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Révision constitutionnelle : L’air d’une revanche sur le 26 Mars 1991

Le processus du passage de la troisième à la quatrième république avance à grande enjambée, à mesure qu’approche la date annoncée pour le référendum d’adoption de la nouvelle constitution. En effet, la commission de rédaction, récemment mise en place par le président de la Transition, n’a pas traîné sur le verdict tant attendu et vient d’accoucher d’un texte qui fait couler beaucoup d’encre et de salive.

Il s’agit de l’avant-projet de constitution, lequel deviendra un projet après son adoption par le Conseil National de Transition avant de passer par une consultation du peuple par référendum. En attendant, les innombrables équivoques ayant émaillé la mouture initiale n’ont de cesse d’imposer la démarche participative que les géniteurs de la nouvelle constitution avaient tenté de contourner, dans le processus de son élaboration. Plusieurs composantes de la nation, des corporations en l’occurrence, sont à pied d’œuvre, depuis deux semaines environ, pour rattraper le processus et essayer de sauver les meubles en embarquant leurs préoccupations dans un terrain en pleine marche. Et pour cause : l’effort étant visiblement de faire au maximum de la place aux désidératas d’assises nationales plus iconoclastes que représentatives, le célèbre constitutionnaliste Fousseini Samaké et son équipe ne pouvaient qu’accoucher d’un texte aussi illisible, tant dans sa vision et son orientation que dans la prise en compte des grands principes sur lesquels repose une république moderne. Pour les besoins de la cause, l’esprit de Mars 1991 à peine n’est désacralisé et se voit ainsi détrôné dans le «préambule» au profit de valeurs et sacrifices plus lointains, tandis que sa charge mémorielle est ravalée à la dimension beaucoup moins symbolique de l’opportunisme anti-IBK. Sont donc passés par-là des apparentements politiques de circonstance, laborieusement entretenus en passant l’éponge sur la mémoire du Mouvement Démocratique et les avantages comparatifs des acteurs qui l’incarnent le plus.

Avec un dessin apparent de tourner la page de l’histoire en la déchirant, il n’est point étonnant que dans la description de ses motivations, la nouvelle constitution repose plus sur des détails d’épiciers (lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, langues officielles, etc.) au lieu d’être  consacré aux principes fondateurs d’une république différente quant aux besoins d’amélioration du mécanisme de séparation des pouvoirs ou de fortification des garde-fous de contre-pouvoir, entre autres. Certains de ses auteurs prétendent toutefois à l’instauration d’un régime présidentiel en lieu et place d’un semi-présidentiel en vigueur – mais n’en veulent pour argument qu’un soi-disant renforcement des pouvoirs de l’exécutif que contrarie du reste l’anarchie et le dysfonctionnement pouvant découler d’une absence totale de prise sur les mandats parlementaires. Ces derniers sont en effet incarnés par deux chambres législatives à l’abri de toute mesure de dissolution et dépourvues à leur tour du pouvoir de déposer le gouvernement réduit quant à lui à . Il résulte, comme il est loisible de l’imaginer, d’un montage organisationnel innommable avec des dysfonctionnements imprévisibles ou imprévus par les constituants. En effet, aucune disposition ne prend en compte par exemple les cas d’obstacles plausibles aux procédures législatives, ni les éventualités de disqualification numérique provoquée par une démission collective des parlementaires.

Quoique l’avant-projet puisse se prévaloir d’un effort d’harmonisation de la nouvelle loi fondamentale avec l’accord issu du processus d’Alger ainsi qu’avec certaines normes institutionnelles sous-régionales – avec notamment l’institution d’un bicaméralisme et d’une cour des comptes -, la carence prévisionnelle est également visible dans l’absence de toute mesures préventives des interruptions fréquentes et imparables de l’ordre constitutionnel demeurées sans remède, en dépit des coups d’Etat et le refuge derrière les lois d’amnistie n’ont guère inspiré à l’équipe rédactionnelles l’esquisse d’un remède. À un caractère incolore, inodore et sans saveur du texte s’ajoute ainsi le manque d’entregent à mettre le curseur sur des aspects qui heurtent les commanditaires du travail rédactionnel.

Comme on le voit, l’accessoire aura visiblement pris le dessus sur l’essentiel au nom d’une ardeur vengeresse et l’avant-projet de constitution, à moins d’un redressement d’envergure du même genre infligé à la loi électorale, risque de poser plus de jalons de la division qu’il n’aura creusé les sillons du rassemblement.

A KEÏTA

Source: Le Témoin

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