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26 mars 1991-26 mars 2023 : Devoir de mémoire et reconnaissance

Les martyrs ont sacrifié leur vie ou portent encore les stigmates des balles afin que d’autres goûtent aux délices de la démocratie au Mali

Dimanche dernier, le peuple malien a célébré le 30e anniversaire de la lutte pour l’avènement de la démocratie au Mali. Nous sommes le 26 mars 1991, après 30 ans de règne sans partage, le Général Président Moussa Traoré est renversé par un coup d’état militaire qui verra la mise en place d’un Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP) dirigé par le Lieutenant-Colonel Amadou Toumani Touré, allias ATT.

Au début de l’année 1991 « un vent nouveau » a soufflé au Mali. En effet rien ne marchait dans le pays gangréné par la corruption, le népotisme, le clientélisme, la gabegie, l’arbitraire, le détournement des biens publics, etc. Fatigué de la cherté de la vie, assoiffé de liberté, aspirant au multipartisme, le peuple malien tous les âges confondus, s’est levé comme un seul homme pour faire des revendications. En  première ligne nous avons  le mouvement démocratique composé des associations ADEMA, CNID, UNTM, AEEM, AJDP, AMDH, le Barreau, etc.  Partout au Mali, et en particulier à Bamako, ce sont des manifestations de rues, des casses accompagnées d’incendies parfois. Les élèves, à la demande de l’AEEM dirigée à l’époque par Oumar Mariko, ne fréquentaient plus. Malgré tout, le régime en place du Général Moussa Traoré reste sourd aux aspirations légitimes de son peuple. Au contraire il durcit le ton en tirant à balles réelles sur les manifestants. Que de jeunes fauchés à la fleur de l’âge par les balles sur le pont de badalabougou baptisé « pont des martyrs, d’autres se sont noyés en se jetant  dans le fleuve espérant échapper aux balles. Dans les rues, dans les maisons, dans les lieux de culte, dans les marchés, partout c’est la chasse aux manifestants. Et que dire de ce que l’on a appelé « le vendredi noir ». Ce jour-là un commando équipé de lance flamme a brulé vif des manifestants et de simples passants venus se réfugier dans les locaux de l’immeuble « sahel vert ». Le Président avait promis de « faire descendre l’enfer » sur la tête des manifestants, alors c’est chose faite ce « vendredi noir ». Et que dire des élèves et étudiants et autres manifestants fauchés sur la route du palais présidentiel au niveau de l’ENA. Face à l’entêtement du pouvoir et face à tous ces massacres, les femmes sont sorties soutenir leurs enfants et se sont mises nues pour maudire le Général Président Moussa Traoré et son régime. A son tour l’UNTM appelle à une grève générale illimitée jusqu’à la démission du régime en place. Le mouvement démocratique, à sa tête feu Me Demba Diallo, est allé jusqu’à remettre une lettre au Président lui demandant sa démission. A cette démarche il répond « niet » car selon lui seul le peuple pourrait le faire partir démocratiquement. Comme si son régime était démocratique. Le peuple malien n’a dû son salut qu’à un groupe d’officiers rassemblés sous la bannière du Conseil de Réconciliation Nationale (CRN) dirigé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré qui arrêtât le Général Président Moussa Traoré dans la nuit du 25 au 26 mars 1991. Après 23 ans de pouvoir sans partage, le règne du Général Président vient de prendre fin. Lui-même ayant pris le pouvoir après son coup d’état contre le tout premier Président du Mali indépendant Modibo Keïta mort en détention en 1977. Nous étions le 19 novembre 1968. Le cours de l’histoire vient à jamais d’être modifié. Les acteurs de cette révolution de palais se regroupèrent et mettent en lieu et place du CRN le Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP) donnant ainsi naissance à la IIIème République. Une nouvelle Constitution verra le jour. Dans une interview accordée au journal « jeune Afrique » ATT disait : « C’est le vendredi 22 mars que nous avons compris que Moussa avait atteint le point de non-retour et que nous devions intervenir ». En souvenir de ce jour mémorable, des monuments sont construits à la mémoire de nos martyrs : le Carré des Martyrs dans le cimetière de Niaréla sert de mausolée aux victimes de la répression des événements de 1991, sur des tablettes sont inscrits les noms des martyrs qui y reposent ; la Pyramide du Souvenir située en face du « pont des martyrs » a été érigée également en hommage aux martyrs. Tous les maliens épris de justice, de paix et animés de la flamme de démocratie doivent s’incliner devant la mémoire des martyrs qui ont sacrifié leur vie pour les uns et leur intégrité physique pour d’autres. Saluons la mémoire des pionniers de la lutte pour un mieux-être de la population en général et des élèves et étudiants en particulier comme Abdoul Karim Camara le Secrétaire général de l’Union Nationale des Élèves et Étudiants du Mali (UNEM), arrêté, torturé puis assassiné le 17 mars 1980. Son seul tort a été de réclamer de meilleures conditions d’étude pour les élèves et étudiants de son pays. Trente ans après ces évènements tragiques, fondamentalement rien n’a changé dans le quotidien des maliens. Nous assistons à une généralisation de la corruption, du clientélisme, la baisse du pouvoir d’achat, et surtout l’impunité des hommes  au pouvoir. A ce jour on a l’impression que les acteurs de 26 mars 91 ont baissé les bras. IBK a été déposé par un coup de force ainsi que ATT par une soldatesque qui  disait bien sûr parachever la lutte du peuple. Une charte adoptée dont le contenu est en déphasage de son application. Les acteurs de 26 mars 91 sont là et boule de gomme. Ont-ils baissé les bras ou ont-ils échoué ?. D’ici là, les maliens n’ont que leurs yeux pour pleurer, la cause, la cherté de la vie, les prix des denrées alimentaires ont pris de l’ascenseur. Rien n’est plus accessible. L’électricité est devenue un luxe et rare sont les maliens qui mangent les 3 repas par jour. La dette intérieure s’écroule, les opérateurs économiques maliens se savent plus à quel saint se vouer. Tous les indicateurs sont au rouge.

En attendant le peuple malien se morfond dans sa résilience et personne ne sait quand ce peuple se réveillera.

Aujourd’hui, à la lumière des faits, des actes posés et des résultats enregistrés depuis 30 ans, l’événement du 26 mars était-il en réalité une révolution? Pour certains, le 26 mars a été une révolution mal conduite, pour d’autres une révolution récupérée. A mon humble avis, ce n’est ni l’un, ni l’autre. En effet, l’absence d’Avant-garde, d’unité politique entre les cercles clandestins, dénommés mouvement démocratique après mars 1991, de projet (commun) de société et d’homogénéité idéologique surtout entre les acteurs du 26 mars, la mission assignée au gouvernement de Transition pendant quatorze (14) mois (1991-1992) laissent perplexe pour qualifier de révolutionnaire l’événement de Mars 1991. En se référant à l’histoire, on sait qu’une révolution réussit ou échoue. Dans le premier cas, elle procède à des transformations qualitatives jusqu’alors inconnues. Dans le second, ses auteurs dans la plupart des cas sont arrêtés, fusillés ou embastillés.

Yattara Ibrahim

Source: L’Informateur

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