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À Tombouctou, la réconciliation nationale à l’épreuve

Malgré la volonté d’apaiser les tensions intercommunautaires, les Arabes et les Touaregs ont toujours peur de regagner la ville.

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«Les Arabes, les Touaregs, ce sont nos parents! Nous n’excluons personne car nous sommes tous maliens.» Les mots de cet habitant songoye, de peau noire, sont aussi doux que la lumière de fin d’après-midi qui baigne les amis étendus sur leur natte, au milieu d’une allée sablonneuse de Tombouctou. «Nous voulons dépasser tout ce qui est arrivé», poursuit un autre.

Entre la rébellion des indépendantistes touaregs du MNLA, l’occupation du Nord pendant près d’un an par des groupes islamistes armés, la collaboration des uns et le désarroi des autres, les régions du nord du Mali sont aujourd’hui confrontées à un défi majeur: apaiser les tensions intercommunautaires.

À Tombouctou, la réconciliation est déjà en marche. Et c’est ici, entre soi, qu’elle se joue. «Cela doit venir de la base, plaide Salem Ould el-Hadj, notable de la ville, historien et écrivain. L’Arabe est mon voisin, je dois rentrer chez lui comme par le passé, prendre ses enfants dans mes bras, nous devons rire ensemble, participer à nos mariages!» L’organisation, au début du mois, des Assises nationales pour le Nord à Bamako, n’a pas eu de retentissement. «L’entente, juge le vieil homme, ce ne sont pas des lois, c’est la pratique de chaque jour.»

Abderramane Ben Essayouti est l’imam de la grande mosquée de Djingareyber. «Nous avons commencé à prêcher dans ce sens, explique-t-il. Je dis aux fidèles d’oublier. La fracture sociale peut se refermer à condition que chacun pardonne.» Un pardon qui passe avant tout par le dialogue. Pendant l’occupation, un comité de crise s’est formé à Tombouctou pour servir de médiateur entre groupes armés et population. Aujourd’hui, constitué en association – le Gabvi (Groupe d’action pour barrer la voie à l’injustice) -, il a pour but de forcer toutes les communautés à se parler. «La feuille de route que nous avons concoctée, annonce son président Diadié Hamadoune Maïga, c’est d’abord une tournée à l’intérieur des cercles (équivalent du département, NDLR) pour organiser des réunions intercommunautaires, mais aussi intracommunautaires. L’étape suivante, poursuit le notable songoye, ce sont les camps de réfugiés: nous devons convaincre nos compatriotes de rentrer. Nous avons déjà lancé des appels à nos frères touaregs et arabes pour leur dire qu’il n’y a pas de place pour la haine. La cohabitation est incontournable.»

Car si les habitants qui ont fui Tombouctou pendant l’occupation appartiennent à toutes les communautés, ce sont bien les Arabes et les Touaregs qui ont le plus de réticences à rentrer. Hamon Ould Mohammed, lui, est revenu et a rouvert sa boutique du nouveau marché. Un ami commerçant de peau noire joue les traducteurs. Les deux hommes restent main dans la main. «Je n’ai de problème avec personne», assure le commerçant arabe. Pourtant, il est revenu seul. «Je n’ose pas ramener la famille. J’ai beaucoup d’amis qui voudraient revenir, mais qui n’ont pas confiance, poursuit-il. Nos commerces et nos maisons ont été attaqués, pillés… Beaucoup de gens, lorsqu’ils voient un Arabe, disent que c’est un islamiste.»

Abdou est un berger touareg. Il vit avec sa famille dans le désert, à une cinquantaine de kilomètres de Tombouctou. Pour la première fois depuis dix longs mois, il accepte de revenir en ville. Pour une nuit seulement. «Nous avons peur, se justifie-t-il d’emblée. Les gens ne font pas la différence entre qui est bandit et qui ne l’est pas. Je vois bien que la sécurité semble revenue, qu’il y a beaucoup de militaires qui circulent, mais je peux compter les peaux claires que j’ai croisées et ça montre bien qu’il n’y a aucune assurance pour le moment.» À côté, son cousin Moubarak jure qu’il se sent en sécurité. De retour depuis trois mois, il n’a eu aucun problème, mais ne joue pas les naïfs: «Si les négociations de Ouagadougou (entre rebelles touaregs et gouvernement, NDLR) se passent mal, si les choses dérapent à Kidal, alors l’armée ou les habitants pourraient s’en prendre à nous. C’est arrivé, ça peut recommencer.»

Chacun garde en mémoire les souffrances, les attaques, les injustices. Ainsi, son discours fédérateur n’empêche pas le président de l’association Gabvi de se montrer très radical. «De tout temps, les Arabes et les Touaregs ont été favorisés, assène Diadié Hamadoune Maïga. Ils ont un poids électoral complètement disproportionné. Les projets économiques, les activités: tout est pour eux!» Pour ce notable, un tel discours ne menace en rien la sécurité ou le bien-être de ses «frères». «Il faut que l’on sache se dire la vérité, explique-t-il, car si tout cela est arrivé, c’est parce que nous n’avons jamais osé nous dire les choses en face.» Ce qu’il attend du dialogue intercommunautaire, c’est «qu’on reconnaisse, qu’on se repentisse, et que l’on revienne à nos relations d’antan.» Un mea culpa à sens unique.

Le sentiment de stigmatisation des Arabes et des Touaregs, assimilés aux combattants des groupes armés, est balayé: «On a déjà entendu cela. Mais une majorité d’Arabes et de Touaregs ont participé, et nous voulons les convaincre du mal-fondé de tout ce qu’ils ont fait.» «Il va de soi que lorsqu’une fracture est très profonde, elle se cicatrise petit à petit, tempère enfin l’imam de la grande mosquée, Abderramane Ben Essayouti. Il faut être patient, s’écouter et avoir le dos très large. C’est à travers cette endurance que nous finirons par nous entendre.»

Source: LE FIGARO

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