Il y a quelque chose de fâcheux et d’inquiétant à la fois dans la façon dont Soumeylou Boubèye Maïga nous a quittés, lundi 21 mars, à la veille de ses 68 ans : il était en détention depuis sept mois pour une présumée affaire de corruption sans être ni jugé ni a fortiori condamné.
Ses avocats, sa famille, ses amis, les responsables de son parti politique, l’Alliance pour la Solidarité au Mali-Convergence des Forces Patriotiques (ASMA-CFP) n’avaient eu cesse, durant cette période, de plaider tant auprès de l’opinion publique que de toute personne détenant une parcelle d’autorité sa mise en liberté provisoire dans l’attente de son procès au regard de ce qu’il a représenté pour le Mali.
Figure emblématique du mouvement démocratique qui a arraché le pays de la longue nuit d’une dictature militaro-civile aussi féroce que paupérisante pour le conduire à la lumière vivifiante de la liberté, tour à tour conseiller spécial du président du CTSP, le soldat démocrate ATT, chef de cabinet du premier président démocratiquement élu Pr Alpha Oumar Konaré, Directeur Général de la Sécurité d’Etat, Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, ministre de la Défense, Secrétaire général de la présidence de la République, Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, si abominable que fût le grief qu’on lui portait, avait droit à des égards croyaient-ils. Aussi demandaient-ils pour lui une remise en liberté, même surveillée, dans l’attente de son procès.
Cette requête ne sera pas satisfaite, pas plus que celle relative à son évacuation sanitaire à l’étranger lorsqu’il s’avérera que ses conditions de détention à la prison centrale de Bamako, maintes fois décriées devant la presse, étaient périlleuses pour lui et qu’en plus les soins qui lui étaient prodigués localement étaient insuffisants. La demi-mesure qu’a constituée son admission à la très huppée polyclinique Pasteur de la capitale lui a été fatale.
Assurément les autorités de la transition ne pourront échapper au reproche qui leur sera fait de n’avoir pas pris les mesures urgentes et nécessaires pour sauver la vie de Soumeylou Boubèye Maïga, un homme devenu politiquement encombrant dès lors qu’il a rejoint le camp des animateurs de la scène politique réclamant la tenue des élections présidentielle et législatives à la date initialement fixée du 27 février 2022.
On prête au président du Niger, Mohamed Basoum, réputé pour son franc-parler, surtout lorsqu’il s’agit des autorités de la transition malienne qu’il tient en détestation, d’avoir décrit, à travers un tweet, le décès de Soumeylou Boubèye Maïga comme » un assassinat » assimilable à celui de Modibo Keita, survenu le 16 mai 1977 de triste mémoire. Le rapprochement paraît audacieux en ce que si « le père de l’indépendance » malienne continuait, neuf ans après le coup d’Etat militaire qui l’a renversé (19 novembre 1968) à perturber le sommeil de ses tombeurs, tel n’était pas le cas pour Soumeylou Boubèye Maïga. Ce dernier faisait plutôt figure d’une caution précieuse entre les mains des tenants du pouvoir dans l’offensive qu’ils ont lancée pour extirper la corruption de la gouvernance publique.
Il reste que le décès de Soumeylou Boubèye Maïga, militant et homme d’Etat, en dépit des fautes qu’il a pu commettre et qui restent à prouver, jette une ombre de plus sur le parcours d’une transition qui n’a pas su tenir ses promesses de dialogue, d’apaisement, de tolérance, de pardon et de réconciliation.
Saouti HAIDARA
Source: L’Indépendant