Les autorités de la transition ont décidé de façon unilatérale de reporter les élections au motif que les conditions techniques ne sont pas réunies pour des scrutins transparents et inclusifs. Face au danger qui plane à la fois sur le processus électoral et sur la démocratie, les trois grands partis que sont l’ADEMA, l’URD et le RPM sont en train de briller par leur absence ou timidité au rendez-vous du combat pour la sauvegarde de la précieuse démocratie.
A en juger par leurs communiqués qui ne sont ni tranchants ni intransigeants et qui ne jurent sur le respect du délai imparti pour la transition, on en déduirait qu’il y a soit une complicité ou des calculs politiciens. Ces partis ne donnent guère l’impression d’être débout sur les remparts pour dire vigoureusement non à cette entreprise de démolition de ce précieux acquis du 26 mars 1991 qu’est la démocratie, arrachée après plusieurs années de lutte contre la dictature militaire et au prix d’énormes sacrifices. Ces partis du Mouvement démocratique vont-ils réellement louper l’historique rendez-vous de l’honneur et du combat pour préserver la démocratie menacée dans son fondement ? Les héritiers des partis d’Alpha Oumar Konaré, d’Ibrahim Boubacar Keita et de Soumaïla Cissé sont-ils conscients du rôle de guide, qui est le leur, qu’ils doivent jouer pour la préservation
et la sauvegarde de la démocratie ?
Créé par des hommes et des femmes qui ont cru en les valeurs démocratiques, l’ADEMA a porté pendant longtemps la casquette de vitrine de la démocratie, pour avoir été le premier parti à accéder au pouvoir après l’avènement de la démocratie multi partisane. Et comme tout grand parti en croissance et au fil du temps et de l’histoire, ce parti a donné naissance à plusieurs autres et ces nouveaux partis n’ont pas véritablement rompu avec les idéaux qui ont sou tendu à la création du parti Africain pour la Solidarité et la Justice. Parmi ces partis qui sont issus de l’ADEMA l’on pourra citer le MIRIA, l’URD, le RPM, l’APR, l’ASMA-CFP, pour ne citer que ces quelques partis sortis des entrailles du parti de l’abeille et tous sont censés défendre ce précieux héritage légué par leurs prédécesseurs. Les cadets ne sont-ils pas en train de trahir les aînés en étant absents au rendez-vous du combat pour la sauvegarde de la
démocratie.
Si nul ne pourrait contester à l’ADEMA la paternité de la démocratie, en tout cas sous sa forme actuelle, le parti d’Alpha Oumar Konaré ne semble pas totalement prêt à se vêtir du manteau impérial de la démocratie en jouant le rôle de leadership qui lui sied aujourd’hui. Avec lui l’URD et le RPM semblent également trainer les pieds au lieu de se diriger à pas de géant vers la place des martyrs pour leur souffler à l’oreille que leur combat pour la démocratie et l’ultime sacrifice qu’ils ont consenti pour son avènement ne seront pas vains, ils adoptent une posture à la fois complaisante et indifférente. L’histoire retiendra que les trois grands partis ont été absents ou semblent adopter une posture complaisante vis-à-vis des auteurs du coup d’Etat dans leur machiavélique projet de destruction de la démocratie.
En effet, les autorités de la transition après avoir confisqué la lutte héroïque du peuple et après s’être engagées dans le chantier de démolition de la démocratie, veulent s’éterniser au pouvoir, c’est pourquoi elles ont reporté sine die et de façon unilatérale les élections censées mettre fin à la transition et signer le retour à l’ordre constitutionnel. Ce report sans aucune concertation des forces vives de la nation ne semble pas passer au sein d’une certaine classe politique et des mouvements associatifs.
C’est pourquoi conscients du danger qui guette notre démocratie, certains partis politiques et associations ont dit non à la confiscation de la démocratie et exigent le respect du délai imparti pour la fin de la transition. Les figures de proue de cette nouvelle dynamique sont entre autres la CMAS, l’Appel du 20 février, la LCD, la CODEM, l’ASMA CFP, le PARENA. Ces partis et mouvements demandent sans ambages le respect du délai imparti pour la fin de la transition, dans le cas échéant ils proposent une transition civile qui n’aura comme priorité l’organisation des élections crédibles et transparentes pour sortir de cette situation exceptionnelle. Désormais c’est à la guerre comme à la guerre entre les putschistes d’une part et les démocrates d’autre part. Et « honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle »
En somme, le bateau de la démocratie a, certes tangué, semble même prendre de l’eau, mais ne chavirera jamais tant qu’il y aura des hommes et femmes qui croient encore en ses vertus pour gouverner le pays, car jusqu’à preuve de contraire elle reste la seule alternative crédible.
Youssouf Sissoko
L’Alternance