Comment cela se passe dans un abattoir ? Quels contrôles sont opérés sur les animaux et leurs carcasses après abattage. Pour le savoir, nous nous sommes rendus à l’Abattoir Frigorifique de Sabalibougou et il se trouve quelque part sur la rive droite de Bamako. De prime abord, les lieux sont d’une propreté irréprochable. Il faut juste veiller à ne pas glisser sur le carrelage mouillé d’eau et de sang mêlés. Les bêtes abattues sont déjà accrochées et les équarrisseurs sont à l’œuvre. Les carcasses sont estampillées de haut en bas pour que le cachet soit visible sur chaque partie.
Un responsable vétérinaire qui officie ici, nous explique que quand des bêtes arrivent ici pour être abattues, la première des choses est de vérifier le certificat d’abattage ainsi que le certificat de salubrité pour les produits animaux ou d’origine animale. «C’est le praticien privé qui fournit un certificat d’orientation à l’abattage », dit-il. Tout dépend donc de la conscience de ces praticiens et de leur sens du devoir, mais il est de notoriété publique que beaucoup ferment les yeux au moment de signer un certificat pour une bête ou un cheptel malades que l’éleveur ne veut pas perdre. Une fois la bête immolée, le contrôle est visuel et seulement visuel. Le vétérinaire inspecte la carcasse visuellement.
«En cas de traitement parasitaire ou antibiotique, par exemple, le lieu d’injection est jaunâtre. Le point d’injection vire au jaune verdâtre. Dans ce cas-là, je contacte le vétérinaire pour connaître les délais d’attente. C’est peut-être juste des vitamines. En fait, tout tient à la conscience du vétérinaire», affirme notre interlocuteur.
Toutefois, il faut savoir que contrairement au poulet de chair qui a une traçabilité, les viandes rouges n’en possèdent aucune traçabilité. Quand vous achetez votre kilo de bœuf chez votre boucher, vous n’avez aucun moyen de connaître la moindre information sur la viande que vous venez d’acheter : race, âge, éleveur, lieu d’élevage, traitements pris, etc. Vous n’avez d’autre choix que de faire aveuglément confiance à votre boucher…
«En cas de traitement antiparasitaire, les délais d’attente sont de deux, mais il faut savoir que dans ces cas les délais ne sont jamais respectés», dit notre responsable vétérinaire. Encore une faille dans le dispositif. Quel est l’éleveur qui va accepter de garder ses bêtes deux mois de plus que les délais d’abattage avec tout ce que cela implique comme frais supplémentaires et manques à gagner ?
«Le problème c’est l’informel. Tant qu’il n’y a pas de traçabilité des produits, l’informel a de beaux jours devant lui», estime le chef vétérinaire. «Les gens qui activent dans l’informel et font dans les produits douteux connaissent les abattoirs les plus permissifs qui savent fermer les yeux… », dit-il encore. Et le problème est que ces abattoirs permissifs et clandestins existent et sont connus à Bamako et ses environs.
Le niveau de corruption dans le pays est tel, que tous les secteurs, y compris ceux où la sécurité alimentaire est un enjeu majeur, comme la filière des viandes rouges et blanches, sont gangrénés. Les éleveurs, sans scrupules, utilisent toutes les astuces légales ou illégales qui favorisent la prise de poids de leurs bêtes, volailles, moutons ou veaux.
Dans les aliments du bétail, on rajoute tout et n’importe quoi : de la vitamine C, du lait de croissance bébé, surtout s’il est périmé et acheté à prix cassé, de l’aspirine écrasée ou moulue, de la levure chimique, de la levure de bière spéciale musculation, de l’huile de soja, de l’huile de tournesol, de l’huile d’olive, du sang séché récolté dans les abattoirs mais aussi des antibiotiques, des corticoïdes et des anabolisants sans pour autant respecter les délais d’attente avant l’abattage. De quoi vous pousser à devenir définitivement végétarien.
Mariam Konaré
Le Nouveau Réveil