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Ville cruelle pour les bonnes à tout faire

Bamako, 27 juil (AMAP) Les cheveux nattés, les yeux hagards, t-shirt noir, le pagne au-dessus des jambes, assise au milieu du lit, entre les quatre murs d’une cellule, celle que nous surnommons Awa est plongée dans un silence profond. Depuis plusieurs mois, elle attend son procès pour une raison qu’elle semble ignorer. L’adolescente, qui passe la journée avec une dizaine de femmes, semble vivre hors du temps. Ce qui l’a conduite dans ce centre de détention est le même pour les aide-ménagères. Awa travaillait comme servante dans une famille modeste de cinq personnes. Le matin, quand Madame, sa patronne, va au travail, les enfants à l’école, le père, un vieux retraité passait son temps à assouvir ses instincts sexuels sur elle.

« Etait-ce réellement une relation consentie ou sous la contrainte et la menace ? Peut-on, à 15 ans, entretenir une relation intime consentie, avec un homme de l’âge de son grand père? », nous a lancé une codétenue. Awa, elle-même, desserre difficilement les dents depuis son arrestation. Selon sa codétenue, elle s’exprime mais laconiquement. « Cela serait dû au traumatisme des événements qu’elle a vécus », a estimé une dame de soixante ans qui est détenue pour des faits similaires à ceux reprochés à l’adolescente. Le vieux retraité n’était pas le seul bourreau de la fillette. Son fils aussi, un adolescent de 16 ans, était coutumier du fait.

ENCEINTE – L’histoire se déroule dans la ville de Koutiala, dans le Sud du Mali. Le supplice d’Awa a duré des mois. Jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte ! Le chef de famille a pris conscience de la gravité de son acte. Du coup, il a fait recours à une amie de longue date, une infirmière retraitée, pour le tirer d’affaires. « Il m’a dit : je couche avec la servante de ma femme. Mon fils aussi ! Un jour, en rentrant dans la chambre de la ‘’bonne’’, je les ai surpris en pleins ébats. Maintenant, elle attend un bébé. Je ne sais pas qui de nous deux est le père de l’enfant. Si les gens venaient à l’apprendre, ma famille volera en éclats ! Aide moi, je t’en supplie », a révélé la sexagénaire, rapportant sa conversation avec le père pervers. Elle précise que c’est dans cet esprit qu’elle est venue à son secours.

L’infirmière avoue avoir invité la fillette chez elle. Et lui avoir donnée ce qu’il faut pour provoquer un accouchement forcé. « Je lui ai conseillée de rester chez moi jusqu’à ce que le problème soit réglé. Mais, quand les douleurs de l’enfantement ont commencé, elle a pris la fuite à mon insu. Croyant qu’elle vivait ses derniers moments », nous a dit la retraitée. Selon elle, l’adolescente n’a pas pu supporter les contractions qui devenaient de plus en plus violentes. Elle s’est dirigée vers la forêt où elle a donné naissance à un fœtus. Dans un état pitoyable, à bout de force, Awa n’a pas pu s’échapper loin de son embryon. Elle a été repérée par les passants qui ont appelle la police.

Interrogée, elle a révélé le nom de sa complice « la vieille infirmière ». Cette dernière, à son tour, a lâché le vieux et son fils. L’enquête a permis d’arrêter le fils, mais pas le père. Il s’est éclipsé, dès que la nouvelle a fait le tour de la ville comme une trainée de poudre. La nouvelle a surpris plus d’un. La mère de famille, en premier, l’a appris en même temps que la rue.

DES REGRETS– Le centre de détention de Koutiala, comme les autres de la région, est mixte. Hommes et femmes partagent la même enceinte. Du coté du bâtiment où sont casés les hommes, on aperçoit la silhouette de l’adolescent en question. Grand de taille, il déambule dans ce grand espace qui sert de lieu de détente. Il nous a, volontiers, donné sa version des faits. L’air gêné, il confirme les faits, tout en exprimant son regret. « Je demande la clémence de la société et de la justice. Je voudrais juste qu’on me libère pour pouvoir préparer mes examens de fin d’année pour le Diplôme d’études fondamentales (DEF) », dit le garçon

Quant à Awa, elle n’a aucune idée de quand elle pourra respirer à nouveau de l’air de la liberté. Elle attend sagement au fond de sa cellule d’être fixée sur son sort.

Comme, cette adolescente beaucoup d’autres sont marquées à vie par l’irresponsabilité de certains tuteurs. Ils profitent de leur position pour abuser les plus faibles qu’ils sont censés protéger. Sans jamais se poser la question ‘’ et si elle était ma fille ?’’

Dans nos sociétés, il est de coutume, qu’après la saison des pluies et pendant les vacances, les familles dans les villages libèrent leurs enfants (filles) pour venir en ville chercher leur trousseau de mariage. Sans y être préparées moralement, très jeunes, elles se lancent dans l’aventure, sans aucune idée de ce qui les attend dans les grandes villes.

Beaucoup s’embourbent en ville. Quelques rares chanceuses arrivent à s’en sortir, de façon honorable. Depuis belle lurette, ces aide-ménagères présentes dans tous les foyers en ville répondent à un besoin des citadins. Elles sont celles qui se lèvent, tôt le matin, avant tout le monde, et se couchent après tout le monde. Elles savent ou apprennent à tout faire. Très souvent, elles travaillent presque sans discontinuer de jour comme de nuit pour des salaires bas. Elles sont parfois un pilier de certains foyers.

Si elles s’entendent avec leur employeur, tant mieux, les servantes restent jusqu’à la fin de son séjour. Dans le cas contraire, ce qui est courant d’ailleurs, elles tentent leur chance dans plusieurs familles. Une vraie aventure de « ville cruelle » dans laquelle elles n’ont que des devoirs et voient leurs droits et dignité bafoués.

La vie en ville est parfois très cruelle pour les aide-ménagères, les domestiques, les femmes de ménage, ou encore les « 52 », entre autres appellations de ces filles. Comme l’illustre cette triste scène de la mort d’une aide-ménagère. C’était le 8 décembre dernier, vers 11 heures du matin. Seba Coulibaly, 17 ans, s’est jetée de la fenêtre du 3e étage d’un immeuble, au grand marché de Bamako, pour échapper à une tentative de viol. Elle a succombé à ses blessures, quelques après à l’hôpital Mère-Enfant Luxembourg.

MS/MD (AMAP)

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