L’indépendance du Mali n’aura duré que 8 ans de 1960 à 1968. Avec le coup d’Etat contre le père de l’indépendance, Modibo Kéita, le Mali est retombé sous le contrôle d’une France revancharde.
Le Mali a-t-il aussitôt perdu son indépendance en 1968 huit ans seulement après l’avoir acquise ? C’est le 22 septembre 1960 alors que nous étions jeune pionnier dans la cité des Askia à Gao, où la cohésion sociale, la solidarité, le vivre ensemble, l’entraide, l’amour sincère pour le pays Mali et l’engagement patriotique étaient des réalités, que Modibo Kéita proclamait l’indépendance du Mali par un discours historique.
Dans ce discours qui restera à jamais graver dans la mémoire collective, celui-là que l’on considère comme le père de la nation malienne, a défendu l’unité et la solidarité entre les Africains contre l’oppression colonialiste. Pour lui, l’indépendance politique s’accompagne de l’indépendance économique. Cette conviction a été matérialisé par la création des sociétés et entreprises d’Etat comme le Bureau minier qui deviendra après la SONAREM, la STUB, la SOMIEX, la CMTR, la COMANAV, la LIBRAIRIE POPULAIRE DU MALI etc.…
En 1962, la République du Mali créait sa propre monnaie. La rupture avec la France colonialiste venait d’être actée et Modibo Kéita invita alors les Maliens au sacrifice ultime pour ne pas demeurer dans les liens de l’asservissement.
La France se plia devant cet homme aux grandes valeurs mais n’a jamais abdiqué. En 1968, Modibo Kéita est renversé par un coup d’Etat militaire puis assassiné après des années de détention. C’est ce jour-là, diront certains que la « jeune » République du Mali, a perdu son indépendance pour se retrouver de nouveau sous l’emprise française.
D’un Kéita à… un autre
Le Mali est-il aujourd’hui dans l’état que l’auraient voulu Modibo Kéita et ses compagnons de lutte ? En se battant pour l’indépendance du Mali, Modibo Kéita et ses compagnons étaient convaincus que c’était la seule voie de salut pour un peuple qui aspire à plus de dignité, de développement et de bien-être. Modibo est certes mort, mais son idéologie doit être source d’inspiration pour beaucoup de Maliens aujourd’hui.
Avec le coup d’Etat de 1968, la France était parvenue à renverser la « révolution » mettant ainsi fin à l’indépendance du Mali. Cette indépendance si elle avait été obligée de l’accepter, elle ne l’a jamais en réalité tolérée.
Renverser l’idéologie politique de Modibo Kéita était devenu un défi pour la France. Et elle est parvenue à le relever. Voilà 49 ans que le Mali vit sous contrôle français. Une colonisation « intelligente » qui maintient dans l’asservissement le peuple malien.
Faut-il rappeler qu’en 1963, deux ans seulement après la proclamation de son indépendance, le Mali était confronté à une rébellion touareg au nord du pays. Une tentative de déstabilisation que le Président Modibo Kéita a gérée avec intelligence, grâce à l’engagement patriotique des militaires de la trempe des Feux le capitaine Mamadou Sissoko, Diby Sillas Diarra, Daba Diarra, originaire de Fana, père du colonel déserteur de la garde nationale Bamoussa Diarra . Avec des armements pas sophistiqués, notre armée a maté la rébellion, combattu aux côtés des algériens pour l’accession à leur indépendance.
Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré, puis Ibrahim Boubacar Kéita, seront, tour à tour, confrontés à cette question touareg, l’arme par laquelle la France essaie de déstabiliser le Mali pour justifier les « accords de défense ».
La France maintient également son contrôle sur des Etats comme le Mali par le « Franc CFA ». Economiquement et militairement sous contrôle, que peuvent faire ces anciennes colonies françaises, si ce n’est soit vendre leur âme au diable, soit sonner la révolte avec tous les risques que cela comportent pour eux ?
Thomas Sankara, est mort pour s’être opposé aux intérêts de la France ; Laurent Gbagbo, est emprisonné à la Haye pour les mêmes motifs ; Mouammar Kadhafi, est mort pour ses idées panafricanistes.
Aujourd’hui, le président Ibrahim Boubacar Kéita fait face à la plus grande crise malienne provoquée par la France, et sa marge de manœuvre se résume à sa seule volonté de ramener la paix entre Maliens. Il lui manque cruellement les moyens de sa politique.
L’armée malienne n’est pas suffisamment prête pour s’affranchir de l’appui français. D’ailleurs, le sera-t-elle un jour ? Le Mali est sous embargo militaire depuis plusieurs années. On en doute car la France veille bien à ce que cela n’arrive, car une armée malienne forte signifierait que les « accords de défense » n’ont plus leur raison d’exister.
C’est le courage politique qui manque cependant aux héritiers de Modibo Kéita. Dans son discours de rupture avec la France, ce dernier avait tenu les propos suivants : « Dans un monde de plus en plus tourmenté où la légalité n’apparait qu’à travers les intérêts stricts des pays, la lutte pour nous devra s’engager sur le plan politique ». La France venait de trahir la confiance malienne et cela l’homme d’honneur Modibo Kéita ne pouvait l’accepter. Cette fourberie de la France se poursuit sous nos cieux.
Le président « IBK » osera –t-il faire comme Modibo Kéita au risque de son pouvoir et de sa vie ?
C’est à travers Internet que les Maliens découvrent jour après jour, cette fourberie de la France dans la crise dite du nord. Non seulement il est établie que les dirigeants français ont envoyé des « terroristes » déstabiliser le Mali mais que ces mêmes responsables français entretiennent des liens avec des groupes qui prennent des armes contre le gouvernement malien au point de signer des alliances avec eux.
Un Kéita en rappelle un autre. A l’occasion de la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation à Bamako, le président Ibrahim Boubacar Kéita s’était élevé contre le représentant français à l’ONU, monsieur Ladssou, qui avait tenu envers le peuple malien des propos désobligeants. Le président « IBK » l’avait recadré. Mais la suite est connue. La situation au nord s’est davantage dégradée comme pour rappeler au président malien l’enjeu de cette crise et définir qui sont les vrais maîtres.
Pourtant, le président Kéita est un homme bien avisé et comprend parfaitement la sournoiserie dans les relations inter-états. Certains diront qu’on n’apprend pas à un vieux singe à faire de la politique.
La crise malienne est à un tel niveau que seuls le franc-parler et l’insoumission à la politique étrangère française, permettront de sauver la nation malienne en péril face à l’impérialisme français basé uniquement sur les intérêts de la France.
Le président « IBK » osera-t-il faire comme Modibo Kéita en proclamant une seconde fois l’ « indépendance » du Mali ? Osera-t-il dire à la France d’Emmanuel Macron que le Mali n’acceptera pas et n’acceptera plus sa politique mensongère ? Osera –t-il rappeler à la France que le Mali est un pays indépendant depuis le 22 septembre 1960 ?
Ne pas le faire, c’est trahir encore une fois de plus la mémoire de Modibo Kéita, le père de l’indépendance du Mali.
Tièmoko Traoré
Le Pouce