A la suite de Paris, Washington est sorti de son silence pour affirmer que l’interruption du processus de transition au Mali par les militaires de Kati est inadmissible. Dans un communiqué rendu public le 26 mai, au lendemain du coup d’Etat contre le président de la transition, les Américains ont fermement condamné l’acte d’AssimiGoïta. Et très vite, le problème s’internationalise avec des déclarations contradictoires des soutiens de la junte qui ont choisi d’inviter la guerre froide sur le sol malien, faisant croire qu’il s’agit d’un bras de fer entre l’Occident et la Russie.
Il faut reconnaître que le coup de tête de la bande d’Assimi Goïta plonge le Mali dans une situation difficile, avec le risque d’une instabilité grande dans la capitale et ses environnants. En attendant, l’administration Biden a choisi de suspendre immédiatement «l’assistance à la sécurité qui profite aux forces maliennes de sécurité et de défense que nous avions poursuivies auparavant conformément aux autorités disponibles ».
Dans le but de dissuader les fauteurs de trouble, les États-Unis examinent également des mesures ciblées contre les dirigeants politiques et militaires qui entravent la transition du Mali vers la gouvernance démocratique dirigée par des civils. Ainsi, Washington emboîte le pas à la France qui a été le premier pays de l’Union européenne à évoquer des sanctions ciblées contre les auteurs du coup et leurs complices.
Ce qui est déplorable, c’est que les militaires aggravent leur cas en misant sur une communication faisant croire que les ministres écartés par Bah N’Daw et Moctar Ouane sont des pro-russes. Si cette communication ne vient pas de Kati, Assimi et ses camarades se doivent d’éclaircir rapidement les choses. En voulant ressusciter le bicéphalisme Est-Ouest, du temps de la guerre froide, les militaires ou leurs soutiens se tirent une balle dans le pied.
Il est vrai que la Russie est bien opposée aux Occidentaux sur bien de points. Et la Russie pourrait opposer un veto au Conseil de sécurité de l’ONU au sujet de toute résolution visant les militaires. Mais rien n’est gagné d’avance, car Poutine ne verrait pas d’un bon œil que cela serve d’exemple chez lui. Par ailleurs, on voit que cette histoire de pro-russes évincés par Bah N’Daw n’a aucun fondement.
Si c’était aussi sérieux que cela, pourquoi avoir attendu tout ce temps ? C’est seulement avec le changement de gouvernement que les deux ministres laissés sur la touche, les colonels Sadio Camara et Modibo Koné, sont devenus des défenseurs acharnés de la Russie ? Il y a un vide dans cette façon de vouloir mobiliser le peuple pour soutenir AssimiGoïta et sa bande.
En attendant, le plus difficile pour la junte sera d’échapper aux sanctions qui ne vont se limiter à des interdictions de voyages et du gel de leurs avoirs. Par ailleurs, le Mali est suffisamment infiltré par des agents de forces spéciales en contact avec plusieurs protagonistes de la crise. Or, il est clair que l’armée malienne n’a pas la capacité de combattre les autres forces. Tout est possible au Mali aujourd’hui, et l’intégrité du pays est plus que jamais menacée. Certains observateurs posent la question de savoir si Kati a les épaules suffisamment larges.
Oumar KONATE
Source: La Preuve- Mali