Les coupures intempestives d’électricité depuis quelques mois ont révélé l’échec de la politique énergétique au Mali mais aussi un réseau de fraude érigé en règle de gestion de cette société d’état. La situation est d’autant plus préoccupante que la ministre en charge de l’énergie a fait une sortie médiatique au cours de laquelle elle a fait des révélations rocambolesques sur les entraves au fonctionnement de l’Energie du Mali (EDM Sa). Vols de carburant, surfacturation impliquant des opérateurs fournisseurs, des fonctionnaires agents d’EDM et des chauffeurs de citernes…. On parle de plus de 19 milliards de FCFAde surfacturations chez seulement 2 sur 800 fournisseurs.
Les révélations faites par Madame la ministre des Mines et de l’Eau sur la télévision nationale le mardi 24 Octobre 2023 dernier sur la découverte d’un réseau mafieux à l’Energie du Mali (EDM. Sa)
ne sont qu’un secret de polichinelle.
C’en est de trop, les coupures d’électricité au Mali ! Et certains pensent que c’est une première dans l’histoire du Mali de vivre une telle situation à la limite qui écrase l’économie déjà durement éprouvée.
Sous les feux des critiques suite aux nombreux délestages, les autorités jusqu’ici silencieuses sur les vraies raisons des maux del’EDM, ont fini par réagir. La ministre de l’Energie et de l’Eau, Mme Bintou Camara s’est exprimée sur le sujet ce mardi soir sur le plateau de l’ORTM. Mme la ministre a fait des révélations qui font froid dans le dos. Elle estime que ces coupures d’électricité sont le résultat d’une mauvaise gestion au niveau de la société elle-même. Selon elle, l’EDM Sa dispose des centrales thermiques pour assurer la fourniture d’électricité. Les générateurs de ces centrales doivent
normalement fonctionner avec du fioul qui est moins coûteux et qui dure plus longtemps que le gasoil, explique la ministre. Mais les responsables de la société ont toujours fait fonctionner les générateurs
avec du gasoil. Cela dans le but de bien piller l’État à travers
l’EDM Sa, a-t-elle expliqué. Vols de carburant et surfacturations Selon ses explications, ces personnes ont mis en place un système de vols du carburant finalement érigé en système de gestion.
Selon la ministre Camara, 59 camions citernes contenant chacun 45 mille litres de gasoil ont disparu en espace de 4 jours. Pour la ministre, c’est un véritable réseau mafieux qui a été mis en place. Mais, ce n’est pas tout. Le vol s’est également étendu jusque dans les facturations des fournisseurs.
Sur deux mois de contrôle, 1 milliard 800 millions de FCFA de facturations supplémentaires ont été
découvertes chez un seul fournisseur. Pour la seule année 2022, 52 factures supplémentaires pour un
montant de 18 milliards 600 millions FCFA.
Selon elle, les raisons de la dégradation continue de la desserve en électricité résident dans la mauvaise gestion et le manque de rigueur des responsables de l’EDM.
De l’état des lieux et selon Mme la ministre en charge, on note que la quantité de puissance en électricité installée à l’EDM n’est pas utilisée, faute de carburant, un manque causé par des vols de carburant et des surfacturations.
Notons que l’EDM a mis l’accent sur l’énergie thermique, avec une consommation accrue du carburant fioul et gas-oil. Mais chemin faisant, l’EDM a délaissé le fioul au profit du gasoil, bien que les deux
plus grandes centrales, à Siracoro et Balingué fonctionnent à partir de ce produit. Les raisons ? Les contrôles ont révélé qu’au niveau du fioul qui est utilisé unique-
ment par EDM, il n’y a pratiquement pas de fraude, contrairement au gas-oil où «il y a à manger et à boire », selon la ministre. Pour- quoi ? Parce que le gasoil qui arrive est exonéré par les autorités pour que l’EDM puisse l’avoir moins cher que le prix à la pompe. Souvent, ces ruptures de carburant
sont provoquées par des agents de l’EDM eux-mêmes, dit-elle. Et comment ?
Un système de gestion et de contrôle sur les fournitures de citernes qui arrivent au niveau de l’EDM a permis de découvrir le pot-aux- roses. Le ministre a expliqué que tout le carburant est centralisé
au niveau de la centrale de Balingué, à partir de laquelle le dispatching vers les autres centrales et les régions est effectué. Les citernes de dispatching sont en effet enregistrées au niveau de Balingué. Le contrôle découvre que des camions chargés de dispatching disparaissent entre la centrale de Balingué et les centrales de destination. Ces manquants sont qualifiés de vol. « Sur quatre jours, nous avons
constaté que 59 citernes ont disparu entre Balingué et les différentes centrales de Bamako. Ces carburants sont souvent revendus dans les stations en place, ou revendus moins chers à des industries. Des chauffeurs et des agents de l’EDM sont complices de ces vols de carburant », affirme Mme le ministre Bintou Camara. Une œuvre d’un véritable réseau digne d’une mafia colombienne composé
de fonctionnaires et d’agents d’EDM, finalement démasqué par le contrôle entrepris par les autorités de la transition.
Ce vol ne se limite pas au carburant en tant que tel, il y a également vol au niveau de la facturation de l’EDM.
Quand un fournisseur livre un camion de 45 000 litres, l’EDM délivre un récépissé de réception, signé par les agents de l’EDM et par le chauffeur. L’EDM établit à cet effet une facture afférente à ce récé-
pissé. Mais on a constaté qu’au lieu d’une seule, l’EDM a souvent délivré deux à
trois factures liées à même récépissé, et toutes ces factures sont payées au fournisseur, explique l’invité de l’ORTM. « Au niveau de l’EDM, il y a du vol sur le carburant et sur la facturation. On a constaté sur la facturation d’un seul fournisseur en l’espace de deux mois seulement qu’il y a 1 milliard 600 de facturation supplémentaire. Sur un deuxième fournisseur, uniquement sur l’année 2022, nous avons constaté 52 factures supplémentaires pour un montant de 18 milliards surfacturés », révèle la ministre. C’est le cas de seulement deux fournisseurs, et l’EDM est fournie par 800 fournisseurs, tous des
Maliens, à qui l’EDM doit plus de 600 milliards de FCFA. Les plus gros des fournisseurs auxquels EDM doit, sont ceux de carburant et d’électricité, comme Albatros, Compagnie ivoirienne, ou la SOGEM, qui fournissent de l’électricité à EDM.
Mais qu’en est-il des fournisseurs maliens ? Qui sont-ils ? est ce des sociétés écran créées
par des responsables véreux de l’EDM juste pour se faire de l’argent ? Les enquêteurs doivent fouiller dans ce sens !
Plus récent, le dimanche dernier, une visite inopinée du ministre au niveau des centrales a provoqué un fait rocambolesque. Un fournisseur a livré 17 citernes dont la traçabilité pose un sérieux problème dans les documents.
C’est cette affaire qui risque de réveiller ancêtres, parents, copains et coquins corrompus et
corrupteurs de l’EDM tapis dans l’ombre et
qui se la coulent douce. Toujours dans ses explications, la ministre a indiqué qu’une dizaine de groupes électrogènes achetés ont été grillés le jour même de leur essai. Selon la ministre, le fournisseur s’est engagé à remplacer ces générateurs.
L’EDM doit cesser d’être un patrimoine familial ! Des explications de Mme la ministre, il ressort que le réseau de fraudes a été peut-être démasqué, mais la question du recrutement du personnel dans cette structure, qui est un autre sujet polémique, a été occultée lors de cette sortie médiatique. Faut-il le mentionner, l’EDM Sa est devenue un patrimoine familial, une vache à lait pour un clan dont ils sont les
seuls à détenir le secret du recrutement dans cette boîte. Ne devient pas agent de l’EDM Sa qui a le mérite, mais qui a un frère ou un ami dans cette boîte.
Des sources révèlent que sur 10 agents de l’EDM Sa, il est difficile de retrouver 3 ayant eu une formation de base en électricité avant leur recrutement. Un véritable cafouillage à l’origine qui s’explique par le népotisme, le clanisme afin de bien organiser et articuler le système de vol dans cette boîte.
Attendant, la version du Syndicat des agents de EDM qui organisera le vendredi 27 octobre 2023 prochain une Assemblée générale extraordinaire suivie d’une conférence de presse, les autorités, après ces révélations doivent prendre des sanctions exemplaires contre ces agents coupables des sanctions à hauteur de leur crime pour que ce ne soit pas une simple communication. Mais aussi, des actions doivent suivre pour inverser la tendance avec les explications rassurantes de la ministre.
La Rédaction