“Je pense que les sanctions infligées contre le Mali par la CEDEAO sont intervenues suite à un manque de volonté des plus hautes autorités du pays à organiser les élections générales qui devaient réellement se tenir durant cette année 2022. Ces sanctions sont certes diplomatiques, mais au fil du temps, auront vraisemblablement des conséquences économiques et financières sur les populations. Pour le moment, nous sommes face à des problèmes que les populations ne voient pas. Elles doivent s’attendre à ces difficultés dans les prochains jours.
C’est pourquoi ces sanctions doivent faire peur, mais malheureusement, on entend des gens et mêmes certaines autorités dire n’importe quoi pour sauvegarder leurs postes. À mon avis, c’est vraiment incompréhensible de leur part quand les plus hautes autorités du pays savent très bien qu’elles ne respectent plus leurs engagements vis-à-vis de l’organisation des élections à dates indiquées. Ce qui frustre bien évidemment les hommes politiques maliens et les partenaires du Mali, particulièrement les pays membres de la CEDEAO et de l’UEMOA.
Au jour d’aujourd’hui, le président de la Transition, Assimi Goïta semble avoir compris les conséquences de ces sanctions dans la mesure où il a bien appelé, dans son discours du 10 janvier 2022, la CEDEAO au dialogue. Cette intention du président n’est pas celle de la plus part de ses proches et de beaucoup de Maliens. Ce qui est grave dans un pays où le président et ses partisans ne parlent pas le même langage. Il revient toujours aux plus hautes autorités du pays d’aller dans le sens du dialogue pour sortir le pays de ces sanctions et organiser le plus tôt possible les élections générales au Mali”.
Adama Sogodogo, Président de l’Association Nationale des Juristes du Mali (ANJM): ” C’est regrettable qu’on en soit arrivé là”
“Le soir du 09 janvier dernier, nous avons tous appris cette série de sanctions de la CEDEAO contre notre pays, le Mali. C’est regrettable qu’on en soit arrivé là. Cependant, il ne faut pas que l’arbre cache la forêt. Nous ne pouvons en vouloir à la CEDEAO pour avoir appliqué ses textes, mais le peuple que nous sommes, doit d’abord « balayer devant sa porte ». Qu’on le veuille ou non, et malgré la volonté affirmée de la CEDEAO d’éviter que le peuple malien en souffre, ces sanctions ne peuvent épargner les populations.
A commencer par les sanctions économiques. Le gel des avoirs du Mali rendra notre Etat moins liquide, d’où, des difficultés de trésorerie qui vont atteindre le paiement des salaires, de la dette intérieure, la gestion du quotidien des autorités qui, par ricochet, touchent forcement le malien lambda. Quant aux sanctions commerciales, la fermeture des frontières va atteindre les opérateurs économiques, puis tous ceux qui leurs sont rattachés. En plus, nos libertés sont forcément réduites lorsque nous sommes empêchés de voyager vers des destinations de notre choix, notamment vers les pays de la CEDEAO et de l’UEMOA où vivent de nombreux compatriotes, aussi frappés par le gel des transactions financières. Le soutien de la France à nos institutions sous régionales risque de compliquer encore plus la situation car les malien vivant dans ce pays sont d’un apport inestimable pour le Mali.
Mais au-delà de notre regret, il faut croire que cette situation était évitable. Elle nous vient d’une gestion d’amateur ou de mauvaise foi d’une transition prise en otage par des acteurs politiques qui, incapables d’accéder au pouvoir par les urnes, ont préféré faire la courte échelle. Ces acteurs ont trouvé en ces jeunes militaires, un terreau fertile où ils ont décidé de faire germer leurs ambitions politiques, après des tentatives infructueuses auprès de leurs pairs. En s’appuyant sur la rue, ils sont parvenus à atteindre le sommet par la junte qui a pris le pouvoir en août 2020.
C’est donc dans ce même registre que le pouvoir de la transition a décidé de se jouer de tous les acteurs politiques à même de les aider à finir en beauté la période transitoire, en ironisant la communauté internationale par une proposition de chronogramme rébarbatif et insoutenable. Oui, le soi-disant chronogramme, tiré par les cheveux et monté en catimini, a d’abord surpris certains participants aux Assises Nationales de la Refondation (ANR) de qui il est censé émaner.
En effet, la CEDEAO ne s’est pas levée un bon matin pour dire que les têtes autorités du Mali sont moins plaisantes et décidé des sanctions contre notre pays. Que non. Nous sommes bien venus de quelque part.
Mais toujours est-il que la CEDEAO, dans cette posture, est malheureusement dans son rôle. Un rôle que lui ont dévolu ses 15 Etats membres dont le Mali lui-même. Il faut rappeler que la Mali est signataire du Protocole sur Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement de conflits, de maintien de la paix et de la sécurité tel que défini par le Protocole initial de décembre 1999 complété et amendé par le Protocole additionnel de décembre 2001, qui a permis à la CEDEAO de légitimer et de structurer davantage ses interventions dans les crises politiques émergentes ou déclarées dans ses pays membres. Ce mécanisme permet à la CEDEAO de, non seulement se prononcer sur la qualité des processus électoraux, mais aussi sur les modes anticonstitutionnels d’accession au pouvoir. Une entorse à l’une des 14 composantes dont la Démocratie et la Gouvernance Politique, amène l’organisation à intervenir, voire à prendre des sanctions. Donc, qualifier les sanctions de la CEDEAO d’illégitimes et d’illégales, ne saurait être fait de bonne foi.
Pris à défaut, le Mali se devait de naviguer avec intelligence. Mais non, il a fallu que nos autorités de la transition essaient de jouer aux plus rusés avec la proposition d’une prorogation de la période transitoire de 5 ans puis 4. Ce qui devrait faire du cas malien, une transition de 6 ans et demi 5 ans et demi. Cela a fortement irrité les dirigeants de la CEDEAO. Sinon, l’organisation sous-régionale s’est toujours déclarée ouverte à aider notre pays à sortir de la crise multidimensionnelle. Les spéculations sur une « main invisible », même si elle existe, ne peuvent constituer des arguments qui dédouanent nos autorités.
Aussi, je pense qu’il est de mauvaise foi de faire croire que les sanctions sont surprenantes, eu égard à la chronologie des évènements. Nous ne sommes pas plus intelligents que tous les autres. Face à la sollicitation d’un chronogramme de sortie de crise, nous avons choisi d’opposer un chronogramme rébarbatif et non consensuel concocté par quelques personnes aux sorties des ANR. Ce qui lui vaut le rejet des certains participants aux assises et non des moindres, car ne reflétant pas l’opinion générale. Face à des chefs d’Etat et de Gouvernement qui ont accepté de nous épauler en ces moments difficile, nous avons choisi d’être la risée du monde par une proposition incongrue, voire enfantine.
J’en veux à nos autorités et non à la CEDEAO, pas parce qu’ils n’ont pas pu respecter leur engagement premier des 18 mois proposés, mais plutôt pour n’avoir pas pris les dirigeants de la CEDEAO au sérieux, pour avoir décidé de faire une proposition de chronogramme qui ridiculise le Mali aux yeux du monde. Je leur en veux de vouloir instrumentaliser le peuple par le biais de la fibre du patriotisme, un patriotisme béat qui frôle le nationalisme. Nous n’avons aucun mérite à nous opposer à la CEDEAO composée de pays voisins et/ou amis. Des pays qui se sont sacrifiés pour nous à travers la MINUSMA (humainement, matériellement et financièrement).
Pour sortir de ses sanctions asphyxiantes pour le peuple malien, je propose, que les autorités de la transition, avec humilité, fassent une nouvelle proposition de chronogramme, cette fois-ci, réaliste et détaillé. Un chronogramme dont la teneur, par sa clarté et son objectivité, ne prêterait pas à équivoque quant à sa sincérité ou la bonne foi de ses auteurs ; donc, une proposition crédible qui effacera cette image d’un Mali devenu la risée du monde. Nous nous devons de faire profil bas et de faire des propositions décentes et appropriées. Aucun pays ne se suffit à lui tout seul.
Le sursaut patriotique ou l’union sacrée autour du Mali, c’est bien mais soyons réalistes et objectifs avant de nous lancer dans une guerre perdue d’avance.
Les sanctions sont dures, mais il faut faire avec jusqu’à ce que nos autorités décident de revenir à la raison. La réaction des autorités de la transition, guidées par les avis du citoyen lambda, me semble inappropriée. La réponse du berger à la bergère ne sied pas au contexte dans lequel la Mali se trouve. Nous sommes sous perfusion à cause de la menace terroriste et de surcroit dans une transition, un pouvoir anti démocratique et illégitime. Tachons de revenir au plus vite dans les rails d’un pouvoir légitimé par le suffrage universel. Quitte à faire revenir ceux qui, parmi les membres de la junte, nous paraissent capable de conduire aux destinées du people”./.
Dr Abdoul Karim Diamoutené, Président du MDJS: “Les sanctions de la CEDEAO à l’égard du Mali sont inacceptables et même criminelles”
“Notre Parti le Mouvement Démocratique pour la Justice Sociale-Le Réveil (MDJS le Réveil) a participé à toutes les phases des Assises Nationales de la Refondation (ANR). Si les participants pourraient avoir des points de vue différents sur la qualité du processus, ce fut l’occasion pour chacun de s’exprimer. La proposition d’un intervalle de temps entre 6 mois et 5 ans, prouve la divergence du vue des participants sur la durée réelle de la transition. Les autorités de la transition, en choisissant la borne supérieure (5 ans), sont restées quand même dans le cadre des conclusions des ANR. En plus, selon les autorités, leurs propositions devraient constituer une base de discussion.
Avant les ANR, le MDJS le Réveil avait fait un communiqué et proposé une prolongation de 1 an avec quelques propositions de réformes prioritaires. Cette diversité de points de vue est l’essence même de la démocratie.
Même si nous pensions que la CEDEAO nous aiderait à obtenir un délai raisonnable, nous fustigeons leurs réactions avec ces sanctions. Le Parti MDJS-LE Réveil a été créé pour que le Mali s’inscrive dans une nouvelle gouvernance, donc pour le bien-être du Mali. Nous opposerons à toutes initiatives qui entravent cette dynamique et entravent l’indépendance réelle du Mali dans toutes ses dimensions.
Le Parti oui, mais le Mali d’abord.
Les sanctions de la CEDEAO traduisent la haine des dirigeants de cette Institution contre le peuple souverain du Mali. En plus, ces sanctions sont illégales car violant les textes. Comment dans un pays pauvre comme le Mali, vous privez l’État de ses moyens ? En plus du gel des avoirs de l’Etat à la BCEAO, les restrictions commerciales et la fermeture des frontières affecteront très sérieusement les recettes douanières, donc les finances de l’Etat. Ces mesures visent à saper les fondements de l’Etat et à appauvrir la population, car réduisant la capacité des autorités à fournir les services sociaux de base aux populations.
Comme pistes de solution, l’Etat devra diversifier ses partenaires stratégiques et renforcer ses liens avec les pays limitrophes non membres de la CEDEAO. On peut déjà se réjouir de l’appui de l’Algérie et du refus de la Guinée de fermer ses frontières. Au-delà des dispositions préventives prises, les autorités devraient rechercher les meilleures compétences dans tous les domaines pour les mettre au travail”.
Sandy Haidara, vice-président du RDA: “Il faut éviter le bras de fer avec nos partenaires en préconisant le dialogue”
“Le Mali est membre fondateur de la CEDEAO. A ce titre nous devons assumer nos engagements et notre signature. Les sanctions sont lourdes pour le peuple malien, mais c’est une réciproque à la demande exagérée de 5 ans (délai proposé par 2 personnes aux assises) comme pour provoquer la CEDEAO. La seule solution qui vaille est de reprendre langue avec nos partenaires au lieu d’un bras de fer qui n’ira pas loin. Aussi la proposition d’un délai acceptable sera le point de départ certainement immédiat de la suspension des sanctions, amené le pouvoir dans la rue ne fait pas avancer un pays”.
Source: 22 Septembre