Le président russe promet des livraisons de céréales gratuites à six pays africains «dans les mois qui viennent».
Vladimir Poutine a ouvert jeudi le deuxième sommet Russie-Afrique, organisé à Saint-Pétersbourg, en promettant de livrer gratuitement des céréales à six pays africains sur fond d’inquiétudes après la fin d’un accord qui permettait l’exportation de millions de tonnes de produits agricoles ukrainiens.
Isolé sur la scène internationale depuis le lancement de son offensive militaire en Ukraine en 2022, le Kremlin peut toujours compter sur le soutien, ou la neutralité, de nombreux pays africains et ce sommet est vu comme un test diplomatique et politique pour Moscou.
50.000 tonnes de céréales
En appel du pied, le président russe a assuré, dans son discours d’ouverture, que Moscou pourra «dans les mois qui viennent» livrer gratuitement jusqu’à 50.000 tonnes de céréales à six pays, citant le Zimbabwe, la Somalie et l’Érythrée, mais aussi trois pays s’étant rapprochés de Moscou ces dernières années : le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso. «Notre pays peut remplacer les céréales ukrainiennes sur le plan commercial et cela à titre gracieux», a-t-il déclaré, en affirmant que la Russie était un producteur «solide et responsable».
La semaine dernière, Moscou a refusé de prolonger l’accord céréalier signé en juillet 2022 sous l’égide des Nations unies et de la Turquie, qui permettait à l’Ukraine d’exporter ses produits agricoles via la mer Noire malgré les combats. En un an, l’accord avait permis de sortir près de 33 millions de tonnes de céréales des ports ukrainiens, contribuant à stabiliser les prix alimentaires et à écarter les risques de pénurie. Dans son discours, Vladimir Poutine a justifié sa décision en affirmant que les pays occidentaux faisaient «obstacle» aux livraisons d’engrais et de céréales russes. «Aucune des conditions de l’accord concernant les livraisons russes de céréales et d’engrais n’a été remplie», a-t-il dénoncé.
Crise au Niger
Des délégations de 49 pays africains, dont 17 chefs d’État, sont attendues à Saint-Pétersbourg malgré «la pression sans précédent», selon Moscou, des Occidentaux pour dissuader les Africains d’y assister. C’est moins que lors de la première édition, en 2019, quand 45 chefs d’État ou de gouvernement avaient fait le déplacement et que 54 pays étaient représentés.
L’un des plus attendus est le président sud-africain Cyril Ramaphosa, dont le bureau a indiqué dans un communiqué que les dirigeants évoqueront avec Vladimir Poutine les mesures destinées à créer «des conditions propices à une voie vers la paix entre la Russie et l’Ukraine».
Autre actualité : la tentative de coup d’État au Niger. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré que cette question sera «activement» abordée alors que la diplomatie russe a réclamé la «libération rapide» du président Mohamad Bazoum, séquestré par des militaires putschistes affirmant l’avoir renversé. Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger est le troisième pays du Sahel, région minée par l’insécurité, à connaître un coup d’État depuis 2020. Or, les militaires putschistes qui ont pris le pouvoir à Bamako et à Ouagadougou se sont tournés vers d’autres partenaires, notamment la Russie, au grand dam des Occidentaux.
Le sujet brûlant du sommet reste l’abandon par Moscou de l’accord céréalier, le secrétaire d’État américain Antony Blinken ayant exhorté jeudi les dirigeants africains à exiger des réponses. «Ils savent exactement qui est responsable de la situation actuelle», a-t-il déclaré en évoquant les dirigeants d’Afrique.
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«Redéfinir les relations»
Ces derniers jours, la Russie a tenté de rassurer sur le sujet, assurant être prête à exporter ses céréales «sans frais» vers les pays dans le besoin. Pour Moscou et ses partenaires, «il est nécessaire de trouver des terrains d’entente, de s’expliquer (…) sur des questions d’actualité, par exemple sur l’accord céréalier», a souligné auprès de l’AFP Vsevolod Sviridov, expert du Centre d’études africaines de la Haute école d’économie de Moscou.
De façon générale, «le cadre dans lequel la Russie et l’Afrique interagissent a profondément changé», observe-t-il : «Donc, évidemment, il faut redéfinir (ces) relations». Vladimir Poutine s’est d’ores et déjà entretenu mercredi avec le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, puis avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, vantant leurs projets communs dans le domaine de l’énergie.
Ces dernières années, la Russie a cherché à renforcer ses liens avec l’Afrique, notamment via la présence du groupe paramilitaire Wagner dont la rébellion avortée fin juin laisse planer un doute sur le futur de ses opérations sur le continent. Signe de cet intérêt, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a déjà effectué deux tournées sur le continent depuis le début de l’année, s’efforçant de l’attirer dans le camp de Moscou, dressé en rempart contre l’«impérialisme» et le «néocolonialisme» occidental.
Le Figaro avec AFP