Dans la nuit du mardi 11 septembre 2018, à l’hôpital « Mère –Enfant » le Luxembourg du Mali, à l’âge de 79 ans, une grande figure de la culture et de la littérature malienne s’est éteinte. L’écrivain Gaoussou Diawara, grand homme du monde des arts et de la culture, s’en est allé. Il a été vaincu par une maladie contre laquelle il se battait depuis quelques mois.
Né en 1940 à Ouéléssoubougou, après des brillantes études primaires et secondaires au Mali, il s’est rendu à Moscou pour des études supérieures. Diplômé de l’Institut de Littérature Maxime Gorki, de l’Institut Théâtral d’État Tounatchasky, et d’un Doctorat en dramaturgie obtenu à l’Institut de Littérature Mondiale de Moscou (ex URSS).
Écrivain engagé, militant politique, Le Professeur Gaoussou Diawara est membre fondateur du Comité National d’Initiative Démocratique en 1990 (CNID Association) au sein duquel il a assumé les fonctions de secrétaire aux conflits. Il a joué un rôle décisif dans la longue lutte de notre peuple pour l’avènement d’une société démocratique, fondée sur les valeurs de justice, de liberté et de développement social et économique équitable. Il est également l’auteur de l’hymne du CNID et du premier et célèbre générique prosaïque de la Radio Kayira. Gaoussou Diawara a eu une vie professionnelle exceptionnellement riche.
Ecrivain prolifique, Gaoussou l’a été aussi. Il est l’auteur de plusieurs romans, entre autres, Aboubacar II l’explorateur Manding, le grenier, miroir brisé, panorama critique du théâtre malien dans son évolution etc.…, 38 pièces de théâtres, dix essais, huit recueils de poésie, et sept recueils de nouvelles.
L’Homme inondait les pages du quotidien national « Essor » et du Journal « Dambé » (Organe de presse du CNID) de contributions d’une grande portée pédagogique et politique et à travers lesquelles il affichait ses positions sur les grandes questions d’intérêt national.
Entrepreneur culturel, Gaoussou l’a été aussi. Il a créé la troupe artistique et culturelle « Teriya » qui a porté au firmament notre pays lors des festivals en Afrique et partout dans le monde.
Le Professeur Gaoussou et moi, nous nous sommes connus dans le feu de l’action politique. Lui, Professeur d’enseignement supérieur à l’École Normale supérieure, à la Faculté des lettres, des arts et des sciences Humaines, et à l’Institut National des Arts et moi militant politique.
Au fil du temps, s’est développé entre nous, une relation cordiale désintéressée, fondée sur, l’affection constante de sa part pour moi, admiration pérenne de ma part pour lui, le tout dans un respect mutuel malgré l’écart d’âge important entre nous.
Je me plaisais en sa compagnie car l’homme était un trésor immense de connaissances multiformes et une mine d’informations intarissable. J’étais son fils, son ami, son confident.
Il m’a raconté en détail la grande et glorieuse histoire du Comité National d’Initiative Démocratique (CNID) et les péripéties de la marche historique du 10 décembre 1990 contre le régime décrié du Général Moussa Traoré pour réclamer à visage découvert l’avènement d’une société démocratique de justice, de liberté et de progrès économique et social équitable.
Cet homme de savoir, avait le savoir-vivre, le savoir-être, le savoir-faire ; bref, il était d’un commerce extrêmement agréable. Il avait un profond respect pour les valeurs familiales et sociétales en général. Sans doute cela expliquait-il son refus d’adhérer à un parti politique pour ne pas contrarier ses parents qui ne voulaient pas qu’il fasse de la politique.
Patriote et intègre, Gaoussou l’était également. En pleine dictature militaire CMLN /UDPM, il refusa l’offre du régime en place d’être ambassadeur du Mali en Russie. Quel courage ! Peu de cadres du Mouvement démocratique n’auraient pas pu résister à une telle tentation.
Dans son lit de malade, il me fit appel pour un projet qui lui tenait particulièrement à cœur : la rédaction de l’histoire du CNID pour la jeune génération.
Il me disait qu’il n’allait pas mourir et que nous irions ensemble dans son bercail à Ouéléssébougou pour rédiger « notre livre de la vie » qui n’excéderait pas une vingtaine de pages. L’ouvrage aurait eu comme titre « Histoire d’une vie au service de la nation, Gaoussou, père et Alpha, fils ».
Il ne cessait de s’enquérir des nouvelles politiques du pays et de certains camarades en particulier, de la rentrée scolaire, de l’Université. Il insistait que je l’emmène chez moi et chez mon père avec lequel il a partagé l’histoire du CNID Association.
L’écrivain britannique William Shakespeare le disait à juste raison « Mourir en combattant, c’est la mort détruisant la mort. Mourir en tremblant, c’est payer servilement à la mort le tribut de sa vie ». Le Professeur Gaoussou est mort non pas en tremblant mais en combattant. Il a affronté la mort avec courage, bravoure et abnégation.
Napoléon Bonaparte me prêtera l’expression, « mourir ce n’est rien, mourir vaincu et sans gloire, c’est mourir tous les jours ». Le Professeur Diawara a eu sa part de gloire à travers des signes de reconnaissance de ses contemporains, notamment en ayant été le lauréat du concours théâtral inter africain organisé par Radio France Internationale (RFI) en 1975, du Grand Prix UNESCO de la Poésie en 1972, et en ayant été élevé au grade de chevalier de l’ordre national à la fois du Mali et de la France.
Il y a lieu de saluer la présence à ses obsèques de certaines autorités politiques et administratives comme le premier Ministre Soumeylou Boubeye Maiga, le Ministre de l’Enseignement supérieur Assétou Founé Samaké et celui de la Culture Ramatoulaye Diallo, de ses camarades, entre autres, Oumar Mariko, Maître Mountaga Tall, Moriba Sangaré et ses collègues de l’association des écrivains du Mali dont il fut le Premier Président. L’hommage de la nation et du peuple malien qui a été ainsi rendu à la mémoire de ce patriote géant n’en est que légitime.
Dors en paix, cher père ! Amen
Source: Le Pays