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3e République: l’apogée de la corruption

La corruption n’a pas été générée par la 3e République. Mais c’est bien elle qui l’a portée à son apogée. À peine installée, elle a ouvert les vannes à travers clientélisme et copinage. Sapant et détruisant les vertueuses fondations posées par la Transition, la 3e République a relégué au second rang la compétence et l’intégrité au profit de la camarilla, les bannières politiques et familles devenant ainsi le précieux sésame pour accéder à la dignité administrative et institutionnelle. Désormais, les promus doivent tout à l’autorité de nomination, ministres ou président de la République. Conséquence : couverts de cette protection, ils peuvent tout se permettre en toute impunité. Les prédateurs ne se mangeant pas entre eux. C’est la fine analyse de ce jour de notre compatriote Sambou Sissoko. Lisez plutôt !

Malgré le sang des Martyrs, la 3e République, en moins de dix ans s’est vautrée dans les travers de la seconde. Comment en est-on arrivé là ?
Le 05 octobre 1992, la 3e République avait à peine, quatre mois d’existence. Le Chef de l’État, le gouvernement et les élus du peuple choisirent de modifier certaines règles de fonctionnement des entreprises publiques. POURQUOI ? En bien ou en mal ?
Dans l’ordre des priorités de la République, il n’y avait-il pas plus urgent à faire ? Comme achever la mise en place des autres institutions de la République !
À titre illustratif, prenons l’article 25 de l’ordonnance N° 91-014/P-CTSP du 18 mai 1991 et la loi N° 92-029/AN-RM du 05 octobre 1992.
Cet article 25 dispose :
«Le Président Directeur général (PDG) est nommé par décret pris en Conseil des ministres sur proposition du ministre chargé de l’Économie parmi les trois candidats retenus au terme d’une sélection ouverte organisée par le ministre chargé des attributions de tutelle et le ministre chargé de l’Économie.
Lorsque le ministre chargé de l’Économie est en même temps le ministre chargé des attributions de tutelle, le Contrôleur général d’État est substitué à celui-ci pour les besoins de la procédure.
Le Président Directeur général est révocable par décret pris en conseil des ministres sur proposition du ministre chargé de l’Economie, après constatation par le ministre chargé des attributions de tutelle d’un vote des deux tiers des administrateurs.
Lorsqu’il y a faute lourde de gestion ou crime tel que prévu par la loi, le ministre chargé de l’Economie, après consultation des ministres chargés des attributions de tutelle et de la justice, propose la révocation du Président Directeur général. Cette proposition n’est pas subordonnée à une délibération du Conseil d’Administration.
Le Président Directeur général est assisté d’un Directeur général Adjoint. (J.O. N° 12 du 30 juin 1991)».
Que dit la loi N° 92-029/AN-RM du 05 octobre 1992 ?
«La loi n° 92-029/AN-RM du 05 octobre 1992, portant modification de l’ordonnance N° 91-014/P-CTSP du 18 mai 1991, fixant les principes fondamentaux de l’organisation et du fonctionnement des Établissements Publics à caractère Industriel et Commercial et des Sociétés d’État :
Article unique : Les dispositions de l’article 25 de l’ordonnance n° 91-014/P-CSTP du 18 mai 1991 sus-visées sont modifiées ainsi qu’il suit :
Article 25 : (nouveau) : Le Président Directeur général est nommé par décret pris en conseil des ministres sur proposition du ministre chargé des attributions de tutelle. Il est révocable par décret pris en conseil des ministres sur proposition du ministre chargé des attributions de tutelle.
Le Président Directeur général est assisté d’un Directeur général Adjoint».
Nous y sommes !
Tandis que sous la Transition, on accédait au poste de PDG par voie de concours sur la base du mérite personnel et de la compétence, avec la 3e République, on y accède par choix ministériel. N’est-ce pas la porte ouverte au clientélisme, au népotisme et à la corruption ? Mais surtout le PDG de la 3e République est FRAGILE. En effet, il doit tout à un individu, fut-il ministre et son sort ne dépend que du même individu. La loi ne lui offre aucune GARANTIE quant à son maintien à son poste, si ce n’est le bon vouloir de son ministre.
La 3e République a très vite oublié que dans une République, tout emploi rétribué par l’argent du contribuable ne s’acquiert que sur la base du mérite et de la compétence ! Notamment par voie de concours.
« Être corrompu, c’est aussi utiliser d’une façon quelconque, directe ou indirecte, le pouvoir politique ou administratif en dehors de son champ légitime, pour se procurer des avantages, en argent ou en nature, et pour en distribuer à ses amis, serviteurs, parents ou partisans ». (Jean-François REVEL : «Le regain démocratique», Fayard, Paris, 1992. P.410).
La suite on la connaît. Ce sont d’une part les révélations de scandales qui s’étalent à longueur de colonnes dans la presse écrite et d’autre part les acquis et le train de vie princier des « nouveaux riches de la démocratie », train de vie sans commune mesure ni avec le pouvoir d’achat ni avec les moyens du pays ! : « Châteaux de la démocratie », le costume-cravate, le chrome des voitures japonaises, allemandes, françaises, etc., les week-ends dans les pays côtiers, les visites médicales en Occident (visites prénatales et accouchements en France, aux USA et au Canada), les « fêtes de la démocratie », les « colloques Champagne-caviar » du gouvernement, les mariages et baptêmes pompeux, les cérémonies de sacrifice funéraire où l’argent coule à flots, etc.
L’enrichissement extrêmement rapide de quelques-uns, on a pu parler des « 21 milliardaires de la démocratie malienne », dont 15 fonctionnaires de l’État dans un pays où les salaires sont les plus misérables de la Sous-région et l’étalage extravagant qui en est fait ne se sont pas réalisés dans la passivité du plus grand nombre.
Dès sa naissance, les autorités de la 3e République ont travaillé méthodiquement à briser tout contre-pouvoir : satellisation des organisations de la société civile, achat de conscience, intimidation, procès, répression, division des syndicats et des partis politiques, culture de l’argent facile, mise à l’écart de tout fonctionnaire qui ne marche pas au pas, tout fut mis en œuvre pour réduire au silence tous les empêcheurs de tourner en rond. Cependant, avec courage et abnégation, beaucoup d’hommes et de femmes ont su résister et résistent encore au son des sirènes.
Aujourd’hui, les « nouveaux riches » ont su se vêtir d’un manteau de cynisme, si épais que les dénonciations par voie de presse n’ont aucun effet sur eux. Comme ils le disent prosaïquement : « Le chien aboie, la caravane passe » !
Bon début de semaine !
*Le Titre est de la rédaction
Sambou Sissoko

Source: info-matin.

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