier et “décide de diligenter des investigations sur le fondement de certaines informations recueillies au cours de l’instruction du recours”.

e lundi 29 mai 2023, le Comité de règlement des différends de la direction générale des marchés publics et des délégations de service public a délibéré conformément à la loi et a adopté une délibération fondée sur les faits, la régularité du recours et les moyens exposés dans une affaire complexe opposant le Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel-Mali (PARIIS-Mali) à l’entreprise OTER-SA.

Que s’est-il passé ?

Suivant le numéro 19844 du quotidien national L’Essor du 28 février 2023, le Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel-Mali (PARIIS-Mali) a lancé l’appel d’offres ouvert n°02/AON/2023/PARIIS ML/IDA relatif aux travaux d’aménagement de trois (03) sous projets de bas-fonds, plaines et périmètre maraicher d’une superficie totale prévisionnelle de 275 ha dans les cercles de Baraouéli (communes de Gouendo et N’Gassola) et de Dioïla (commune de Diébé) en trois (03) lots.

L’entreprise OTER-SA a soumissionné pour le lot 1 : travaux d’aménagement de la plaine de Diébé (200 ha) dudit appel d’offres.

Par mail en date du 9 mai 2023, le coordinateur du Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel a notifié à l’entreprise OTER-SA le rejet de son offre, sans en préciser le motif, et la désignation de l’entreprise EGETAR comme attributaire provisoire du lot 1, à la suite des travaux de la commission d’ouverture et d’évaluation des offres.

Par lettre datée du 12 mai 2023 et notifiée le 16 mai 2023, OTER-SA a contesté la décision d’attribution du marché à l’entreprise EGETAR en indiquant notamment que, primo, l’autorité contractante doit procéder à un réexamen des états financiers des cinq derniers exercices de l’attributaire provisoire ; secundo, l’attributaire provisoire ne fait pas partie des grandes sociétés maliennes intervenant dans le secteur du marché querellé ; et tertio, le rejet de son offre n’a pas été motivé et que cela lui coûte l’impossibilité d’apprécier les raisons et par voie de conséquence de les contester utilement.

Par lettre datée du 17 mai 2022, le Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel a rejeté le recours formé par OTER-SA. Le 19 mai 2023, OTER-SA a saisi le Comité de règlement des différends pour contester les résultats de l’appel d’offres ci-dessus mentionné.

Le recours de l’OTER-SA est-il recevable ?

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 120.1 du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015 portant code des marchés publics et des délégations de service public, modifie : “tout candidat ou soumissionnaire s’estimant lésé au titre d’une procédure de passation d’un marché ou d’une délégation de service public est habilité à saisir l’autorité contractante ou l’autorité délégante d’un recours gracieux à l’encontre des procédures et décisions lui causant ou susceptibles de lui causer préjudice” ;

Considérant que l’article 120.2 du même décret dispose que “l’exercice du recours gracieux préalable est obligatoire pour tout candidat ou soumissionnaire qui entend exercer une action en contestation devant le Comité de règlement des différends” ;

Considérant que conformément aux dispositions de l’article 120.3 du décret n°2015-0604/P-RM ci-dessus, le recours peut porter sur la décision d’attribuer ou de ne pas attribuer le marché ou la délégation, sur les conditions de publication des avis, les règles relatives à la participation des candidats et aux capacités et garanties exigées, le mode de passation et la procédure de sélection retenue, la conformité des documents d’appel d’offres à la règlementation, les spécifications techniques retenues, les critères d’évaluation. II doit invoquer une violation caractérisée de la réglementation des marchés publics et des délégations de service public ;

Considérant que l’article 121.1 du décret n°2015-0604/P-RM dispose que les décisions rendues au titre du recours gracieux peuvent faire l’objet d’un recours devant le Comité de règlement des différends dans un délai de deux (2) jours ouvrables à compter de la date de notification de la décision faisant grief ;

Considérant qu’il résulte des faits exposés que le 16 mai 2023, OTER-SA a exercé un recours gracieux contre les résultats de l’appel d’offres et qu’une suite défavorable a été réservée à ce recours le 17 mai 2023 ;

Considérant que le 19 mai 2023, la requérante a saisi le CRD d’un recours en contestation et ce, dans les deux (02) jours ouvrables conformément aux articles 120 et 121 susmentionnés ;

Qu’il s’ensuit que le recours d’OTER-SA remplit les conditions de forme pour être recevable.

La décision de PARIIS-Mali entachée d’incompétence et d’erreur de fait ?

Au soutien de son recours, la société OTER-SA a développé des arguments solides notamment en ce qui est de l’incompétence de l’auteur de la décision de notification querellée.

La requérante s’est solidement basée sur les dispositions du décret n°2017-0992/P-RM du 20 décembre 2017 relatif à la publication des Actes au Journal officiel de la République du Mali. Particulièrement que : les arrêtés ministériels doivent être publiés au journal officiel (article 2) ; seuls les textes publiés au Journal officiel font foi jusqu’à la publication d’un avis rectificatif ; (second alinéa de l’article 5) ; les actes publiés sont opposables aux tiers le lendemain de leur publication dans le district de Bamako et les chefs-lieux de région et un jour franc après l’arrivée du Journal officiel dans les autres chefs-lieux de circonscriptions administratives (1er alinéa de l’article 6).

Que ce texte est venu formaliser une jurisprudence administrative constante fondée sur la Loi n°98-012 du 19 janvier 1998 régissant les relations entre l’administration et les usagers des services publics et le décret n°03-580/P-RM du 30 décembre 2003 fixant les modalités d’application de la loi régissant les relations entre l’administration et les usagers des services publics ;

Pour sonner le glas, l’OTER-SA sort une jurisprudence : la Section administrative de la Cour suprême dans son Arrêt n°851 du 26 novembre 2020 la Sté Lah et Fils – contre avis de mise en recouvrement.

Qu’en l’espèce, la décision contestée a été prise par Altanata E. Yattara en qualité de Coordinateur national du projet PARIIS-Mali.

Qu’or, la décision contestée ne comporte aucune référence supposant que son auteur était compétent et ne comporte aucune justification de la satisfaction des règles de publicité mises à la charge de l’administration ;

Qu’ainsi, à défaut de production d’un arrêté rendu opposable par une publication régulière, le CRD ne pourra que constater l’incompétence des auteurs de la décision contestée.

Que dans ces conditions, le CRD peut constater que la décision contestée est entachée d’illégalité en raison de l’incompétence de son auteur.

Qu’en conséquence, la décision contestée devra être annulée parce qu’elle est entachée d’incompétence. Un autre moyen développé par l’entreprise OTER-SA, c’est l’erreur d’appréciation du représentant de PARIIS-Mali, l’erreur de fait étant définie comme celle que commet 1’administration lorsque la réalité des motifs de fait sur lesquels elle se fonde est entachée d’inexactitude matérielle (Conseil d’Etat français, 14 janvier 1916, Camino, n° 59679, p. 15).

Qu’en effet, l’entreprise EGETAR a été classée en première position ; Qu’or, elle ne fait pas partie des grandes sociétés maliennes intervenant dans le secteur du présent marché. Aussi, ses états financiers ainsi que ses déclarations fiscales et administratives ne reflètent nullement la réalité ;

Qu’en outre, le rejet de l’offre de l’entreprise OTER-SA n’est nullement motivé, si l’on s’en tient à ce qui est relaté ci-dessus ;

Que de ce qui précède, il sied d’annuler la décision de notification de l’intention d’attribution du marché à l’entreprise EGETAR.

Quels sont les arguments du projet PARIIS-Mali ?

Par lettre n°257/2023/ARMDS du 22 mai 2023, le président du Comité de règlement des différends a transmis au coordinateur du Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel le mémoire exposant les griefs de la requérante. A la suite de cette correspondance, le Projet PARIIS-Mali s’est contenté de transmettre les pièces relatives au marché en cause sans formuler d’observation.

Sur l’incompétence de  l’auteur de la décision de  notification querellée

Considérant que le Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel-Mali (PARIIS-Mali) est une structure publique rattachée à un établissement public national à caractère industriel et commercial “Agence d’aménagement des terres et de fourniture de l’eau d’irrigation”, lui-même placé sous la tutelle du ministre chargé de l’Agriculture ;

Considérant que le financement du projet PARIIS-Mali est assuré par des ressources extérieures et que sa gestion est confiée à une Unité de gestion placée sous la responsabilité d’un Coordinateur ;

Considérant que conformément aux dispositions du code des marchés publics notamment en ses articles 4 et 7, le projet PARIIS-Mali est une autorité contractante et de ce fait, il est soumis aux règles régissant les marchés publics dans la mesure où celles-ci ne sont pas contraires aux dispositions de son accord de financement ;

Considérant que l’Unité de gestion du projet est chargée, sous la direction de son Coordinateur, du déroulement de la procédure de passation des marchés conclus dans le cadre de la mise en œuvre du projet ;

Considérant qu’a l’occasion du déroulement de la procédure précitée, le code des marchés publics en son article 79.2 prévoit que “l’autorité contractante doit communiquer par écrit tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre, le montant du marché attribué, le nom de l’attributaire… ” ;

Qu’en l’espèce, le Coordinateur du Projet, à la suite des travaux de la commission d’ouverture et d’évaluation des offres, a notifié à la requérante le rejet de son offre et lui a communiqué le nom de l’attributaire provisoire et ce, conformément aux attributions qui sont reconnues aux autorités contractantes par le code des marchés publics ;

Considérant par ailleurs que la requérante n’a pas contesté les attributions du Coordinateur du projet lorsque celui-ci a lancé le dossier d’appel d’offres auquel elle a soumissionné ;

Que cela dénote de sa volonté à reconnaitre que le Coordinateur du projet est Bien la personne habilitée à conduire au nom du projet la procédure de conclusion d’un marché ;

Qu’au regard de tout ce qui précède, il convient de retenir que le Coordinateur du projet est dans son rôle en notifiant à la requérante les résultats issus de l’évaluation des offres soumises dans le cadre du marché en cause ;

Que dès lors, le motif évoqué par la requérante n’est pas fondé.

Sur l’erreur d’appréciation du représentant de PARIIS-Mali

Considérant que selon les arguments de la requérante, le classement de l’entreprise EGETAR (l’attributaire provisoire) est une erreur d’appréciation de l’autorité contractante dans la mesure où celle-ci ne ferait pas partie des grandes sociétés maliennes intervenant dans le secteur du marché querellé et que les états financiers et les déclarations fiscales et administratives fournis par cette demeure ne reflètent pas la réalité ;

Considérant qu’en la matière, il importe de rappeler que les dispositions du Code des marchés publics précisent que l’attribution du marché se fait sur la base de critères économiques, financiers et techniques, mentionnés dans le dossier d’appel d’offres, afin de déterminer l’offre conforme évaluée la moins disante ;

Considérant qu’une offre conforme au dossier d’appel d’offres est une offre conforme à toutes stipulations et conditions du DAO sans divergences, réserves ou omissions substantielles ;

Considérant en outre, que sur la base des pièces versées au dossier, la société EGETAR est une entreprise de BTP disposant d’un agrément de catégorie A ;

Que conformément aux dispositions du décret n°97-160/P-RM du 29 avril 1997 fixant les modalités d’application de la Loi n°93-065 du 15 septembre 1993 portant réglementation de la profession d’entrepreneur du bâtiment, des travaux publics et travaux particuliers, le coût estimé que chaque catégorie d’entrepreneur peut exécuter est égal à dix (10) fois le montant le plus élevé de la valeur des immobilisations définies à la catégorie correspondante. Il n’y a pas de limitation pour la catégorie A ; Que par conséquent, il apparait inopportun de relever que l’entreprise EGETAR n’est pas une grande société intervenant dans le secteur du marché en cause ; Considérant par ailleurs qu’en l’espèce, les affirmations de la requérante ne sont soutenues par aucun élément de preuve et que n’étant pas membre de la commission d’ouverture et d’évaluation des offres, elle n’a eu aucun accès aux pièces fournies par les soumissionnaires ;

Attendu que la requérante ne peut, sur la base de simples conjectures, attester de l’incapacité technique ou de la non-conformité des pièces administratives de l’attributaire provisoire dès lors que l’offre de celle-ci a été jugée conforme aux exigences du DAO par la commission d’évaluation seule habilitée à cet effet ; Qu’en conclusion, le recours de l’Entreprise OTER SA est mal fondé.

Au vu des faits et des moyens de droit développés par chacune des parties au litige, le Comité de règlement des différends déclare le recours de l’Entreprise OTER-SA recevable en la forme ; dit que le recours de l’Entreprise OTER-SA est mal fondé ; et s’autosaisit et décide de diligenter des investigations sur le fondement de certaines informations recueillies au cours de l’instruction du recours.

A titre d’information, à cette réunion de délibération, l’entreprise OTER-SA était représentée par Me Seydou Coulibaly, avocat et Lassine Cissé, directeur administratif et financier ; le projet PARIIS-Mali par Altanata Ebalagh Yattara, Coordinateur, Bouba Diarra, spécialiste en passation de marchés publics et Bourama Dembélé, directeur technique. La séance était présidée par Alassane Ba de l’ARMDS.                      

   El Hadj A.B. HAIDARA

 

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