Le procès de l’affaire dite des Bérets rouges impliquant le Général Amadou Haya Sanogo et plusieurs officiers supérieurs et soldats, promet d’être explosif. Sans doute, c’est le procès de l’année qui s’ouvre à Sikasso, le 30 novembre prochain.
C’est un communiqué laconique du Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako, Mamadou Lamine Coulibaly, qui annonce « l’ouverture, le 30 novembre 2016, d’une session d’assises au cours de laquelle sera évoquée l’affaire Amadou Haya Sanogo et plusieurs autres, accusés d’enlèvement de personnes, assassinat et complicité.
En raison de la particularité du dossier et dans le but de maintenir l’ordre et la sécurité à l’occasion de ce procès, le parquet général a installé en son sein un secrétariat chargé de recevoir les demandes émanant de professionnels et de particuliers en vue d’avoir accès à la salle d’audience. L’accès à cette salle est réservé aux seules personnes autorisées ou préalablement agréées », précise le texte du parquet général près la Cour d’appel. Si le communiqué du Procureur général est muet sur le lieu du procès, des informations provenant de la Cour d’Appel indiquent que cette session d’assisses se déroulera à Sikasso, loin de la capitale.
Un dossier encombrant
En plus du Général Amadou Haya Sanogo, d’autres militaires membres ou proches de l’ex-junte de Kati comme Yamoussa Camara, Blonkoro Samaké, Seyba Diarra, comparaîtront devant cette juridiction criminelle pour répondre de la disparition d’une vingtaine de bérets rouges du 33ème régiment des commandos parachutistes de Djicoroni Para dans des conditions obscures. Arrêtés dans la foulée du contre-coup d’état du 30 avril 2012, ces militaires ont été exécutés et jetés dans une fosse commune à Diago, non loin de Kati. La découverte de ce charnier en octobre 2015 avait créé une grande stupéfaction au sein de l’opinion nationale et internationale.
Qui a fait quoi ? Qui a donné l’ordre de tuer ces bérets rouges ? Voilà des questions auxquelles les assises de Sikasso tenteront de répondre au plus grand soulagement des familles des disparus, regroupées au sein d’un collectif qui monte constamment au créneau pour mettre la pression sur les autorités en charge de ce dossier encombrant. Ce procès de l’année est aussi attendu par les associations de défense des droits de l’homme comme l’Association Malienne de Défense des Droits de l’Homme (AMDH), la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), Amnesty International et Human Rights Watch.
Le Parquet marche sur les œufs
Cette affaire est un challenge pour la justice malienne mais aussi pour le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Me Mamadou Ismaël Konaté. Avocat émérite, Me Konaté aurait été l’un des conseillers officieux de l’ex-junte militaire qui a renversé le régime du Président Amadou Toumani Touré.
A Sikasso, ce sera le grand déballage. Les uns et les autres parleront. Et l’accusé vedette, le Général Amadou Haya Sanogo ouvrira la bouche pour cracher sa part de vérité dans une affaire qui le maintient en prison depuis le 27 octobre 2013. Des révélations embarrassantes qui secoueront le cocotier. En décidant de trier sur le volet les participants à l’audience, le Parquet général marche sur des œufs. La particularité et plus encore, les conditions de sécurisation de l’audience, ne sauraient être des entraves à la tenue d’un procès public, juste et équitable.
De la façon dont le Parquet général gérera cette question d’accès à la salle, dépendra en partie la crédibilité de ce procès. On s’achemine probablement dans les jours à venir vers un bras de fer entre les autorités judiciaires et les familles des militaires disparus et les associations de défense des droits de l’homme.
Mais après tout, le Procureur général Mamadou Lamine Coulibaly respectera-t-il la date du 30 novembre pour la tenue de ce procès ?
Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger