Djely Tapa est originaire du Mali, descendante d’une grande lignée de griots, mais elle est installée à Montréal depuis 14 ans où elle vient de lancer son premier album solo, “Barokan”, qu’elle dédie à la femme noire et afrodescendante. Rencontre.
Barokan est l’aboutissement d’une dizaine d’années de travail pour cette artiste malienne qui a choisi de s’installer au Québec après être venue faire des études à Montréal.
« Le fil conducteur pour en arriver à ce premier album, c’est 15 ans d’expérience scénique, de traditions, de transmissions, d’apprentissages, de fusions de mélanges et de rêves », explique Djely Tapa. C’est donc avec beaucoup de fierté et d’émotion que l’artiste lance cet album qu’elle a réalisé avec Caleb Rimtoubaye, mieux connu sous le nom d’AfrotoniX, sacré meilleur DJ africain en 2018, avec qui elle partage une complicité musicale et amicale depuis plusieurs années : « AfrotoniX m’a amené une autre vision, j’étais déjà dans l’électro, dans la musique électronique, mais mon souci, et le souci aussi de Caleb c’est de trouver notre afrobeat original à chacun de nous. Moi j’ai trouvé mon afrobeat dans le beat de Caleb, comment je voyais l’afrobeat, comment je le sentais, je l’ai trouvé av
L’album Barokan est donc un savant mélange de musiques traditionnelles du Sahel, de blues et de musique électro, onze chansons interprétées en malinké, bambara et khassonké. « Ce n’est pas un mariage que l’on fait entre la musique africaine traditionnelle et l’électro, tient à préciser la chanteuse, c’est plutôt un petit maquillage, comme quand tu viens mettre un peu de mascara sur tes yeux, car la musique africaine a plusieurs saveurs et elle s’amalgame, elle se met avec plein de choses, il n’y a pas de frontière avec la musique africaine… Alors oui, elle se marie aussi avec électro, mais à petites doses ».
« Chaque oreille a sa musique »
Djely Tapa refuse pour autant de parler de « modernisation d’une musique traditionnelle » : « Le mot moderniser, ça veut dire quelque chose qui ne bouge pas, mais la musique africaine qu’on dit traditionnelle a aussi des ressources de mutation. Ma mère – la grande griot malienne KANDKA KOUYATÉ – disait que chaque oreille a sa musique, autrement dit chaque génération a sa propre façon d’écouter cette musique. Et la musique africaine mute avec les enfants, avec les générations, donc on ne la modernise pas, on la transfère d’une génération à l’autre, et chaque génération vient apporter son grain de sel, et c’est ça qui fait grandir le grand répertoire de la musique africaine ».
Je dédie mon disque à la femme, pas seulement africaine, mais la femme noire, afro et afrodescendante.
Djely Tapa
Djely Tapa tient à dédier les onze chansons de son album à la femme noire, peu importe d’où elle vient et où elle vit. La chanson Barokan par exemple raconte l’histoire d’Hawa, une princesse Peule-Bororo, symbole de l’émancipation féminine. « Je dédie mon disque à la femme, pas seulement africaine, mais la femme noire, afro et afrodescendante, déclare l’artiste. La femme noire vient au monde avec deux faiblesses : elle est femme et elle est noire. Mais la femme noire a toujours été forte, la femme noire a toujours été puissante, la femme noire a toujours été celle qui porte et qui porte très haut le flambeau. Je veux juste rappeler à mes sœurs, à toutes les femmes du monde, mais particulièrement à la femme afro et afrodescendante que cette force-là, ça ne vient pas d’ailleurs, vous l’avez en vous, dans votre veine circule l’ADN des reines fortes, des guerrières ».
Le Mali, un pays qui se cherche…
Djely Tapa garde un lien étroit avec son pays d’origine, le Mali, où elle a encore beaucoup de famille et d’amis. Mais elle ne cache pas son inquiétude devant la situation que vit ce pays depuis plusieurs années, notamment la menace des groupes terroristes intégristes qui déstabilisent le pays.
« Je sais que le Mali est en changement, que plein de choses se passent là-bas, sur le plan politique, culturel. Le Mali est en mutation, à la recherche de l’équilibre. Longtemps, les ethnies y ont vécu en paix. Mais maintenant, le peuple est méfiant, inquiet, parce qu’une menace plane sur le pays et que l’ennemi est invisible, on ne sait pas qui il est. Pourtant, la solution, elle est juste là devant nous, mais on ne la voit pas ou on refuse de la voir, et la solution c’est se parler, s’asseoir ensemble et se parler. C’est sur cette base que l’empire mandingue s’est bâti et c’est sur cette base qu’il faut bâtir l’avenir ».
Le 18 janvier dernier, Djely Tapa a présenté avec beaucoup d’émotion ce premier album solo au public montréalais. Magnifique spectacle qu’elle va offrir ailleurs au Canada, puis en Europe. Et bien sûr, elle compte bien aller faire découvrir son nouvel album sur le continent où elle a vu le jour…
Source: tv5monde