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Tinza et la donne ukrainienne

Dans la bataille de Tinzaouaten, les groupes armés terroristes ont eu la faveur des renforts comme dans le cas de la bataille de Kidal en 2014. En plus du GSIM et de l’EIGS, d’autres groupes non identifiés seraient intervenus à Tinzaouaten contre l’armée malienne, qui y était attendue de pied ferme, depuis la prise de Kidal, le 14 novembre 2023.

On est aussi en présence d’allégations tentant d’accréditer la thèse selon laquelle, ces renforts comprenaient des Ukrainiens, et dès lors certains donnent à cette bataille contre les FAMa un visage ukrainien. Il y a comme un acharnement à tort ou à raison tendant à établir que les troupes ukrainiennes seraient directement intervenues aux cotés des groupes terroristes pour causer de lourdes pertes aux FAMa. On y persiste tellement, qu’on y voit un plaidoyer pour oublier le Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD) dans cette bataille et faire porter le chapeau à l’Ukraine.

Un supposé communiqué du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD) indiquant que les instructeurs russes capturés à Tinzaouatene vont être remis à l’Ukraine, tente d’accréditer une bonne coopération avec le pays de Volodymyr Zelensky.

Ainsi, ces allégations qui restent à vérifier, offrent à croire que les Ukrainiens jouant la carte OTAN, combattent la présence russe en Afrique. Les instructeurs russes aux côtés des FAMa paraissant assez représentatifs de la présence russe au Mali et en Afrique, et s’attaquer à ce symbole serait un signal fort de l’engagement ukrainien à combattre la Russie en Afrique et dans le monde. Seulement on sait qu’il s’agit d’un jeu de marionnettes et d’intérêts géostratégiques, avec certaines grandes puissances à la manette.

Tente-t-on de créer pour le Mali, un casus belli prêt à porter contre le pays de Volodymyr Zelensky ? Qui veut créer les conditions pour pousser le Mali et l’AES dans une guerre contre les Ukrainiens. On pourrait dire ensuite que la Russie utilise le Mali et l’AES dans une guerre par procuration, tout comme on aurait dit que les Ukrainiens combattent la Russie sur le continent africain.

A première vue, on peut penser à un éventuel renforcement de la coopération militaire entre le Mali et la Russie, une plus grande présence, voire une base de l’armée russe dans le nord malien. On peut également croire que cette présence mettra fin à la présence des groupes terroristes dans le nord malien. Mais tout cela peut-il se faire sans provoquer un embrasement dû à l’exportation de la guerre russo-ukrainienne, autrement dit, à la transformation du désert malien en champ de bataille entre la Russie et l’OTAN, avec des alliés potentiels de part et d’autre ?

Les cavaliers de l’impérialisme auront réussi leur pari d’instaurer une guerre permanente dans cette région du Sahel, à y empêcher l’exploitation par les Etats de l’AES de leurs ressources minérales dont le pétrole, l’or, l’uranium et autres. Et plus tard, qui pourrait empêcher les grandes puissances, de gauche et de droite (Russie, Etats-Unis, Grande Bretagne, France, Japon, Chine), de s’entendre sur l’exploitation à leur profit, des ressources du Mali ? Les fourmis ne renoncent pas à piquer, la conférence de Berlin en 1884-1885 ne s’efface pas si facilement dans les mémoires.

Au finish, une transformation du Sahel en champ de bataille des titans n’arrange pas la lutte anti-terroriste, dans laquelle les Etats du Sahel à travers l’AES ont pris leur destin en main. On doit donc se méfier de mettre en avant les Ukrainiens comme acteurs privilégiés dans cette bataille de Tinzaouatene.

Par ailleurs, des efforts sont déployés par d’autres pour faire oublier certains acteurs dans cette affaire. Il s’agit de ceux qui outillent les groupes armés, qui les entrainent et qui leur fournissent les renseignements et les bases arrières.

A cet effet, la confusion semée mérite une explication des autorités maliennes, qui doivent adresser un message à la nation, rassurer les Maliens sur la question. Se prononcer sur la véracité de la thèse ukrainienne, ou s’il ne s’agit que d’une vue de l’esprit destinée à une pure diversion pour oublier de vrais acteurs, des Etats africains ou occidentaux, d’habitude mis en cause.

En tout état de cause, le Mali ne doit pas se tromper d’adversaire, perdre dans le viseur ses ennemis directs ; les assassins avoués des Maliens (soldats et civils) sont des groupes armés terroristes et leurs sponsors impérialistes. Les pays alliés du Sahel ne doivent pas se tromper de combat, c’est de combattre le terrorisme dans le Sahel.

Le Mali n’est pas en conflit avec l’Ukraine, même s’il s’avérait que parmi les combattants venus en renfort aux groupes terroristes figuraient des Ukrainiens, et même si le CSP-PSD remettait comme il tend à le faire croire, des instructeurs russes à l’Ukraine. L’amitié du Mali avec la Russie n’implique pas ce dernier dans la belligérance directe contre l’Ukraine, aucun accord n’existant dans ce sens. Même quand on sait que « l’ennemi de mon ami est mon ennemi ».

Le Mali peut vouloir davantage d’appuis de la Russie, comme de la Turquie, mais certainement pas glisser dans une guerre qui n’est pas celle du peuple malien. Si ce combat pour la libre circulation des personnes et des biens est aussi celui du Maréchal Aftar de l’est Libye, s’il peut aider le Mali, ne serait-il pas le bienvenu ? Il ne demandera certainement pas d’aller aligner des soldats maliens à la lisière de la région qu’il contrôle.

B.Daou

Le Républicain
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