Les hommes politiques sont dans de beaux draps. Ils sont reconnus coupables d’avoir conduit le pays à l’abîme. Est-ce un mythe ou une réalité irrévocable ?
La culpabilité s’est tellement bien installée dans la conscience collective qu’on en a fait une vérité biblique. Elle est sans ambiguïté, claire comme du cristal. Mais tentons un instant de laisser les diatribes de côté afin de laisser émerger une analyse soignée, dépassionnée et argumentée.
Est-il possible de ne pas dire qu’il n’y pas de fumée sans feu ? Est-il envisageable un seul instant de préciser que l’homme politique malien dans sa généralité a brillé par la vertu et l’exemplarité ? Non certes, ils ont leur grande part de responsabilité, et si le pays a mordu la poussière de la plus exécrable des manières, ils ne peuvent qu’être appelés au banc des accusés.
Cependant, le rationnel nous conduit à sortir des sentiers battus et des commodités de langage. Le rationnel est ce qui s’oppose à l’émotionnel et au passionnel. Il astreint l’homme doué de conscience à pousser le raisonnement aussi loin que les projections de sa pensée le lui permettent. Douter et analyser, analyser et démystifier, démystifier pour conclure, conclure pour aboutir à une nouvelle lecture. Telle est la règle du doute cartésien.
Dans la déliquescence terrifiante de l’Etat, si le nom des politiques est habilement sur toutes les lèvres, doivent-ils porter à eux seuls ce lourd fardeau ? Dans un pays où le vote a toujours été une affaire de familles, de connaissances ou d’argent, l’argument semble très excessif si l’on fait preuve de sincérité. Par l’extraordinaire, certains diront que ce sont les hommes politiques qui ont corrompu la société mais par l’ordinaire, d’autres diront qu’elles pouvaient rejeter l’offre et opter pour le choix de la vertu. Si les mauvais hommes politiques ont mis le pays à genoux, c’est parce que les bons politiciens ne dépassaient que rarement la barre des 1% aux élections. Le programme ne comptait point, la vertu n’était jamais la règle, seul comptait le pouvoir de l’argent. En résumé, là où le corrupteur a pu être blâmé, l’absolution ne pourra pas être accordée au corrompu. Cela semble logique, mieux elle relève d’une sincérité intellectuelle.
Le mythe va encore mieux se noyer face à la vague irrésistible et clairvoyante de l’histoire. L’histoire, mais quelle histoire ? La vraie, l’authentique, celle qui ouvre les yeux de l’aveugle et sonore les oreilles du sourd. Celle qui est si riche en enseignement et qu’on ne peut pas révoquer. Cette histoire, c’est celle aussi du militaire. C’est un règne de 23 ans qui n’a pas su assurer la continuité des grands chantiers du président bâtisseur feu Modibo Keita. C’est celui également de 10 ans de pouvoir d’un autre ancien militaire avec ses grandes réalisations mais aussi ses grands échecs sur la corruption, le délitement de l’armée, de l’autorité de l’Etat et la destruction des Ressources Humaines que nous savons tous. C’est également cette courte période mais désastreuse d’un général propulsé 4 étoiles, avec son retrait stratégique qui nous a coûté la perte de nos 3 grandes régions du nord sans faire preuve d’euphémisme sur les conséquences de la chute de la Libye et du colonel Kadhafi.
Cette histoire si triste et si riche, c’est également celle de la société civile et des technocrates. L’histoire c’est aussi ce bilan édifiant :
⁃ Deux (Abdoulaye Sekou Sow et Modibo KEITA) des 5 premiers ministres sous le mandat du président Konaré étaient des technocrates.
⁃ Aucun des premiers ministres (Ag Hamani, Ousmane Issoufi Maiga, Modibo SIDIBE, Mariam Kaidama) sous le mandat du président ATT n’était issu d’un parti politique.
– Le Premier Ministre du président Dioncounda TRAORÉ était Diango SISSOKO qui n’a jamais milité pour un parti politique
⁃ Trois (Oumar Tatam LY, Modibo KEITA et Boubou CISSÉ) des six premiers ministres du président Kéita n’étaient pas aussi politiques.
Que chacun se fasse son opinion sur l’analyse de la succession de ces illustres hommes à la tête de la primature. Mais si l’on veut rebâtir un Mali nouveau, il est important de ne pas tomber dans l’argumentation facile et que sur le banc des accusés, chacun puisse être appelé pour assumer ses propres responsabilités car l’échec, s’il y en a, n’a pas à être quantifié. Il est général, collectif et non sélectif.
Pour finir, méditons sur ce vieux proverbe sage de nos contrées africaines : «si tu regardes une image très laide, vérifies que ce ne soit pas ton reflet».
Un homme qui a le courage de reconnaître ses erreurs et ses fautes est un grand homme. Ayons ce courage de démystifier le débat trop passionné en ces temps et de nous donner main sans nous accabler inutilement en laissant de côté ces jugements de valeurs inconsistants sur le patriotisme des uns et des autres car ce pays a besoin de tout le monde pour le réhabiliter et lui donner autant de valeur et de prestige que nos ascendants l’avaient fait.
Pour un Mali nouveau et un Mali prospère !
Vive la république !
Une contribution de Hamidou Doumbia
Le Challenger