Abdoulaye Fofana est surveillant de prison et Secrétaire général de la Section Syndicale des Surveillants de Prison du Mali, affiliée à l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM). Il est membre de la commission de discipline de la centrale syndicale et du bureau exécutif du syndicat des travailleurs de l’Administration (SYNTADE).
La Section Syndicale des Surveillants de Prison a déposé le 16 avril dernier un préavis sur la table du gouvernement et s’apprête à observer une grève de 72 heures au lendemain de la célébration de la fête du travail. Il urge pour le gouvernement du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga de trouver un compromis avec les surveillants de prison. Sans cela, les maisons d’arrêt seront paralysées durant la période de grève avec des conséquences imprévisibles, dans un contexte d’insécurité grandissante. Dans un entretien qu’il a bien voulu nous accorder, le premier responsable du syndicat des surveillants de prison explique les motivations de cette cessation de travail.
Vous avez organisé le 13 avril dernier une conférence de presse à la Bourse de Travail. Quel était l’objet de cette rencontre avec les hommes de média ?
Cette conférence de presse avait pour but d’attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale, sur la mauvaise foi de l’administration malienne par rapport à l’application de la loi n°031 du 07 juillet 2016 portant Statut des fonctionnaires du cadre de la surveillance des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée.
Comment expliquez-vous le blocage de l’application des primes et indemnités liées à la nouvelle loi ?
Courant décembre 2017, nous avons déposé un préavis de grève et, une commission a été mise en place pour sa gestion. Il ressort de ses conclusions, la nécessité de la constitution d’une commission de suivi des décrets relatifs à l’allocation des primes et indemnités et une plus grande célérité à donner au processus d’élaboration et d’adoption desdits décrets. L’administration, une fois de plus, a manqué de bonne foi en privilégiant des manœuvres dilatoires, considérant l’espace carcéral comme un pis-aller. En témoigne la lettre du ministre de l’Economie et des Finances, caricaturant le surveillant de prison en un être inférieur, un strapontin. Comparaison faite dans sa lettre n°00608/MEF-SG du 12 février 2018, ayant pour objet : Projets de décrets relatifs aux primes et indemnités allouées aux fonctionnaires du cadre des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée.
Par ailleurs, le décret n°2014-837/PRM du 10 novembre 2014 visé dans sa lettre a été rendu caduc par notre statut en son article 170. Ce décret s’intéresse aux fonctionnaires relevant du Statut général des fonctionnaires qui ne nous gère plus depuis l’avènement de la nouvelle loi. Raison pour laquelle cette indemnité de résidence a été rétractée parce que se trouvant être non conforme à la nouvelle situation.
Est-ce que votre préavis de grève a été déposé sur la table du gouvernement ?
Le préavis a été deposé le lundi 16 avril. La grève est de 72 heures et est prévue pour les 2, 3, et 4 mai 2018.
Vous ne cessez de soutenir que les surveillants de prison souffrent. Expliquez-nous en quoi vous et vos camarades souffrez dans l’exercice de cette profession ?
Notre corporation est jeune. Et l’univers carcéral est un milieu dont personne ne veut entendre parler. Aucune maison d’arrêt au Mali ne répond aux normes standards. Les surveillants sont en nombre très insuffisant. Il leur manque la formation. Les moyens de travail sont, à la limite, inexistants. Alors que dans les prisons actuellement il y a toutes sortes de détenus.
Monsieur le Secrétaire général, les évasions se multiplient depuis un certain temps. Comment expliquez-vous cela ?
Reconnaissons l’effort constant que les surveillants fournissent depuis belle lurette, les évasions sont rares dans les prisons du Mali. En tant que syndicat responsable, les cas d’évasion nous mettent tellement mal à l’aise que les mots nous manquent pour qualifier cela. Nous ne sommes pas tendres avec nos camarades syndiqués à ce sujet. Cependant, comme nous l’avons dit un peu plus haut, il n’est pas facile de travailler dans de pareilles conditions, puisque vous trouverez qu’en matière de prison, même celles qui sont hautement sécurisées à travers le monde ne sont pas à l’abri d’événements douloureux tels que les évasions.
Quel est le ratio surveillant – détenu selon les normes internationales ? Quelle est la situation au Mali ?
Les normes internationales recommandent qu’il y ait un surveillant pour deux détenus, ou même un surveillant pour quatre détenus avec des moyens de contrainte. Compte tenu de l’insuffisance de personnel, vous trouverez au Mali un surveillant s’occupant de plus de vingt détenus.
Propos recueillis par Chiaka Doumbia