Dans cette pétition, des enseignants-chercheurs critiquent la création du Centre de l’imam Mahmoud Dicko pour la Paix et le Vivre ensemble dans le Sahel (CICM). Ils invitent les Maliens et l’ensemble de la Communauté internationale à manifester ouvertement leur opposition ferme à l’existence de ce centre qui, estiment-ils, ne partage pas les valeurs morales et éthiques de la communauté scientifique à savoir : la neutralité, l’égalité entre tous les êtres humains. Ils accusent l’imam de vouloir utiliser le couvert de la science et la recherche scientifique pour asseoir des fins inavouées d’un islam intolérant et rigoriste; qui trouverait sa légitimité dans ce centre de recherche.
Chers concitoyens, chers contemporains, l’heure est très grave. Nos valeurs sociétales d’amour, de tolérance, de laïcité et de démocratie sont plus que jamais menacées.
Chers enseignants-chercheurs, chercheurs, scientifiques et enseignants, les valeurs morales et éthiques sur lesquelles sont fondées notre profession de foi est plus que jamais menacées de manipulation.
Rappelez-vous, chers collègues, que nous nous sommes engagés à rendre service à l’Humanité en utilisant le savoir scientifique comme levier du développement sociopolitique, économique et culturel dans un monde de paix, de justice et de tolérance.
C’est avec stupéfaction que nous avons appris la création d’un Centre de recherche intitulé Centre de l’imam Mahmoud Dicko pour la Paix et le Vivre ensemble dans le Sahel (CICM). Nous sommes au regret de constater que les autorités maliennes qui ont toujours montré du laxisme envers la personne de Monsieur Mahmoud Dicko ont autorisé la création dudit centre qui est fonctionnel depuis le 1er avril 2021.
Nous avons pris connaissance de la note conceptuelle dudit centre et le contenu de ce document soulève plusieurs questions sur la vraie nature du CICM et les objectifs qu’il s’est fixés. Ainsi, c’est en notre qualité de citoyens maliens, africains et du monde que nous avons décidé de prendre position par rapport à la création du centre susmentionné.
De surcroît, c’est en qualité d’enseignants-chercheurs, chercheurs, enseignants et citoyens épris de paix et de justice sociales que nous attirons l’attention de toutes les personnes soucieuses de l’avenir du Mali et du Sahel; toutes les personnes éprises des valeurs de tolérance, de laïcité, de liberté des cultes et de démocratie qui ont toujours fait la fierté de notre pays et de la sous-région sahélienne; sur la création du Centre de l’Imam Mahmoud Dicko pour la Paix et le Vivre ensemble dans le Sahel (CICM).
Il est à noter que l’Imam Dicko n’a pas ouvertement et fermement condamné les différentes attaques djihadistes dont notre pays et ceux du Sahel sont victimes de manières récurrentes depuis 2012. En plus, il est de notoriété publique que l’Imam Dicko qualifie de mécréants (cafres) tous ceux qui ne partagent pas la même conviction religieuse que lui. Voici des signes qui ne trompent pas sur les dispositions intérieures de l’homme et les raisons de notre inquiétude sur le bien-fondé des objectifs dudit centre dénommé « Centre pour la Paix et le Vivre ensemble dans le Sahel ».
En outre, sachant que Mahmoud Dicko a toujours agi en tant qu’imam bénéficiant du statut d’homme de cultes dans la société malienne, il n’a jamais participé de près ou de loin à une entreprise de recherche scientifique. Par conséquent, il ne peut, en aucun cas, répondre de l’autorité morale et éthique de la science et de la recherche dont il s’est fait sienne en créant ce centre. La création de ce centre démontre la volonté manifeste de l’Imam Dicko de s’auto-adjuger des qualifications qu’aucune institution d’enseignement supérieur ne lui a attribuées.
De plus, nous estimons qu’une des conditions fondamentales permettant la création d’un centre de recherche n’est pas remplie ; c’est-à-dire, le mandat des peuples malien et sahélien au nom desquels l’Imam Dicko prétend agir.
Par conséquent, nous, enseignants-chercheurs, chercheurs, scientifiques et enseignants du Mali, du Sahel et du monde entier, sommes interpellés face à cette situation et attirons l’attention des autorités nationale et internationale sur le danger que représente ce centre pour notre pays et la sous-région en ce qu’il se prête bien à l’incubation d’idées extrémistes sous le couvert de la science.
Prenant acte :
1) du contenu de la note conceptuelle du CICM et considérant l’idéologie fanatique et intolérante du wahhabisme dont Monsieur Dicko est le premier représentant au Mali, et considérant la situation actuelle des pays du Sahel qui se battent pour leur survie dans la lutte anti-terroriste, nous tirons la sonnette d’alarme contre toute manipulation idéologique, religieuse, fanatique et intolérante de la recherche et de la science ;
2) du danger de la manipulation de la recherche et de la science pour imposer un islam intolérant et rigoriste à notre pays et au Sahel est plus qu’imminent.
Nous nous y opposons fermement et condamnons, avec la dernière rigueur, tout usage déguisé de la science et de la recherche pour manipuler les populations du Mali et du Sahel.
Chers collègues, concitoyens et contemporains épris de paix sociale, de justice et de laïcité, l’heure est à l’action concertée et collective pour arrêter toute chose qui risquerait de compromettre l’équilibre fragile de la Nation malienne ; qui a été fondée sur un islam tolérant depuis le VIe siècle ; en témoigne le célèbre pèlerinage à la Mecque au XIVe siècle du souverain Kankou Moussa Kéita ; la présence de plusieurs érudits dont Ibn Batouta, Ahmed Baba, pour ne citer que ceux-là.
Chers collègues, concitoyens et contemporains épris de paix sociale, de justice et de laïcité, nous vous invitons par la présente à manifester ouvertement notre opposition ferme à l’existence d’un centre de recherche qui ne partage pas les valeurs morales et éthiques de la communauté scientifique à savoir : la neutralité, l’égalité entre tous les êtres humains; et disons « NON » à tout prétexte utilisant le couvert de la science et la recherche scientifique pour asseoir des fins inavouées d’un islam intolérant et rigoriste; qui trouverait sa légitimité dans ce centre de recherche. Avec l’existence du Centre Ahmed Baba de Tombouctou, centre dédié à la recherche et la valorisation des acquis de l’Islam au Mali et dans le Sahel ; le Haut Conseil Islamique du Mali ; ces deux institutions dotées d’un centre de documentation et de recherche sur l’islam ; l’existence d’un Centre de l’imam Mahmoud Dicko pour la Paix et le Vivre ensemble dans le Sahel se justifie-t-il ?
Accepter la présence de cette institution dans la communauté scientifique ferait de nous tous, chers collègues, concitoyens et contemporains, des complices de la manipulation de l’appellation « science et recherche scientifique » pour des objectifs idéologiques, voire intolérants de notre profession de foi et notre conviction profonde, en tant qu’hommes et femmes de sciences, à rendre service à l’Humanité tout entière par le développement et le partage du savoir, du savoir-faire et du savoir-être en dehors de toute considération religieuse.
Par la présente, nous demandons à toutes les institutions œuvrant, de près ou de loin, dans la recherche scientifique au Mali, en Afrique et dans le monde entier, de prendre très au sérieux le danger de la manipulation de la science que pourrait représenter les activités du Centre de l’imam Mahmoud Dicko pour la Paix et le Vivre ensemble dans le Sahel (CICM). Nous vous exhortons de porter une attention particulière à tout projet de collaboration avec le CICM ; centre de recherche dont les ambitions et les objectifs demeurent, à ce jour, autant obscurs que douteux.
Chers collègues, concitoyens et contemporains, si nous ne voulons pas être complices de la manipulation de la recherche et de la science par le CICM, disons, collectivement, « NON » au CICM en signant cette pétition :
- « NON » à la manipulation de la recherche et de la science par le CICM ;
- « NON » à l’intolérance religieuse et extrémiste motivant la création du CICM ;
- « NON » au djihadisme extrémiste au Mali et dans le Sahel ;
- « OUI » à la laïcité et la tolérance au Mali et dans le Sahel ;
- « OUI » à la paix sociale, à la justice et à l’égalité entre tous les êtres humains au Mali, dans le Sahel et dans le monde entier.
Chers collègues, concitoyens et contemporains épris de paix sociale, de justice et de laïcité, Napoléon dit : « Le monde souffre beaucoup. Pas à cause de la violence des méchants. Mais à cause du silence des braves gens. »
Que notre silence ne soit donc pas un blanc-seing pour conduire notre pays et ceux du Sahel vers un avenir incertain qui verra, la paix et la justice sociales, l’équité et la laïcité, balayer d’un revers de la main, ces valeurs fondamentales de la République.
Fait à Bamako, le 3/7/2021
Initiateurs : Dr. Djouroukoro Diallo, Dr. Jacqueline Konaté, Dr. Ibrahim Haïdara, Mme Fatoumata Bintou Kéïta