L’histoire retient que dans notre pays, le secrétariat général de la présidence de la République a été créé par décret présidentiel du 6 février 1968 qui pourvoit à son titulaire les considérations de “rang et prérogatives de ministre”. Le même jour de sa création, le président Modibo Kéita a nommé son plus proche collaborateur, Bakara Diallo (directeur de cabinet d’alors), à ce nouveau poste. 52 ans après, ces attributions spécifiques du ministre/SGPR existent toujours avec, certes, un renforcement par doses homéopathiques.
Lesquelles attributions concourent à l’atteinte de l’objectif majeur de l’accomplissement par le ministre/Ségal d’une importante triple mission au sommet de l’Etat. Ces missions sont fondamentalement d’ordre institutionnel, politique et administratif. Ces missions font du ministre/secrétaire général un pilier incontournable de l’institution présidentielle. Au fil des cinq décennies écoulées, l’influence de ce ministre atypique a ainsi évolué crescendo en fonction du parcours et de la personnalité des titulaires, leurs relations particulières avec les chefs d’Etat ainsi que du contexte sociopolitique du pays. D’hier à aujourd’hui, le ministre/SGPR est le principal assistant du chef de l’Etat qui préside les sessions des conseils ministres. Chef de l’administration présidentielle, le ministre/secrétaire général est le plus proche collaborateur du président de la République, la première de nos institutions d’Etat et clé de voûte de toutes les autres. Au four et au moulin des rouages de cette haute administration publique, il est très présent aux côtés du chef de l’Etat dans les coulisses du pouvoir suprême du pays, il occupe un poste hautement stratégique au triple plan institutionnel, politique et administratif. Au quotidien et se trouvant dans les dédales du sommet de l’Etat, le ministre/secrétaire général de la présidence de la République est le chef d’orchestre de l’animation des activités présidentielles. Dans sa posture privilégiée, il a l’obligation de s’intéresser quasiment à tous les aspects de la gestion des affaires publiques en sachant à la fois maîtriser les “dossiers” et connaître les réalités du terrain. Commis de l’Etat (fonctionnaire ou non), il lui incombe les responsabilités du suivi permanent de la mise en œuvre des visions et ambitions de celui qui incarne, à travers un concentré de pouvoirs constitués : le président de la République, le chef de l’Etat, le chef suprême des armées, le premier magistrat du pays et tant d’autres prérogatives régaliennes qui font de lui le “Père de la Nation” dont il est le garant de l’unité et de la cohésion. Pour mener à bien ses tâches, le locataire du Palais de Koulouba dispose d’un arsenal juridique consacré, de nombreux moyens et matériels subséquents et surtout de ressources humaines placées sous la gestion du secrétaire général qui a “rang et prérogatives” de ministre de la République. De février 1968 à nos jours, soit 52 années d’existence du secrétariat général de la présidence de la République, le Palais de Koulouba en a connus quinze (15) titulaires, parmi lesquels, quatre (4) sont arrivés à se hisser à la tête des équipes ministérielles : si Modibo Kéïta (mars 2002), Modibo Sidibé (septembre 2007) et Soumeylou Boubèye Maïga (décembre 2017) ont été directement propulsés de Koulouba à la Primature, par contre, Diango Cissoko a dû manager l’administration présidentielle, deux fois à intervalles éloignés (1988-1991 puis 2008-2011) avant de se hisser au plus haut étage de la Cité administrative (2012-2013). On peut signaler qu’à la triple exception notable de Bakara Diallo (le tout premier dans la fonction du Mali), de Mahamadou Magassouba et de Toumani Djimé Diallo, les douze (12) autres SGPR ont été – avant ou après leurs services à Koulouba – des ministres sectoriels à part entière. Outre ceux déjà cités, il faut y ajouter les cas de Sékou Sangaré, Mohamed Alhousseyni Touré, Ahmed El Madani Diallo, Boubacar Gaoussou Diarra, Baba Berthé, Ousmane Sy, Moustapha Ben Barka et Kamissa Camara, la benjamine de ce select groupe de hauts cadres devenus chefs d’orchestre multi-instrumentistes de l’animation du fonctionnel présidentiel. D’aucuns les qualifient même de discrets “managers au quotidien” de l’action présidentielle. En termes de profils professionnels, ils viennent des corps professionnels suivants : administrateur civil (3), magistrats (2), professeur de l’enseignement supérieur (2), inspecteur général de police (1), inspecteur des services économiques (1), ingénieur du génie civil et des mines (1), ingénieur en informatique (1), ingénieur agroéconomiste (1), ingénieur agronome (1), journaliste (1) et banquier (1). En termes de durée dans la fonction, le record de longévité est détenu par Diango Cissoko avec six (6) ans et 5 mois d’exercice en deux passages (février 1988-mars 1991 puis janvier 2008-mai 2011). Il est suivi de Modibo Sidibé avec cinq (5) ans et 3 mois (juin 2002-septembre 2007) et de Mohamed Alhousseyni Touré avec quatre (4) ans et 11 mois en deux passages aussi (janvier 1983-août 1987 puis octobre 2014-août 2016). Dans le sens inverse, le trio de passage éphémère est constitué de Mahamadou Magassouba (3 mois allant de mars à juin 2002), de Sékou Sangaré (5 mois, entre fin janvier et fin juin 1984) et de Bakara Diallo (9 mois s’étalant de février à novembre 1968).Depuis le 11 juin 2020, c’est l’ancien ministre de l’Economie numérique et de la Prospective, Kamissa Camara qui occupe le poste de secrétaire générale de la présidence de la République avec rang de ministre. C’est la toute première fois qu’une femme occupe ce poste stratégique. Elle a été aussi la première femme conseillère diplomatique auprès du président de la République. Sur tous ces aspects liant l’exercice ministériel qui s’impose à la vie publique, le présent dossier de “votre hebdo préféré” retrace les parcours riches et variés de 16 ministres/secrétaires généraux que le Mali a connus.
Dossier réalisé par la Rédaction
Panorama sur les missions actuelles du Ministre-Segal
L’érection du secrétariat général de la présidence de la République, le 6 février 1968, est intervenue dans un contexte très particulier. Doublement. Au plan sociopolitique, le régime baignait dans la “Révolution active” avec son quotidien de culte de personnalité présidentielle sur fond de purge concomitamment menée au sein de l’US-RDA (Parti unique) et de l’appareil d’Etat. Et surtout d’exactions d’une milice populaire impitoyable. Parallèlement, dans le domaine économique et financier, le Mali faisait face à de graves tensions de trésorerie au point que les autorités nationales ont été obligées de conclure avec la France des “Accords monétaires” de février puis de décembre 1967.
Les attributions du secrétariat général de la présidence de la République sont consignées dans son texte fondateur : le décret n°31/PG-RM du 6 février 1968. Ainsi, les articles 1er et 2 dudit décret disposent : “Il est créé un secrétariat général de la présidence de la République chargé d’assurer la coordination des différents services rattachés directement à la présidence de la République. [Il] est dirigé par un haut fonctionnaire nommé par décret pris en conseil des ministres qui prend le nom de secrétaire général de la présidence de la République et a rang et prérogatives de ministre”. L’article 3 indique que “sur le plan général de l’activité du gouvernement, le secrétaire général de la présidence de la République est chargé de suivre : 1°) l’application de tous les actes législatifs et réglementaires (lois, ordonnances, décrets, arrêtés, procès-verbaux de réunion) et de toutes les instructions générales et particulières données par circulaires et toutes autres voies ; 2°) l’exécution de tous les accords, contrats et conventions passés avec le gouvernement de la République du Mali […]”. Ces missions ont notablement varié au fil des ans et des régimes politiques.
De ce fait, de février 1968 à nos jours, les missions ont été fréquemment modifiées dans plusieurs textes adoptés selon les évolutions institutionnelles imposées par le contexte sociopolitique vécu par le Mali au fil des 50 années écoulées. Actuellement, les missions du ministre/secrétaire général sont déterminées par les dispositions du décret n°2016-0863/P-RM du 8 novembre 2016 fixant l’organisation de la présidence de la République. En voici des extraits :
“Article 6 : Le secrétariat général de la présidence de la République a pour mission : d’assister le président de la République dans la formulation des choix stratégiques de la politique de la nation et le suivi de sa mise en œuvre ; de suivre l’activité gouvernementale pour le compte du président de la République ; de préparer les décisions du président de la République par la mise à sa disposition d’une information régulière et complète sur l’action du gouvernement, sur la marche de l’administration et sur la situation du pays ; de vérifier la régularité des actes soumis à la signature du président de la République ; d’assurer la préparation des correspondances du président de la République destinées aux institutions de la République, aux administrations et aux autorités étrangères ; de veiller à l’application des décisions du président de la République ; de gérer les relations du président de la République avec les autres institutions constitutionnelles, le Médiateur de la République et le Vérificateur général ; d’assurer la gestion administrative et financière des services de la présidence de la République.
Article 7 : Le secrétariat général de la présidence est dirigé par un secrétaire général nommé par un décret du président de la République. Il a rang de ministre et est placé sous l’autorité du président de la République.
Article 8 : Le secrétaire général assiste aux conseils des ministres, aux réunions interministérielles et aux conseils restreints présidés par le président de la République. Il signe les correspondances relatives aux matières pour lesquelles il a reçu délégation du président de la République.
Articles 9 et 10 : Le secrétaire général est assisté d’un adjoint qui le remplace en cas d’absence ou d’empêchement. Il est également assisté de conseillers techniques et de chargés de mission nommés par un décret du président de la République [qui] relèvent de l’autorité du secrétaire général de la présidence de la République.
Article 11 : Les conseillers techniques sont chargés de l’étude et du suivi des dossiers. Les chargés de mission assistent les conseillers techniques dans l’exécution de leurs attributions […]
Article 19 : Sont rattachés au secrétariat général de la présidence de la République et placés sous la supervision du secrétaire général : la direction administrative et financière ; le secrétariat du Conseil supérieur de la magistrature ; la Cellule d’appui aux structures de contrôle de l’administration (Casca) ; la Commission nationale des cultures africaines et de la Francophonie ; le Commissariat à la sécurité alimentaire et le secrétariat exécutif du Haut conseil national de lutAte contre le VIH/Sida […]”
Liste des 15 ministres-secrétaires généraux de la Présidence de la République (1968- 2020)
- Bakara Diallo (du 6 février au 19 novembre 1968).
- Sékou Sangaré (du 31 janvier au 24 juin 1983).
- Mohamed Alhousseyni Touré (24 juin 1983-15 février 1988) puis du 16 octobre 2014 au 30 août 2016.
- Diango Cissoko (15 février 1988-26 mars1991) puis du 26 janvier 2008 au 16 mai 2011.
- Soumaïla Cissé (24 juillet 1992-7 novembre 1993)
- Ahmed El Madani Diallo (7 novembre 1993-26 septembre 1997))
- Boubacar Gaoussou Diarra (26 septembre 1997-12 août 1999)
- Modibo Kéita (12 août 1999-20 mars 2002).
- Mahamadou Magassouba (20 mars-9 juin 2002).
- Modibo Sidibé (9 juin 2002-28 septembre 2007).
(Bis) Diango Cissoko, déjà cité n°4 : (26 janvier 2008 au 16 mai 2011).
- Baba Berthé (16 mai 2011-15 décembre 2012)
- Ousmane Sy (21 décembre 2012-9 septembre 2013)
- Toumani Djimé Diallo (9 septembre 2013-16 octobre 2014)
(Bis) : Mohamed Alhousseyni Touré (16 octobre 2014-30 août 2016). Déjà cité n°3 :
- SBM Soumeylou Boubèye Maïga, (30 août 2016-30 décembre 2017).
- Moustapha Ben Barka : (30 décembre 2017-février 2020).
- Kamissa Camara : Depuis le 11 juin 2020
Parcours des 16 ministres/Ségal de la présidence (Ils sont présentés selon l’ordre chronologique de leur nomination à Koulouba)
1- Bakara Diallo, ministre/SGPR, du 6 février au 19 novembre 1968
Né le 3 décembre 1923 à Kayes, Bakara Diallo est décédé le 16 mai 2008 à Bamako. Cet administrateur civil de classe exceptionnelle jouissait d’une retraite qu’il avait voulue “paisible” après avoir été parmi les premiers cadres influents du commandement territorial du pays. Pendant la période coloniale, il fut successivement commis d’administration, secrétaire d’administration et commandant du cercle de Gao (1959-1961).
A la différence notable de plusieurs hauts cadres de la 1re République, cet homme de confiance du président Modibo Kéita a préféré se retirer de la vie publique au début des années 1980, lorsqu’il fut admis à faire valoir ses droits à la retraite. Une décennie auparavant, avec sa modestie légendaire, il s’était mis dans la même posture avant la chute du président Modibo Kéïta dont il était le plus proche collaborateur au quotidien (1966-1968).
A l’irruption des militaires sur la scène politique malienne, le 19 novembre 1968, le 1er (historiquement) et seul ministre/secrétaire général de la présidence avait délaissé toutes activités politiques, voire partisanes, dans la clandestinité. En grand commis de l’Etat, il poursuit ses tâches administratives en devenant notamment, entre 1977 et 1978, le directeur de cabinet du ministre de Tutelle des sociétés et entreprises d’Etat, Sékou Sangaré, qui fut jadis conseiller technique et l’un de ses fidèles collaborateurs dans le cabinet présidentiel. Ce fut son dernier poste occupé dans l’administration de son pays qu’il a servi pendant plus de trois décennies.
Avant de s’illustrer dans les rouages administratifs, Bakara Diallo avait marqué l’attention des premiers dirigeants politiques soudanais. Militant intrépide de l’émancipation africaine dès son adolescence, Bakara Diallo s’est retrouvé dans le sillage du très célèbre instituteur, écrivain et homme politique Fily Dabo Sissoko du Parti progressiste soudanais (PSP). Ils sont tous originaires du même terroir de Bafoulabé.
A la création du Mouvement RDA en octobre 1946 à Bamako, les principaux partis locaux fusionnent pour former l’Union soudanaise/RDA.
Au prix des malentendus, Bakara Diallo et d’autres jeunes camarades du PSP (notamment Nouhoum Cissé et Hamaciré N’Douré), après moult tractations, maintiennent leur adhésion à ce parti qui va conduire le Soudan à l’indépendance en 1960. La quinzaine d’années qui va précéder ce tournant historique du pays, la jeunesse militante engagée était représentée dans les activités de l’US-RDA par des cadres dévoués tel Bakara Diallo. Ce dernier, parallèlement à ses tâches d’administrateur soudanais de la coloniale, se fera encore particulièrement remarquer entre 1946-1948, par le futur leader du Mali indépendant, Modibo Kéita, alors instituteur à Sikasso où il prit une part très active dans l’installation du RDA face à son rival PSP.C’est fort de l’engagement inconditionnel du jeune Diallo auquel il ne cessait de renouveler sa confiance que celui-là sera nommé en 1961 gouverneur de la région de Gao dont le ressort territorial de l’époque englobait les localités des actuelles régions administratives de Tombouctou, de Gao, de Kidal, de Ménaka et de Taoudéni. Mais, la ville de Gao d’alors constituait un enjeu géostratégique particulièrement pour l’Algérie sous joug colonial français. Les combattants indépendantistes du FLN, sous le commandement d’un certain Abdel Karim Mali (pour ne pas nommer l’ancien président Abdel Aziz Bouteflika), se positionnaient dans la Cité des Askia et y possédaient leur principale base de repli. Ils y recevaient couramment des soins médicaux apportés par le Dr. Mamadou Gologo, toujours dépêché par le président Modibo Kéïta. Sous les directives de celui-ci et grâce à l’entregent du gouverneur Bakara Diallo, Gao est ainsi devenue la ville d’adoption de Bouteflika qui y garde jusqu’à nos jours une résidence privée.
Le gouverneur Bakara Diallo reste à ce poste jusqu’en 1966 pour rejoindre Bamako et répondre à l’appel du parti-Etat : il est ainsi promu directeur de cabinet du secrétaire général de l’US-RDA, le camarade Modibo Kéita, dans ses triples fonctions de président de la République, président du gouvernement et chef de l’Etat. A la même période, avec le déclenchement de la “Révolution active”, est mis en place un Comité national de défense de la révolution (CNDR). Dans la capitale, des démembrements locaux (CLDR) sont installés. Bakara Diallo aura en charge la présidence du CLDR de Bamako-Est (couvrant l’aire géographique d’une grande partie des actuelles communes II et III). Pour autant, le collaborateur présidentiel ne tombe dans les excès à l’instar d’autres cadres.
A la même année 1966, le directeur de cabinet présidentiel eut l’insigne honneur, lors de la toute première remise des distinctions au titre des Ordres nationaux du Mali, d’être le premier haut cadre sur la liste des récipiendaires de la médaille de chevalier de l’Ordre national du Mali.
Homme de confiance absolue du président Modibo Kéita, Bakara Diallo fut ses “oreilles” lors des moments palpitants des négociations franco-maliennes ayant abouti aux fameux Accords monétaires de 1967. A Paris, le chef de l’Etat y avait dépêché son directeur de cabinet pour suivre, presqu’incognito et loin des lieux de pourparlers. De rythme régulier, il rencontrait les membres de la délégation malienne qui le briefaient sur les tendances des débats. Et il leur indiquait les directives présidentielles. Conduite par le n°2 du régime, Jean-Marie Koné, ministre d’Etat chargé du Plan, cette délégation était notamment composée de Louis Nègre ministre des Finances, Amadou Diadié Bâ, ambassadeur du Mali en France, Sékou Sangaré, conseiller technique à la présidence de la République, Dotien Coulibaly, contrôleur d’Etat à la présidence de la République et Tiéoulé M. Konaté, gouverneur de la Banque de la République du Mali.
En guise de récompense pour la loyauté et la fidélité de son directeur de cabinet, le président Modibo Kéita (plongé dans la tourmente révolutionnaire attisé par des difficultés économiques) choisit Bakara Diallo comme le tout premier haut fonctionnaire au nouveau poste de secrétaire général de la présidence de la République avec rang et prérogatives de ministre. En plus des attributions principales définies par les dispositions des Articles 1er, 2 et 3 du décret n°31/PG-RM du 6 février 1968 portant création d’un secrétariat général de la présidence de la République, l’article 4 précise par ajout que “par délégation du président de la République et sous sa seule autorité, le secrétaire général de la présidence de la République est chargé de la coordination des Affaires économiques et financières de l’Etat”. Cet ajout de précision peut s’expliquer avec le contexte socioéconomique du début 1968 marqué par la conclusion des Accords monétaires franco-maliens. Lesquels accords impliquaient notamment une perte d’une partie de la souveraineté de notre monnaie nationale (le Franc malien) et balisaient le processus du retour du Mali à l’Umoa (émettrice du F CFA). De ce point de vue, les “Accords monétaires de 1967” suscitent des retouches ponctuelles dont l’intégration dans l’équipe gouvernementale, le 7 février 1968, de Bakara Diallo, le tout nouveau ministre/secrétaire général de la présidence de la République nommé la veille. Il est principalement “chargé de la Coordination des affaires économiques et financières” auprès du président du gouvernement, président de la République et chef de l’Etat. Il en est ainsi resté jusqu’à la date fatidique du 19 novembre 1968, choisie par des jeunes officiers putschistes pour renverser le président Modibo en mettant fin à la 1re République du Mali.
Quatre décennies après ces événements, Bakara Diallo est décédé à Bamako le 16 mai 2008. Soit 31 ans, jour pour jour, après la disparition de son camarade-président, Modibo Kéita. La symbolique est très forte pour ne pas être signalée au registre des liens exceptionnels unissant deux dirigeants politiques.
2- Sékou Sangaré, ministre/Ségal, du 31 janvier au 24 juin 1983
Né à Toukoto (cercle de Kita) en 1936, cet administrateur civil de classe exceptionnelle à la retraite est décédé à Bamako “il y a quelques années des suites d’une maladie de très longue durée”, nous indique une de nos sources orales. A la veille des années d’indépendances africaines, Sékou Sangaré fit partie de la génération de jeunes Soudanais à fréquenter les universités françaises. Avec une licence obtenue à la Faculté de droit et de sciences économiques de Paris, il rentre au bercail quelques mois après la proclamation de la République du Mali, le 22 septembre 1960. Devant constituer la pépinière de la haute administration du nouvel Etat indépendant, Sékou Sangaré est nommé conseiller technique au ministère des Finances. En 1961, il intègre le cabinet de la présidence du gouvernement à Koulouba avec la même qualité de conseiller aux affaires économiques. A ce titre, il participe aux négociations franco-maliennes sur les Accords généraux de coopération technique (1962) puis cinq années plus tard sur les Accords monétaires et la coopération financière (février et décembre 1967).
En septembre 1966, dans la fièvre de la “Révolution active”, l’Etat forme 5 commissions techniques de travail auprès du secrétariat permanent du parti. Sékou Sangaré était membre de la commission chargée des affaires économiques et financières. Malgré tout, après la chute du président Modibo Kéita, le 19 novembre 1968, son inamovible conseiller des affaires économiques, Sékou Sangaré, conserve son poste auprès des nouveaux maitres du pays : il est reconduit dans le cabinet du capitaine Yoro Diakité, éphémère président du gouvernement (chef du gouvernement) avant d’être maintenu par le lieutenant Moussa Traoré, chef des putschistes devenu finalement en septembre 1969, chef de l’Etat et du gouvernement.
Lors du remaniement gouvernemental du 3 mai 1973, Sékou Sangaré est promu ministre de Tutelle des sociétés et entreprises d’Etat. Il y reste jusqu’au changement ministériel de 8 janvier 1978 qui le verra changer de poste vers le département du Travail et de la Fonction publique, qu’il quitte quatre mois plus tard. Sékou Sangaré, entre-temps, nommé en novembre 1982 directeur de cabinet du chef de l’Etat, est promu ministre/secrétaire général, le tout premier nommé par le président Moussa Traoré.
Deux mois après, sont adoptés deux nouveaux textes (législatif et réglementaire) qui instituent un cadre juridique portant formellement création, organisation et modalités de fonctionnement des services de la présidence de la République. C’est une “réforme” qui intervient 14 années après le coup d’Etat du 19 novembre 1968 qui avait instauré au Mali une période d’exception. La “réforme de janvier 1983″ consacre donc la coexistence en rétablissant, tout en les distinguant nettement, le poste de ministre/secrétaire général (gestion institutionnelle, administrative et financière) avec celui de directeur de cabinet (relations politiques et affaires protocolaires). Ce sont : la loi n°83-002/AN-RM du 18 janvier 1983 et son décret d’application n°29/PG-RM du 27 janvier 1983. Quatre jours après, le président Moussa Traoré signe le décret n°33/PRM nommant Sékou Sangaré, ministre/secrétaire général de la présidence sous l’ère de l’UDPM, parti unique constitutionnel. Le nouveau promu quitte son poste en moins de cinq mois de fonctions, c’est-à-dire le 24 juin.
3-Mohamed Alhousseyni Touré : ministre/Ségal, du 24 juin 1983 au 29 août 1987 puis du 16 octobre 2014 au 30 août 2016
4 ans, Ingénieur du génie civil et des mines à la retraite. Lui et Diango Cissoko sont les deux ministres/Ségal du président Moussa Traoré à revenir aux affaires présidentielles après la fin du parti unique, l’UDPM. Si Diango Cissoko a dû observer près de deux décennies (mars 1991-janvier 2008) pour retrouver le fauteuil de ministre/Ségal auprès du président ATT, son prédécesseur Mohamed Alhousseyni Touré a, lui, dû attendre près de trois décennies (août 1987-octobre 2014) pour redevenir chef de l’administration présidentielle sous le magistère de l’actuelle chef de l’Etat, IBK. Pour la première fois, M. Touré, alors directeur de cabinet du ministre des Transports et des TP, s’est vu propulser au poste de ministre/Ségal, qu’il a occupé du 24 juin 1983 au 29 août 1987. Du fait du bref passage de son prédécesseur, le 2e Ségal nommé par le président Moussa Traoré a eu la charge de mettre en application les textes de janvier 1983 relatifs à la création, l’organisation et les modalités de fonctionnement des services présidentiels. En ce qui concerne principalement le secrétariat général, la mission fondamentale est déclinée dans l’article 14 du décret n°83-29 qui dispose : “En application des dispositions de l’article 3 de la loi n°83-002 […], le secrétaire général de la présidence assiste le président de la République dans l’organisation, la coordination et l’impulsion du travail gouvernemental et de l’administration, du contrôle de l’application des décisions présidentielles et gouvernementales […]”
Après un peu plus de quatre (4) années à Koulouba, Mohamed Alhousseyni Touré entre au gouvernement en remplacement de Soumana Sako qui venait de démissionner avec fracas du ministère des Finances et du Commerce. De l’Hôtel des finances, l’ingénieur Mohamed Alhousseyni Touré se retrouve à la tête du fameux ministère des 3T : Transports-Télécommunications-Tourisme qu’il dirige pendant une année (6 juin 1988-8 juin 1989).
Après cette expérience gouvernementale, le 3e ministre/Ségal du pays entre dans la diplomatie avec sa promotion comme ambassadeur du Mali aux Etats-Unis d’Amérique (1989-1992). Il retourne au pays à la faveur de la formation du 1er gouvernement du président Alpha Oumar Konaré, le 9 juin 1992. Ce jour-là, Mohamed Alhousseyni Touré (au compte du parti l’US-RDA, membre de la majorité présidentielle) est nommé ministre des Relations extérieures (en remplacement de la dénomination consacrée “Affaires étrangères” qui disparait pour la première et dernière fois de l’architecture gouvernementale au Mali). Son titulaire y passe seulement dix (10) mois à cause de la bourrasque scolaire et estudiantine qui a balayé en avril 1993 ce gouvernement inaugural du Mali démocratique. L’ancien ministre devient fonctionnaire international en se retrouvant dans les dédales de la Banque mondiale où on lui confie principalement des missions d’expertise dans les domaines des infrastructures.
Une vingtaine d’années après, Mohamed Alhousseyni Touré revient sur la scène étatique avec sa nomination au poste de directeur de Cabinet du président IBK, en mai 2014, en remplacement de Mahamadou Camara promu ministre de l’Economie numérique, de l’Information et de la Communication dans le gouvernement du Premier ministre Moussa Mara. De cette posture de N°2 de proche collaborateur présidentiel avec rang de ministre, Mohamed Alhousseyni Touré permute avec le N°1, le chef de l’administration présidentielle, le Ministre-Ségal Toumani Djimé Diallo. A travers cette promotion, le natif de Niafunké (après le passage de juin 983-août1987) occupe ainsi pour la seconde fois le poste de ministre/SGPR. Il reste aux affaires du 16 octobre 2014 au 30 août 2016.
4-Diango Cissoko, ministre/Ségal (15 février 1988-26 mars 1991) puis (26 janvier 2008-16 mai 2011)
Diango Cissoko est un administrateur civil à la retraite. Selon plusieurs connaisseurs de la haute administration malienne, c’est avec Diango Cissoko que le ministre/secrétaire général est devenu le véritable chef de l’administration présidentielle.
Des changements majeurs sont apportés par le fameux décret n°381/P-RM du 26 décembre 1988 qui inaugure la formule jusque-là en mode rédactionnel de “décret fixant l’organisation de la présidence de la République”. Son article 4 dispose, entre autres, que “le secrétariat général […] a pour missions : – de gérer les relations du président de la République avec les autres institutions de la République à l’exception du parti [unique, UDPM] ; – de préparer les décisions du président de la République par la mise à sa disposition d’une information régulière et complète sur l’action du gouvernement, sur la marche de l’administration et sur la situation du pays ; […] de coordonner les actions de réforme […]”. L’article 5 mentionne que “le secrétaire général de la présidence de la République est membre du gouvernement”. En outre, il “dirige l’ensemble des activités du secrétariat général de la présidence de la République” (A.7). C’est dans cette logique que le ministre/SGPR a pris plus de relief politique et une grande influence institutionnelle, avec notamment la nomination de Diango Cissoko lui-même au 2e rang de l’ordre de préséance protocolaire du gouvernement formé le 8 juin 1989. Il fut ainsi, pendant presque deux ans, le n°2 de cette presque dernière équipe gouvernementale de l’ère du parti unique UDPM, sous la conduite du président Moussa Traoré. Cette originalité va doubler l’expérience de Mohamed Alhousseyni Touré en signant un second passage au poste du haut cadre le plus placé auprès du chef de l’Etat.En effet, au début de son second mandat quinquennal, le président ATT fait appel à l’impressionnante expérience administrative de Diango Cissoko pour qu’il dirige, une seconde fois, le secrétariat général de la présidence de la République. Il s’y acquitte du 26 janvier 2008 au 16 mai 2011. Date à laquelle il est promu Médiateur de la République avant de devenir Premier ministre, du 11 décembre 2012 au 4 septembre 2013, sous la transition présidée par le Pr. Dioncounda Traoré. Depuis la fin de cette mission de chef de gouvernement, Diango Cissoko gère les affaires de son cabinet de consultations intervenant notamment dans les domaines pratiques administratives et institutionnelles.
5- Soumaïla Cissé : ministre/Ségal (24 juillet 1992-7 novembre 1993)
Contrairement à une idée largement répandue, l’actuel chef de file de l’opposition malienne (71 ans) n’est ni un économiste de base ni un financier pur et dur de formation initiale. Il est plutôt un ingénieur en informatique et en gestion. Malgré tout, il est considéré dans les milieux d’affaires comme l’un des “meilleurs ministres” des Finances du pays. Il a dirigé l’Hôtel des finances pendant presque six (6) années et trois (3) mois ; allant de novembre 1993 à février 2000. Devenant le second recordman dans le domaine après les 7 années et 5 mois (avril 1959-septembre 1966) du passage d’un certain Attaher Maïga (père de l’actuelle première Dame de la République). Les performances de Soumaïla Cissé ont été symboliquement saluées par le secteur privé qui a organisé en son honneur une cérémonie de remise de distinction de reconnaissance.
Après les Finances, M. Cissé est promu à la tête du mammouth ministériel de l’Equipement, de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et de l’Urbanisme (21 février 2000-7 janvier 2002). Il a dû quitter ce “super ministère” dès le lendemain de son investiture à la candidature de l’Adéma/PASJ à la présidentielle d’avril de la même année. Faisant prévaloir un certain “principe d’équidistance” entre les prétendants au fauteuil présidentiel, le président Alpha Oumar Konaré a ainsi remercié celui qu’il avait pourtant choisi comme son 1er secrétaire général de la présidence. L’ingénieur informaticien y officie du 24 juillet 1992 au mois de novembre 1993, avec son entrée dans l’équipe gouvernementale du Premier ministre Me Abdoulaye Sékou Sow. L’Etat était alors sérieusement confronté à de graves tensions de trésorerie qui ont nécessité les fameuses “37 mesures” de redressement des finances publiques édictées à quelques mois de la dévaluation du F CFA intervenue en janvier 1994. L’argentier de la République gère tant bien que mal cette secousse tellurique monétaire aux conséquences sociopolitiques multiformes.
Le ministre des Finances Soumaïla Cissé y trouve peut-être un ressort supplémentaire (en plus de son militantisme relativement passif à l’Adéma/PASJ) pour quitter progressivement la restrictive et pompeuse “technocratie” et s’engager très ouvertement dans la politique partisane dont il traitait, l’accusait-on à l’époque, certains acteurs avec “mépris et arrogance”. C’est ainsi qu’avec un certain Soumeylou Boubèye Maïga (qui est lui aussi sorti à la lumière que lui interdisait ses fonctions de chef de la Sécurité d’Etat), Soumaïla Cissé prend la tête des “Rénovateurs” ou le groupe de frondeurs (étiquetés “clan CMDT”) pour déstabiliser puis pousser, en octobre 2000, un certain IBK à la démission de la présidence du parti de l’Abeille, 7 mois après qu’il eut perdu à son corps défendant la bataille de son maintien à la Primature que lui et certains barons de l’Adéma voulaient imposer au chef de l’Etat. Mais il a suffi quelques mois pour que le groupe “victorieux” d’IBK vole en éclats avec fracas à cause du choc des ambitions personnelles dans la perspective présidentielle de 2002. Le duo Soumaïla-Soumeylou se mue en duel Cissé-Maïga dont l’épilogue du combat homérique se produit, début janvier 2002, lors de la Convention des primaires devant investir le candidat de l’Adéma aux joutes électorales de succession du président Konaré. Le “super ministre” Cissé vainc le stratège Maïga, ministre des Forces armées.
Porte-étendard officiel du parti présidentiel, Soumaïla n’aura pas la plénitude de l’unité et de la cohésion au sein de la Ruche pour mener idéalement la bataille de Koulouba 2002. Il la perd face au candidat indépendant, le général ATT qui a, ce fut un secret de polichinelle, pu bénéficier de larges soutiens du même parti Adéma. Après la douloureuse séparation d’avec ses compagnons “rénovateurs”, l’ancien argentier public en sort mortifié et ne trouve d’autres solutions que d’abandonner la Ruche pour créer, en juin 2003, avec d’autres camarades désillusionnés, l’Union pour le renouveau de la démocratie (URD). Soumaïla en est le “parrain” en raison de son statut de représentant du Mali à la Commission de l’Uémoa, siégeant à Ouagadougou.
Le relatif éloignement géographique, mais surtout les obligations diplomatiques le contraignent à porter et à supporter ce parrainage jusqu’à la fin de son mandat à la tête de ladite Commission communautaire (fin 2011).
Rentré au bercail, Soumaïla Cissé s’occupe graduellement de son parti en se repositionnant pour le scrutin présidentiel d’avril 2012. Une compétition électorale à laquelle ne devait pas participer le président sortant, ATT, que le parrain de l’URD a volontairement refusé d’affronter en 2007. Sentant son heure de destin national venir, l’enfant du célèbre instituteur Bocar Cissé va connaitre une très grosse mésaventure avec le coup d’Etat du 22 mars 2012.
Les jours suivants, les sicaires des putschistes le malmèneront, au propre comme au figuré. A coups répétés, il est traqué et violenté. Il en subira une évacuation médicale parisienne. Quelques mois plus tard, il s’aligne dans la course présidentielle de juillet-août 2013 et perd le combat électoral du second tour face au super favori, IBK. Très fair-play, en guise de félicitations anticipées, le perdant et cadet Soumaïla, et sa famille, se rendent chez le vainqueur et l’aîné Ibrahim et les siens, bien avant la proclamation des résultats. Ainsi va la République qui va faire du député élu de Niafunké, Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition en raison de son poids électoral parlementaire. Comme il croit avec fortes convictions en ses chances de réaliser son rêve présidentiel dans quelques 6 ou 7 petits mois, le chef de file de l’opposition a récemment exprimé avec dérision tout son empressement de céder son fauteuil de dénonciateur sans concessions à l’actuel locataire du palais de Koulouba.
Depuis mars 2020, Soumaïla Cissé est pris en otage.
6-Ahmed El Madani Diallo : ministre/Ségal (7 novembre 1993-26 septembre 1997)
Cette période a été marquée notamment par la mise en place effective des institutions de la République prévues dans la Constitution du 25 février 1992. Ainsi, le décret n°94-339/P-RM du 3 novembre 1994 fixant l’organisation de la présidence de la République déterminant la mission du secrétaire général dispose en son article 7 que celui-ci est chargé “de gérer les relations du président de la République avec les institutions suivantes : Assemblée nationale ; Haut conseil des collectivités territoriales ; Cour constitutionnelle ; Conseil économique, social et culturel […]”. L’exécution de ce décret est revenue au ministre/Ségal Ahmed El Madani Diallo.
Avec Soumaïla Cissé, Mamadou Diawara, Mamadou Bah, le couple Ousmane-Kadiatou Sy, entre autres, le Dr économiste Diallo appartient au groupe informel étiqueté dans les milieux politico-médiatiques de “Clan CMDT”.
Economistes ou gestionnaires d’entreprise, ces cadres ont en commun d’être passés sous les fourches caudines du regretté Dr. Boubacar Sada Sy. Celui-ci, qui fut à la fois militant de la gauche démocratique et chantre du libéralisme, a su inculquer, quand il manageait la puissante Compagnie nationale cotonnière à la fin des années 1970, de nombreuses valeurs : esprit d’initiative, sens de l’organisation, démarche participative, etc. Le tout fondé sur une formation idéologique forgée dans la clandestinité politique nourrie au sein du PMT par le mentor et la plupart de ses jeunes poulains, depuis les années estudiantines en France.
A la fin des années 1980, les membres de ce fameux “Clan CMDT” jouent un rôle majeur dans la lutte pour l’avènement du pluralisme démocratique au Mali. Les plus jeunes dudit Clan, forts de leurs positions politico-administratives relativement privilégiées, se sont investis dans certaines initiatives dont la fondation du journal privé Les Echos puis la création de l’association politique Adéma qui a donné naissance en mai 1991 au parti du même nom. Parmi ces jeunes cadres, figure Ahmed Mohamed El Madani Diallo, économiste formé à l’Université de Bordeaux où il décroche un doctorat en monnaie-changes et financement.
Rentré au pays, il servit à la CMDT où il a été notamment adjoint au chef de service financier. Avec la restructuration des entreprises d’Etat, la CMDT rentabilise sa production en secrétant les Huileries cotonnières du Mali (Huicoma où El Madani a pu occuper plusieurs fonctions : chef d’exploitation ensuite DGA puis DG, avant d’y devenir (après un éphémère passage au poste de PDG de l’Office du Niger) directeur central de l’inspection et contrôle de gestion. C’est de ce poste de l’entreprise d’huilerie que le secrétaire au développement de l’Adéma/PASJ et l’un des rédacteurs du volet économie-entreprises du projet de société du candidat Alpha Oumar Konaré à la présidentielle de 1992, Ahmed El Madani Diallo, est nommé, le 7 novembre 1993, ministre/secrétaire général à Koulouba, en remplacement de son camarade Soumaïla Cissé devenu ministre des Finances.
“El Madani” Diallo reste aux côtés du président Konaré durant quatre années avant de signer son entrée dans l’équipe gouvernementale du Premier ministre IBK, reconduit aux lendemains des élections générales controversées de mai-juillet-août 1997. Le 2e Ségal présidentiel du règne Adéma et compagnie se trouve bombardé, le 16 septembre 1997, au ministère de l’Economie, du Plan et de l’Intégration. Lors du remaniement du 21 février 2001, il assume les charges du Développement rural jusqu’au 13 mars 2002. Ce jour-là, suite à sa candidature surprise (une de plus dans les rangs de l’Adéma/PASJ) déposée à la dernière minute pour l’élection présidentielle, Ahmed El Madani Diallo est remplacé par Mme Cissé Mariam Khaïdama Sidibé. A ce scrutin présidentiel, l’ex-ministre Diallo se classe 10e sur 24 candidats alignés au 1er tour.
Avec 25 584 voix engrangées (soit 1,64 % des suffrages exprimés), il appelle à voter pour le candidat arrivé en tête, l’indépendant ATT. Ce soutien de celui qui a été membre fondateur de l’Adéma/PASJ et titulaire dans tous ses comités exécutifs, de 1991 à nos jours, constituait étonnamment une stratégie de barrage contre son camarade et surtout candidat officiel de son parti, Soumaïla Cissé, challenger d’ATT au second tour. Depuis les péripéties mélodramatiques de la politique politicienne intra-Adéma, Ahmed El Madani Diallo est entré dans une sorte d’effacement. Il a relativement perdu du poids et de l’influence au sein de la Ruche où il lui est arrivé d’être fortement contesté à la base, dans sa propre section de Ségou.
7-Boubacar Gaoussou Diarra : ministre/Ségal (26 septembre 1997-12 août 1999)
Presqu’un mois après sa nomination, est adopté le décret n°97-298/P-RM du 15 octobre 1997 qui apporte une innovation fonctionnelle. Son article 8 dispose en effet que “le secrétaire général de la présidence de la République est assisté dans sa tâche par des conseillers techniques regroupés dans une équipe stratégique, une équipe de communication et un bureau de sécurité […]”. S’agissant de l’équipe stratégique, sa composition sera précisée quelques mois plus tard dans le décret n°98-208 du 17 juin 1998 en son article 10 : “Les conseillers économique, diplomatique, juridique et aux affaires sociales, l’éducation et à la culture, aux affaires régionales, forment autour du secrétaire général de la présidence l’équipe stratégique chargée d’assister le président de la République dans l’élaboration de la politique de la nation” précisant ainsi l’esprit de l’article 9 précédant qui indique que “les conseillers techniques sont chargés de l’étude, de l’instruction et du suivi des dossiers techniques et politiques”. Toutes ces innovations sont mises en exécution sans encombre par un praticien de droit, rompu à l’application des textes.
Actuellement, Boubacar Gaoussou Diarra est un magistrat de classe exceptionnelle qui a fait valoir, le 1er janvier dernier, ses droits à la retraite. Auparavant, il se trouvait dans une “situation administrative d’attente” après avoir servi à la Cellule de l’Union africaine chargée de lutte contre le terrorisme basée en Algérie. Ce grand spécialiste du droit pénal était parti à l’international après avoir rendu d’immenses services au plan national où le dernier poste fut celui de ministre/secrétaire général de la présidence. Il y a été promu le 26 septembre 1997 immédiatement après son départ de la tête du ministère de l’Emploi, de la Fonction publique et du Travail qu’il dirigeait depuis le 25 octobre 1994. Huit (8) mois auparavant, il était entré au gouvernement au poste de ministre de la Justice, garde des Sceaux.
Après donc trois années et demie de fonctions gouvernementales, Boubacar Gaoussou Diarra a remplacé à Koulouba le Dr. Ahmed El Madani Diallo, devenu le même 26 septembre 1997, ministre de l’Economie, du Plan et de l’Intégration. Le natif de Gao est, à l’instar de nombreux collègues magistrats de sa génération, diplômé de l’ENA de Bamako (major de sa promotion, 1974) puis de l’Ecole nationale de magistrature Paris (1975). Il mène ensuite des études postuniversitaires à Poitiers qui lui permettent d’obtenir un DEA en droit pénal et en sciences criminelles puis un doctorat dans le même domaine. Doté de ces diplômes, il entame une carrière professionnelle en assumant successivement plusieurs fonctions dans différentes juridictions du pays, notamment à Gao, Tombouctou, Ségou, Dioïla et Bamako. Il fut tour à tour : substitut du procureur de la République, juge de paix à compétence étendue, procureur de la République, avocat général près la Cour spéciale de sûreté de l’Etat. Il fut ensuite directeur national des affaires judiciaires et du sceau, directeur de cabinet du ministre de la Justice. Pour les besoins de la Conférence nationale (juillet-août1991) pour baliser les jalons de la 3e République, le magistrat Boubacar Gaoussou Diarra avait en charge la présidence de la Commission des experts gouvernementaux commis pour la rédaction finale des avant-projets de textes institutionnels (Constitution, loi électorale et Charte des partis). Il est ensuite conseiller technique à la Primature (à partir d’avril 1993). C’est de là qu’il est promu, le 4 février 1994, ministre de la Justice, garde des Sceaux. Bien auparavant, pendant une vingtaine d’années (soit de 1976 à son entrée au gouvernement en 1994), Boubacar Gaoussou Diarra fut chargé de cours à l’ENA de Bamako où il enseignait le droit pénal, le droit civil et la criminologie.
8- Modibo Kéïta : ministre/Ségal (12 août 1999-20 mars 2002)
Professeur de l’enseignement supérieur à la retraite. Dans l’histoire gouvernementale du Mali, il est le détenteur du record du double passage à la Primature. D’abord, pendant deux (2) mois et 18 jours comme celui du dernier chef du gouvernement du président Konaré entre le 20 mars et le 8 juin 2002.
Ensuite durant deux (2) ans et 3 mois comme le 3e chef du gouvernement du président IBK entre le 8 janvier 2015 et le 8 avril 2017. S’exprimant très bien à l’aise dans un français dépouillé de toutes circonlocutions, Modibo Kéita fut un professeur de lettres (major de sa promotion à l’EN Sup, 1969), amoureux de petites phrases pour énoncer de grandes idées avec des formules chocs. En 1984, dans l’imminence de l’organisation du concours d’entrée à la Fonction publique, le ministre d’alors en charge de ce dossier sulfureux, fut l’invité de la célèbre émission “Télé Tribune” de la télévision nationale. Sous le feu roulant des questions aussi pressantes que poignantes du présentateur Baba Daga (paix à son âme), le ministre Modibo Kéïta a pu lâcher au détour d’une interrogation qui l’avait visiblement gêné : “Je pensais que je venais m’expliquer dans une tribune. Mais, pas d’être devant un tribunal”, avait-t-il lancé avec un sourire au coin des lèvres. Cette réponse sèche a quelque peu trahi la sérénité habituelle de ce grand commis de l’Etat qui a progressivement gravi tous les paliers de l’enseignement : instituteur, professeur du secondaire, directeur du Centre de recherche pédagogique et de production audiovisuelle (télévision scolaire), directeur de l’Institut pédagogique national (IPN), directeur de cabinet du ministre de l’Education nationale.
Après cette riche carrière d’enseignant, il entre au gouvernement le 6 juillet 1982 au poste de ministre du Travail et de la Fonction publique puis devient ministre des Affaires étrangères le du 6 juillet 1986 au 8 juin 1989. Les portes de la diplomatie lui sont ainsi ouvertes car il devient tout juste après ambassadeur du Mali en Allemagne de l’Ouest (RFA) ayant sous sa juridiction la Suisse, la Suède, le Danemark, l’Autriche, la Norvège et des organisations onusiennes basées à Genève et à Vienne. Il y reste jusqu’en 1992.
A son retour au bercail, il assume les fonctions de conseiller pédagogique à l’IPN avant de rejoindre quelques années plus tard, son condisciple de l’EN Sup, le professeur en histoire-géo Alpha Oumar Konaré devenu président de la République qui le nomme conseiller à l’éducation et à la culture. De là, il est promu ministre/Ségal, du 12 août 1999 au 20 mars 2002. Ce jour-là, suite à la candidature du Premier ministre Mandé Sidibé (paix à son âme) à la présidentielle en perspectives immédiates, le président Konaré a dû recourir à son ministre/secrétaire général pour terminer son mandat. Modibo Kéïta s’y prend avec pragmatisme en organisant le scrutin présidentiel ayant consacré l’accession du général à la retraite ATT à la magistrature suprême du pays.
Ayant fait valoir ses droits à la retraite, le professeur de lettres est devenu un grand admirateur de la nature passant le plus clair de son temps à des occupations champêtres dans son verger, situé à la sortie de sa ville natale de Koulikoro. Mais le 20 avril 2014, le président IBK lui fait appel en le nommant Haut-représentant du président de la République pour le Dialogue inclusif inter-maliens pour le retour de la paix. Cette mission aboutit à la signature à Bamako (en mai-juin 2015) de l’Accord pour la paix et la réconciliation dont les négociations se sont déroulées en Algérie. Quatre mois avant l’aboutissement difficile desdites négociations, le Haut-représentant présidentiel était promu chef du gouvernement. Pour la seconde fois. Record encore inégalé.
9-Mahamadou Magassouba, ministre/Ségal du 20 mars au 9 juin 2002
Le natif de Nioro du Sahel est un magistrat de classe exceptionnelle formé à l’ENA de Bamako et est détenteur du diplôme de l’Ecole nationale de magistrature de Paris. Au cours de presque deux décennies (fin années 1970-début 1990), “Magassouba” comme on l’appelle familièrement, a exercé de nombreuses fonctions dans les administrations judiciaire et territoriale : président des tribunaux, notamment à Yélimané puis à Kita avant d’être chef d’arrondissement à Siby (cercle de Kangaba). A l’avènement de la 3e République, il intègre la haute administration par le bais d’une longue période de présence au secrétariat général de la présidence de la République. De juillet 1992 à juillet 2002, il fait partie des proches collaborateurs du président Alpha Oumar Konaré en qualité de conseiller technique chargé des droits de l’Homme et de l’action humanitaire, secrétaire général adjoint (2000-2002) et, du 20 mars au 8 juin 2002, ministre/secrétaire général (le dernier du double mandat quinquennal du président Konaré). Dans la décennie 2002-2012, il connait une expérience diplomatique comme ambassadeur du Mali en Algérie. De retour au pays, il assume les fonctions de directeur national de l’administration de la justice (2012-2014). Ensuite, de mai 2014 à janvier 2015, il fera partie de l’équipe d’experts (19) nommés auprès du Haut-représentant du président de la République pour le Dialogue inclusif inter-maliens dans le cadre du processus de négociations entre le gouvernement et les groupes armés pour la résolution de la crise du Nord.
Fin janvier 2015, le Premier ministre Modibo Kéita (avec lequel il avait servi à Koulouba) le nomme auprès de lui au poste de directeur de cabinet avec rang de ministre. Suite au départ, début avril 2017, de ce 3e chef du gouvernement du président IBK, Mahamadou Magassouba quitte la Primature le 10 mai de la même année.
10- Modibo Sidibé, ministre/Ségal (9 juin 2002-28 septembre 2007)
Fort de ces dix d’années d’expérience gouvernementale sans discontinuer, Modibo Sidibé a tenu à apporter sa touche au fonctionnement de l’institution présidentielle. D’où l’adoption du décret n°02-361/P-RM du 15 juillet 2002. Il explique les motivations de ce nouveau texte dont l’objectif majeur est de modeler un “nouveau visage de la présidence de République” sous le magistère du général ATT. Dans une note circonstanciée d’information largement diffusée auprès de ses collaborateurs, M. Sidibé souligne le bien-fondé de la restructuration reposant, entre autres, sur l’unification des services placés sous l’autorité d’un seul administrateur, le Ségal autour duquel sera créée une équipe stratégique
restreinte, performante et solidaire dans sa mission ; la consolidation des fonctions politico-protocolaires, de relations publiques du cabinet ainsi que l’instauration d’un environnement de travail facilitant la production des analyses de qualité, le tout soutenu par une informatisation accrue, digne des services modernes.
Actuellement, 68 ans, inspecteur général de police à la retraite. Sans en donner l’air tant il cultive la discrétion qui frise la méfiance, ce super flic qu’il fut pendant 35 ans (1976-2011) est détenteur d’un record dans la pratique gouvernementale au Mali : il a connu un nombre élevé de participations aux sessions du conseil des ministres. En effet, durant une vingtaine d’années (décembre 1991-fin mars 2011), l’officier général de police a signé sa présence aux sessions du conseil des ministres en ses qualités successives et discontinues de directeur de cabinet – avec rang de ministre – du président CTSP, puis de ministre (deux fois), de secrétaire général du Palais de Koulouba et de Premier ministre. Il a participé aux dites sessions sauf s’il était absent de Bamako. Ce qui fait de ce cadre, réservé mais passionné de tennis de court, un grand connaisseur des dossiers de l’Etat du Mali démocratique de ces 27 dernières années.
Fonctionnaire de police, il quitte les unités de la police au milieu des années 1980 pour la haute administration en devenant chef de bureau au cabinet du ministre de la Défense (1984-1986). Il devient ensuite conseiller technique (1986-1989) puis chef de cabinet au ministère délégué à la Défense (1989-1991). Après la chute du président Moussa Traoré, il devient directeur de cabinet du ministre délégué à la Sécurité intérieure (1991-1992). Au milieu de la Transition démocratique, le chef de l’Etat, le lieutenant-colonel ATT, président du Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP) le nomme, le 30 décembre 1991, directeur de cabinet avec rang de ministre. A l’avènement de la 3e République, le commandant de police Modibo Sidibé entre au 1er gouvernement du Mali démocratique en qualité de ministre de la Santé, de la Solidarité et des Personnes âgées (9 juin 1992-16 septembre 1997). Suite à la réélection du président, Modibo Sidibé devient ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, du 16 septembre 1997 au 8 juin 2002. Il est ainsi le seul ministre resté aux affaires durant les 10 années du président Alpha Oumar Konaré à Koulouba.
Et, dès le lendemain de l’investiture du président ATT, il est promu secrétaire général de la présidence de la République avec rang de ministre. Il occupe cette fonction jusqu’au 28 septembre 2007. Ce jour-là, il est nommé Premier ministre. Il assume les fonctions de chef du gouvernement jusqu’au 3 avril 2011. Après cette longue expérience gouvernementale, l’inspecteur général de police (équivalent de général dans l’armée) se met dans la peau de présidentiable pour les joutes électorales prévues en avril 2012. Mais son ambition est bloquée par les “Evènements du 22 mars 2012” notamment le coup d’Etat du 22 mars 2012.
Se fondant sur des liens étroits du célèbre “Jimmy Le Flic” de la politique malienne avec le général ATT, les sbires des putschistes du 22 mars 2012 ont arrêté Modibo Sidibé dans la foulée de leur prise violente du pouvoir. Même libéré le 27 mars 2012, l’ex-chef du gouvernement a continué à être dans le collimateur des nouveaux “maîtres de Bamako”. Il entre alors dans une semi-clandestinité jusqu’à l’approche de l’élection présidentielle de juillet 2013. Modibo Sidibé prend part à cette compétition électorale en se classant 4e sur 27 candidats alignés au 1er tour. Il était candidat également en 2018.
Diango Cissoko, ministre/Ségal (26 janvier 2008 – 16 mai 2011). (Lire ci-dessus, présentation n°4).
11-Baba Berthé : ministre-Ségal (16 mai 2011-16 décembre 2012)
Professeur d’enseignement supérieur. Ce détenteur d’un doctorat en droit public (Université des sciences sociales de Toulouse, 1998) est le PDG de la CMDT depuis le 15 octobre 2016. Auparavant, il avait obtenu en 1985 une maîtrise en administration publique à l’ENA de Bamako où il fut la connaissance de deux grands commis de l’Etat : les anciens Premiers ministres Modibo Kéita et Diango Cissoko dont les apports vont être déterminants dans sa carrière au sein de la haute administration malienne. Il va côtoyer ces deux mentors, à des périodes différentes, à la présidence de la République.
Durant une douzaine d’années Baba Berthé franchit progressivement des paliers de l’administration présidentielle : chargé de mission à la Cellule juridique (2000-2004) ; conseiller technique, directeur de la Cellule affaires administratives, juridiques et judiciaires (2004-2008) ; Deuxième adjoint du secrétaire général de la présidence (2008-2011) et ministre/secrétaire général du 16 mai 2011 au 16 décembre 2012). On retient qu’il fut le dernier Ségal du président ATT avec lequel il a vécu la nuit cauchemardesque du 22 mars 2012 au Palais de Koulouba, violemment envahi et systématiquement pillé par les putschistes à la solde du capitaine Amadou Haya Sanogo. Lequel, à travers les directives de son directeur de cabinet, le colonel Moussa Sinko Coulibaly, va contraindre et forcer le Ségal Baba Berthé dans la mise à disposition des ressources du budget présidentiel pour la satisfaction effrénée des besoins inassouvis de la junte CNRDRE.
Baba Berthé s’y plie jusqu’au retour à la normale marquée par l’investiture du président de la République par intérim, le Pr. Dioncounda Traoré. Sous les ordres normaux de celui-ci, le Ségal Baba Berthé se remet au service de l’Etat jusqu’au 16 décembre 2012. Ce jour-là, M. Berthé bénéficie de la confiance de son mentor Diango Cissoko devenu Premier ministre qui le propose au poste de ministre de l’Agriculture. Cette expérience gouvernementale s’achève avec la formation du premier gouvernement du président IBK le 8 septembre 2013. Le Pr. Baba Berthé retourne à l’enseignement pour donner des cours (droits administratif et constitutionnel, notamment) à la Faculté de droit public et l’ENA, nouvelle formule, recevant exceptionnellement des élèves fonctionnaires.
En mai 2014, il répond à l’appel de son second mentor, Modibo Kéita, promu Haut-représentant du chef de l’Etat dans les négociations inter-maliennes pour le retour de la paix et l’instauration de la réconciliation. Baba Berthé fait partie du groupe d’experts gouvernements qui ont activement participé en 2014-2015 aux longs pourparlers d’Alger, au service de l’Etat malien. Un Etat qu’il a commencé à servir depuis son intégration à la fonction publique en 1987. Elément du 3e contingent du Service national des jeunes, Baba Berthé accomplit sa formation militaire avant de subir un stage à la direction centrale du personnel de l’administration et des finances de l’État-major de l’armée de l’air. Versé dans la production administrative, en 1989, il est nommé secrétaire général du gouvernorat de Tombouctou et devient entre mars 1989 et janvier 1991 chef d’arrondissement à Gargando et Razelma (région de Tombouctou) puis chef d’arrondissement à Gossi (janvier-août 1991).
A partir de 1992, il entame des études postuniversitaires en droit public à Toulouse. En va-et-vient entre cette ville française et Bamako, Baba Berthé entre de plain-pied dans l’enseignement. Il dispense des cours à la Faculté des sciences juridiques et économiques de la nouvelle Université malienne. C’est dans cette ambiance que le juriste publiciste rejoint l’administration présidentielle sur recommandation de l’une de ses références, l’ancien ministre Modibo Kéita alors ministre/Ségal à Koulouba.
Aujourd’hui, Baba Berthé est le président directeur général de la CMDT.
12-Ousmane Sy : ministre/Ségal (21 décembre 2012-9 septembre 2013)
C’est un Ingénieur agroéconomiste formé dans les universités françaises : DESS en agroéconomie à l’Institut supérieur des techniques outre-mer (ISTOM – Le Havre) ; DESS en développement agricole (à Paris-I) et doctorat en développement économique et social de l’Institut d’études du développement économique et social, toujours à l’Université de Paris-I. Pour avoir été chef de la Mission de décentralisation et des réformes institutionnelles (1993-2000) avec rang de ministre, l’homme est considéré dans certains milieux politico-médiatiques comme le “père de la décentralisation” au Mali, l’expression embarrasse un brin de modestie de l’intéressé. Même si l’on lui reconnait l’immense travail qu’il a abattu à la tête d’une équipe pluridisciplinaire, “Oussou” pour les intimes fait quand bien même montre d’une fierté non feinte d’avoir contribué à la concrétisation de cette profonde réforme socio-démocratique qui est venu renforcer les acquis socio-institutionnels du pluralisme politique instauré au Mali avec les événements du 26 mars 1991. S’agissant du processus de la décentralisation, il ne manque pas de rappeler d’y avoir pris un goût très intéressé à la faveur de l’historique Séminaire national sur la planification décentralisée, organisée à Gao en février 1987 par le gouvernement du président Moussa Traoré avec l’appui technique du Pnud. A l’époque, Ousmane Sy était un expert en service auprès de la représentation malienne de cette agence onusienne (1986-1993).
Après avoir piloté le processus d’élaboration des textes de la décentralisation (1993-2000), le Dr. Ousmane Sy est récompensé par le président Konaré qui le nomme ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales. Il est notamment chargé d’organiser les élections générales de 2002 tout en supervisant le suivi des premiers pas des nouvelles entités créées à la faveur de la nouvelle réforme administrative et territoriale. A la fin du mandat du président Konaré en juin 2002, l’ancien chef de la Mission de la décentralisation rentabilise son expérience à travers des activités de consultations au plan national et international. Il crée et dirige depuis janvier 2004 le Centre d’expertises politiques et institutionnelles en Afrique (Cepia). Il devient aussi coordonnateur de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique et vice-président de l’Institut de recherche et débat sur la gouvernance.
En décembre de la même 2004, il est lauréat du Prix international Roi Baudouin pour le développement “pour la force de sa vision et le courage de ses idées au sujet de la gouvernance en Afrique et pour l’originalité de ses actions au Mali où, par un processus participatif de décentralisation et l’organisation d’élections transparentes, il est parvenu à créer un cadre stimulant une meilleure gestion publique et une stabilité renforcée ; deux conditions essentielles au développement”.
Début 2012, en sa qualité de directeur de cabinet du président de l’Assemblée nationale, le Pr. Dioncounda Traoré (président et candidat de l’Adéma/PASJ), Ousmane Sy joue au compte de celui-ci le rôle de directeur de campagne pour la présidentielle programmée. Par la tournure dramatique des événements au Mali cette année-là, le président de l’Adéma/PASJ sera à Koulouba sans être élu. En effet, suite au coup d’Etat militaire du 22 mars de cette année-là, le processus démocratique et électoral est sérieusement perturbé. Mais grâce aux pressions de la communauté internationale et notamment à la médiation de la Cédéao, la normalité constitutionnelle est rétablie. Et conformément à la Loi fondamentale du pays, l’intérim du président de la République est dévolu au chef des députés.
Le Pr. Traoré accède ainsi à la magistrature suprême du Mali, le 12 avril 2012. Par son tempérament conciliateur, il maintient à leurs emplois respectifs au Palais de Koulouba tous les cadres déjà en poste depuis sous le président ATT. Parmi ces cadres supérieurs, le ministre/Ségal Baba Berthé. Leur collaboration dure huit (8) mois. Le Pr. Baba Berthé devient ministre de l’Agriculture lors du remaniement ministériel du 16 décembre 2012. Le chef de l’Etat se choisit alors un nouveau ministre/Ségal en la personne de son camarade de parti Ousmane Sy, nommé le 21 décembre suivant.
Dès l’entame de sa mission, Ousmane Sy s’est voulu très pragmatique en indiquant sa volonté de faire des collaborateurs présidentiels des forces de propositions. Il les assure d’emblée qu’aucun de la quarantaine de cadres (conseillers ou chargés de mission) nommés par le président ATT ne sera viré sauf celui qui veut partir de lui-même. Toutefois, il a tenu à préciser la nécessité d’une rationalisation des ressources humaines en fonction des moyens financiers et matériels de l’institution présidentielle pillée de fond en comble par les putschistes du 22 mars 2012. Le nombre des cellules techniques est réduit et leurs attributions redéfinies à la faveur des instructions édictées à la suite de la relecture (le 8 février 2013) du décret portant organisant la présidence de la République.
Pour réussir la mission de l’institution présidentielle dans cette période critique pour le pays, il a tenté de projeter cette image pédagogique : selon lui, le Mali d’après-22 mars 2012 ressemble à une voiture tombée en panne en rase campagne. Les occupants d’un tel véhicule doivent plutôt chercher à le dépanner pour pouvoir l’acheminer urgemment vers un garage au lieu de s’évertuer à le réparer forcément sur place et le remettre en marche normale coûte que coûte. Dans la pratique également, le ministre/Ségal du Pr. Dioncounda Traoré installe auprès de lui un “comité restreint de veille” devant lui faire remonter quotidiennement toutes informations utiles assorties de propositions concrètes. Ensuite, il formalise une séance de travail hebdomadaire avec le secrétaire général du gouvernement en vue de diligenter le traitement des actes législatifs, réglementaires et administratifs en souffrance entre la présidence et la Primature.
Pour allier la pratique à la théorie, Ousmane Sy a exercé entre 2009 et 2016 un mandat de conseiller communal dans sa ville natale de Bandiagara. Agitateur d’idées devant l’Eternel, l’époux de Kadiatou Sow (une égérie de la démocratie malienne), a quasiment jeté un pavé dans la mare en novembre dernier en s’interrogeant sur la nature de la Transition qu’il faudrait à notre pays au cas où l’on n’arrivait pas à organiser le scrutin présidentiel en juillet prochain. Son interrogation aux relents interpellateurs a suscité de vifs débats qui sont loin encore d’être clos jusqu’à présent. A l’avènement du président IBK à Koulouba, Ousmane Sy retourne à ses premières amours de chercheur-consultant. Mais, il revient aux affaires le 11 avril 2014 avec sa nomination au poste de Ministre de la Décentralisation et de la Ville. Poste qu’il quitte au bout de neuf (9) mois, précisément le 10 janvier 2015. Depuis, il gère ses affaires de consultant.
13-Toumani Djimé Diallo : ministre/Ségal (9 septembre 2013-16 octobre 2014)
Ingénieur agronome puis journaliste et récemment versé dans la diplomatie. C’est un condisciple d’Ibrahim Boubacar Kéita (le futur IBK) au lycée Askia Mohamed au début des années 1960. Tout comme son camarade IBK, Toumani Djimé ne rentre pas immédiatement après ses études supérieures. Il débute sa carrière professionnelle comme professeur de phyto-technie et d’économie rurale successivement aux lycées agricoles de Chartres (Beauce/France) puis de Sées (Normandie/France) – classes de terminales. Cette expérience d’enseignant dure de 1973 à 1977. Le fils de Djimé met ensuite le cap sur le pays de Félix Houphouët-Boigny où il fut notamment directeur de plantations d’ananas en Côte d’Ivoire, d’abord dans une société d’Etat, la Sodefel à Divo, puis dans une société privée, la Safco (Cotivana)
Ce séjour ivoirien s’étale sur sept années (1985-1992) entrecoupées régulièrement de multiples voyages au Mali pour animer un Groupement d’exportation de mangues sur l’Europe à partir de Sikasso et Koutiala.
A la même période, il commence à s’installer au pays natal. Fin 1990, dans la fièvre des débats sur le renouveau démocratique dans les pays d’Afrique noire subsaharienne, Toumani Djimé Diallo (T2D) écrit ses réflexions politiques sur les questions d de l’actualité dominée en ce temps-là par la crise du Golfe et surtout de l’instauration de la démocratie pluraliste au Mali. Il produit ainsi un essai “Gérer la transition démocratique” qui, selon des observateurs, devait être versé comme contribution au fameux congrès de l’UDPM auquel tenait tant le président Moussa Traoré pour décider éventuellement de l’ouverture politique fortement exigée par le Mouvement démocratique très engagé pour la fin de l’ère du parti unique dans notre pays. Les événements tragiques de janvier-mars 1991 vont bouleverser totalement le cours de l’histoire. Et le régime UDPM fut balayé par une insurrection populaire parachevée par un coup d’Etat militaire, le 26 mars 1991. L’ouvrage de Toumani Djimé n’aura pas l’audience espérée par son auteur. Il ne sera pas diffusé pour le commun des Maliens. Seuls quelques initiés de la chose politicienne le liront. L’accueil hostile manifesté notamment par des barons du Mouvement démocratique pousse Toumani Djimé à la défensive, à répondre coup après coup. Il finira par sauter le pas dans le journalisme. D’abord collaborateur de La Roue du doyen Boubacar Kéita (journaliste intransigeant et iconoclaste s’il en fut), T2D lance finalement en août 1991 son propre journal de combat, La Nation, doublé en 1992 par un hebdo à vocation d’informations générales, Le Démocrate.
Les deux journaux vont coexister avec quasiment la même tonalité caustique brocardant la gestion des nouvelles autorités issues des premières élections démocratiques de la 3e République. Aucun cadeau n’est fait au président Alpha Oumar Konaré et ses camarades du parti majoritaire. Parmi lesquels camarades, se trouve un certain IBK, ancien condisciple de Toumani Djimé qui va porter sa plume dans le vitriol contre ce 3e Premier ministre du président Konaré.
Au nom de la stabilité à instaurer coûte que coûte après la démission de ses deux prédécesseurs (Younoussi Touré et Me Abdoulaye Sékou Sow), tous deux poussés à la démission par les mouvements de la rue, particulièrement occupé par des élèves et étudiants toujours en mode insurrectionnel, IBK porte des gants de fer. Il fait siennes des méthodes brutes et abruptes pour “mettre fin à la chienlit”. Les mesures de répression sans ménagement appliquées par IBK sont si fortes qu’elles feront écrire à Toumani Djimé Diallo des diatribes allant jusqu’à comparer, tant dans les traits physiques que dans les actions, les manœuvres liberticides, son ami d’adolescence au colonel Tiécoro Bagayoko, le tout-puissant patron des services de sécurité du CMLN (1968-1978).
Les amis inséparables des années 1960 sont devenus des adversaires irréductibles des années 1990. Mais, sur “médiation” des proches communs, Toumani Djimé se ramollit progressivement et va bénéficier des marchés de consultations à lui attribués par des structures étatiques dont le ministère des Forces armées et la Mission de décentralisation en 1996, les journaux “La Nation” et “Le Démocrate” deviennent de plus en plus rares dans les kiosques et vont cesser leur parution en août 1998 quand leur promoteur est promu chargé de mission auprès du Premier ministre IBK.
En rejoignant ce camarade d’antan, Toumani Djimé tente d’insuffler un sang neuf à la communication primatoriale avec la mise en place d’une cellule appropriée. Fortement contesté par des partis d’opposition qui réclament radicalement sa tête pour sa responsabilité dans la très mauvaise tenue des législatives d’avril 1997, IBK s’appuie sur Toumani Djimé pour allumer des contrefeux dans les médias. Même combat d’arrière-garde pour les deux contre le président Konaré qui s’est décidé de se séparer de son Premier ministre de six années de longévité.
Cette bataille homérique au sommet de l’Etat et de presque six (6) mois d’affrontements par médias interposés tourne à l’avantage du chef de l’Etat. Entre février et octobre 2000, IBK perd et la Primature (qu’il dirigeait depuis février 1994) et le parti (Adéma qu’il présidait depuis septembre 1994). Quand bien même Toumani Djimé restera avec lui dans sa mésaventure politique jusqu’à la création en juin 2001 du parti RPM dont l’ancien journaliste deviendra le secrétaire général de la section VI de Bamako.
S’occupant (entre février 2000 et septembre 2002) des affaires de son imprimerie et de sa maison d’édition (Mundekera), le promoteur des journaux “La Nation” et “Le Démocrate” se montre visiblement perturbé par les chausse-trappes du militantisme partisan. Il quitte alors les instances du parti du Tisserand tout en demeurant aux côtés de l’ex-Premier ministre. Lorsque ce dernier est élu député puis président de l’Assemblée nationale, Toumani Djimé devient son conseiller spécial (septembre 2002-février 2007). Il est ensuite nommé son directeur de cabinet, reconduit même par le Pr. Dioncounda Traoré (Adéma/PASJ) devenu le chef du Parlement en septembre 2007. Trois années après (novembre 2010), le président ATT le nomme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Mali au Royaume du Maroc. De Rabat, il a courageusement condamné le coup d’Etat militaire qui a renversé le président ATT, le 22 mars 2012.
Toumani Djimé Diallo reste à ce poste jusqu’en septembre 2013. Période à laquelle, élu président de la République, son ami IBK l’appelle pour occuper le poste de secrétaire général de la présidence de la République avec rang de ministre (9 septembre 2013-16 octobre 2014) puis directeur de cabinet présidentiel – toujours avec rang de ministre – de ce même mois d’octobre jusqu’au 3 juillet 2015. Par la suite, sur décision du conseil des ministres de ce même 3 juillet, il retourne dans la diplomatie avec sa promotion au poste d’ambassadeur du Mali en Allemagne avec résidence à Berlin. Le 5 janvier 2018, le conseil des ministres a décidé de le nommer ambassadeur du Mali en France. Nomination formellement actée par le décret n°2018-0039/P-RM du 16 janvier 2018.
Depuis quelques semaines, Toumani Djimé Diallo a été remplacé par Issa Konfourou à l’ambassade du Mali à Paris, en France.
(Bis) : Mohamed Alhousseyni Touré, ministre Segal (16 octobre 2014 – 30 août 2016) Lire ci-dessus, présentation N°3.
14-. Soumeylou Boubèye Maïga, ministre/Ségal (30 août 2016-30 décembre 2017)
Cet ancien Premier ministre est un militant de longue date qui a pu s’offrir l’étoffe d’un cadre chanceux doublé d’opportuniste forgé, sinon un heureux abonné à certaines fonctions pionnières au plan politico-administratif pour un homme de média au Mali : 1er journaliste conseiller spécial d’un chef de l’Etat (avril 1991-juin 1992) ; 1er journaliste chef de cabinet du président de la République (juin 1992-janvier 1993) ; 1er journaliste DG de la Sécurité d’Etat (janvier 1993-février 2000) ; 1er journaliste ministre de la Défense (février 2000-juin 2002) ; 1er journaliste candidat à une élection présidentielle (2007) ; 1er journaliste ministre des Affaires étrangères (avril 2011-avril 2012) ; 1er journaliste ministre/secrétaire général de la présidence de la République et 1er journaliste nommé Premier ministre.
S’y ajoute un fait exceptionnel à son compte : il est jusque-là le seul cadre du pays à porter, de 1992 à nos jours, quatre fois le costume ministériel sous trois présidents de la République : Alpha Oumar Konaré, ATT et IBK.
Journaliste fonctionnaire à la retraite, il y a plus de quatre décennies, il s’était déjà fait discrètement remarquer par ses camarades lycéens, au milieu des années 1970, en trempant sa plume de combat clandestin au vitriol de la contestation en signant “Le Tigre de Badala” les feuilles d’un journal mural.
Dans la vie productive, il devient au fil des ans opposant caché devenu homme de pouvoir très exposé. Journaliste fonctionnaire prudent reconverti en redoutable spécialiste de renseignement. Syndicaliste intrépide mû en décideur imprévisible. Parlant rarement en public, mais agissant discrètement dans les coulisses étatiques. Ayant les défauts de ses qualités, il fait sans états d’âme ses devoirs politiques souvent insoupçonnés. Il a été désigné en mars dernier par un de nos confrères comme “l’enfant terrible de la politique malienne”. On pourrait ainsi présenter à grands traits l’homme public incarné par le 5e Premier ministre du président IBK en 4 années et demie : Soumeylou Boubèye Maïga, communément désigné SBM, même si ses intimes continuent à l’appeler “Ism” ou tout simplement “Soumeylou par ses parents”.
De 1978 à 1991, il mène, treize années durant, une carrière journalistique à l’Amap (Agence malienne de presse et de publicité) où il a servi dans les rédactions du quotidien d’Etat L’Essor, de l’hebdomadaire sportif Podium (1978-1979), du magazine mensuel Sunjata dont il deviendra rédacteur en chef (1986-1991). Au cours de ces années-là, “Ism” est dirigeant du comité syndical de l’Amap et membre du bureau national du Synipil (Syndicat national de l’Information, de la presse et de l’industrie du livre)A ce titre, en 1987, lors d’une rencontre du chef de l’Etat avec les responsables syndicaux sur les préoccupations nationales, il a fait une intervention mémorable conclue par une interpellation directe : “Monsieur le président, la balle est dans votre camp !” Sur le même registre syndical, le journaliste engagé fit partie, entre 1989 et 1991, des représentants de la centrale UNTM au Conseil économique et social, une institution républicaine nouvellement créée.
Parallèlement à ses occupations de journaliste fonctionnaire, il a réussi avec tact à mener son activisme d’opposant clandestin en rédigeant sous un pseudonyme des articles très caustiques contre le régime du parti unique UDPM.
Au milieu des années 1980, depuis Paris, le magazine Afrique-Asie a occasionnellement publié certains écrits de Soumeylou Boubèye signés par un pseudonyme. A la même période et dans la même forme de l’anonymat, le journaliste militant du PMT est parvenu à tirer à boulets rouges sur le système politique du président Moussa Traoré largement malmené dans les colonnes du journal privé Les Echos dont SBM était membre officieux du comité éditorial sous les orientations du Pr. Alpha Oumar Konaré.
Avant le lancement en mars 1989 de ce premier journal privé du Mali indépendant, Soumeylou Boubèye est, au nom du PMT, corédacteur de la Plate-forme du Front national démocratique et populaire (FNDP composé de l’opposition clandestine PMT, PMRD, US-RDA et des mouvements contestataires installés en France). Le FNDP se formalise à Dakar par les délégués de ses concepteurs dont SBM. Ce mouvement s’est situé dans le prolongement de l’engagement du militant du PMT (parti clandestin) qui menait déjà son combat à travers les colonnes du journal Bulletin du peuple (1978-1986 dont le fondateur fut feu l’économiste de gauche Mamadou Lamine Gakou), installé à Dakar. Après son retour du Cesti, SBM a continué à assurer la diffusion sous le manteau à Bamako de ce journal très engagé contre le régime UDPM.
Membre fondateur de l’Adéma-Association (3e vice-président chargé de l’administration (octobre 1990-mai 1991) qui a donné naissance à l’Adéma/Parti africain pour la solidarité et la justice ; chef de la Commission stratégique de la campagne du candidat Alpha Oumar Konaré (élection présidentielle de 1992 et de 2007), il reste, durant presqu’une décennie, celui qui abat un inlassable travail de fourmi à l’ombre. Il s’expose à la lumière en entrant dans le comité exécutif du parti. Il en devient le 1er vice-président (novembre 2000-octobre 2008) mais est frappé d’une première mesure d’exclusion (février 2007-avril 2008) suite à son refus de respecter la décision du parti de soutenir la candidature du ATT à la présidentielle de 2007. Malgré tout, il prend part à cette haute compétition électorale nationale comme porte-drapeau du mouvement “Convergence-2007” et se classe 6e sur 8 candidats alignés au départ de ce scrutin présidentiel gagné dès le 1er tour par le président ATT ainsi réélu. Contre celui-ci, SBM s’illustre en opposant dur au sein de l’alliance FDR comprenant notamment des candidats vaincus de la présidentielle.
En parvenant à participer à cette bataille électorale menée sans concessions, le leader de la Convergence-2007 réussit là où il avait échoué en 2002. Au début de cette année-là, Soumeylou Boubèye Maïga fut candidat à la candidature de l’Adéma/PASJ. Il perd cette bataille intra parti face à son camarade Soumaïla Cissé. Cette expérience fut très douloureuse pour le parti du président Konaré. Après son exclusion de 2007, le fin tacticien parmi les barons historiques de l’Adéma réintègre le parti de l’Abeille, mais au congrès de 2008, se voit déclassé au poste de 5e vice-président qu’il occupe d’octobre 2008 jusqu’à sa seconde exclusion en 2012 pour, dit-on, travail fractionnel au sein de la Ruche.
A l’avènement de la démocratie pluraliste suite aux événements sanglants de janvier-mars 1991, Soumeylou Boubèye Maïga intègre les hautes sphères politico-administratives du pays tout en animant les structures de conception du l’Adéma/PASJ sans en être un dirigeant de son comité exécutif. Il y entre finalement en octobre 2000 avant de connaître quelques années plus tard une relative traversée du désert qui culminera après des péripéties douloureuses par son exclusion du parti de l’Abeille en 2012. Une année après, Soumeylou Boubèye Maïga crée, début 2013, une autre formation politique (la sienne propre) Asma/CFP (Alliance pour la solidarité au Mali/Convergence des forces patriotiques). Il soutient la candidature d’IBK à l’élection présidentielle de juillet-août 2013. Après avoir joué comme toujours le rôle de conseiller stratégique dans le staff de campagne du porte-drapeau du RPM, l’ancien directeur général de la Sécurité d’Etat redevient pour la troisième fois ministre de la Défense et des Anciens combattants, du 8 septembre 2013 au 27 mai 2014. Il en fut remercié suite à la déroute, le 21 mai 2014, des troupes maliennes face aux groupes armés séparatistes et narcoterroristes à Kidal.
Tombé en disgrâce auprès du président IBK, Soumeylou Boubèye Maïga revient encore au-devant la scène étatique avec sa promotion au poste de ministre/secrétaire général de la présidence de la République où il officie du 30 août 2016 au 30 décembre 2018. Au moment de ses déboires partisans en 2008, le gouvernement lui fait une promotion administrative en le nommant président du conseil d’administration de l’Agence pour la promotion de l’emploi-Jeunes (Apej, 2008-2011). A la même période, le journaliste métamorphosé en sécurocrate crée l’Observatoire sahélo-saharien de géopolitique et de stratégie. Cet instrument de prospective lui servira beaucoup à l’international où il est fréquemment sollicité par les dirigeants africains, voire français. Ses sollicitations à l’étranger ne constituent pour lui une entrave à ses activités partisanes et étatiques au pays.
Avec d’autres camarades dont de nombreux jeunes cadres à la tête bien faite, il crée “son” propre parti, l’Asma/CFP qui est présentement membre de la Convention de la majorité présidentielle soutenant l’action d’IBK, le chef de l’Etat dont Soumeylou Boubèye Maïga est le plus proche collaborateur. Dans cette posture, le journaliste le plus politique du pays du Mali se voulait, depuis des mois, résolument engagé dans la voie de la reconduction du bail républicain du locataire de Koulouba au terme de l’élection présidentielle prévue en juillet-août prochains.
Sa nomination au poste de Premier ministre lui servira de tremplin pour relever les défis immédiats. Et atteindre son objectif affiché ou assouvir son ambition inavouée. L’ex-“Tigre de Badala” pourrait sans doute paraphraser la célèbre citation de l’écrivain nigérian (1er Africain, lauréat du Prix Nobel de la littérature en 1986) en ayant présent à l’esprit que “Le tigre ne proclame pas sa tigritude, il bondit sur sa proie et la dévore”.
15-Moustapha Ben Barka, ministre/Ségal, du 30 décembre 2017 en février 2020
Banquier et ingénieur financier. Promu au poste du plus proche collaborateur de son oncle de président, IBK, le neveu Moustapha Ben Barka suscite curiosité et interrogations sur ses valeurs intrinsèques à cause de son âge. Pour autant, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas une première qu’un cadre quadra se trouve propulsé au rang très envié de ministre/secrétaire général de la présidence. Bien avant lui, en juin 1983,
l’ingénieur des constructions civiles et des mines, Mohamed Alhousseyni Touré, à 37 ans (il est né le 11 février 1946 à Niafunké) était nommé à ce poste par le président Moussa Traoré. Ce record de jeunesse non encore pulvérisé est loin d’être un vice rédhibitoire pour la réussite de la mission pour le promu. Moustapha Ben Barka se trouve, en comparaison relative, dans cette posture où l’on met plus l’accent sur son “expérience” que ses atouts intellectuels et managériaux. A vrai écrire, le jeune Ben Barka est une tête bien faite en raison, entre autres, de l’environnement familial : il est le fils de Lamine Ben Barka (1er Directeur Général de l’Agetipe-Mali au début des années 1990) et de Mme Lalla Maïga (sœur de l’actuelle première Dame et fonctionnaire internationale spécialiste dans les questions de l’éducation). Il est notamment détenteur des diplômes obtenus dans les universités canadiennes : un Executive MBA de l’Université du Québec à Montréal, un brevet de l’Institut des banquiers canadien, un Graduate Certificate de McGill University et un Bachelor en Finance et Commerce international de HEC Montréal. Muni de tels parchemins, il connait une carrière professionnelle non négligeable. Il a ainsi servi notamment à la Banque nationale du Canada où il a été successivement : analyste de produits dérivés, trésorerie et marchés financiers (2000-2004), puis analyste senior chargé de l’amélioration continue optima, trésorerie et marchés financiers (2004-2005), ensuite vérificateur interne en trésorerie et marchés financiers (2005-2006) de la Banque canadienne. Ensuite, il a mis ses compétences au service du Groupe privé marocain Finance-Com International Sénégal où il a assumé les fonctions de directeur conseil et financements structurés (2007-2013). C’est de là qu’il rejoint le bercail avec l’accession du président IBK à Koulouba en septembre 2013. Depuis, Moustapha Ben Barka s’est illustré avec une ascension fulgurante. Tour à tour, il est devenu : ministre délégué, chargé de la Promotion des investissements et de l’Initiative privée (8 septembre 2013-11 avril 2014) ; ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements, du 11 avril 2014 au 10 janvier 2015. Il quitte ainsi l’attelage gouvernemental à l’instar d’autres ministres suspectés d’être impliqués dans le scandale politico-financier provoqué par le marché public d’acquisitions des équipements et effets militaires. Ce scandale fait grands bruits dans les milieux politico-médiatiques. Faisant fi du halo des récriminations et des dénonciations plus ou moins fondées, le président IBK fait appel, auprès de lui, au jeune Ben Barka en le nommant immédiatement secrétaire général adjoint de la présidence en le maintenant dans son rang de ministre. C’est de cette posture qu’il est finalement promu, le 30 décembre 2018, ministre/Ségal, suite à la nomination du titulaire, Soumeylou Boubèye Maïga, au poste de Premier ministre, le même soir de la veille de la Saint-Sylvestre.
Depuis mars 2020, Moustapha Ben Barka est vice-président de la BOAD où il a remplacé son compatriote Bassary Touré, admis à faire valoir ses droits à la retraite.
16 – Mme Maïga Kamissa Camara : Première femme secrétaire générale à 37 ans
Kamissa Camara est française, malienne et américaine. Du haut de ses 37 ans, cette battante vivait au pays de l’oncle Sam, après avoir obtenu sa carte verte en 2007, précieux sésame permettant de vivre et de travailler sur le sol américain.C’est par décret n°0294/P-RM du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita du 11 juin 2020 que Kamissa Camara a été nommée secrétaire générale de la présidence avec rang de ministre. Elle remplace à ce poste Moustapha Ben Barka, nommé vice-président de la BOAD en février 2020 avant de prendre fonction en mars. De mars à juin 2020, Emmanuel Sagara (secrétaire général adjoint) assurait l’intérim.
En juillet 2018, elle a été nommée conseillère diplomatique du président IBK avec rang d’ambassadeur. Ainsi, elle devient la première femme à ce poste dans l’histoire du Mali. Toute chose qui l’a poussée à quitter sa longue et riche carrière aux Etats-Unis pour venir servir son pays.
Kamissa Camara est la fondatrice du Forum stratégique sur le Sahel affilié au Centre d’études Africaines de l’Université de Harvard. De 2016 en 2017, elle a servi dans la campagne d’Hillary Clinton et dans son “Africa Policy Group”, en tant que conseillère stratégique sur la région du Sahel. De 2015 à 2018, Kamissa était employée par le Foreign Service Institute du Département d’Etat américain pour former des diplomates américains en partance pour l’Afrique subsaharienne sur les défis politiques, sécuritaires, institutionnels et de gouvernance qui touchent le continent.
Kamissa Camara était régulièrement invitée par CNN, la Voix de l’Amérique, Aljazeera, BBC, TV5-Afrique, France24… pour ses analyses pointues en politique africaine. Elle a publié également des analyses politiques très poussées dans Le Monde Afrique, Le Point Afrique, le Washington Post, Aljazeera, World Politics Review, etc.
Elle était, jusqu’en juin 2018, directrice Afrique de PartnersGlobal, une ONG américaine basée à Washington DC, aux Etats-Unis. A Partner, Kamissa supervisait des programmes de réforme du secteur de la sécurité, d’assistance à la société civile et d’accès à la justice à travers toute l’Afrique subsaharienne. Elle coordonnait et donnait des orientations stratégiques aux efforts de ses partenaires locaux pour promouvoir un dialogue entre société civile, gouvernements et institutions régionales.
Avant de rejoindre PartnersGlobal, Kamissa a passé de nombreuses années au National Endorment for Democracy (NED) et à la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES) ou elle a développé une expertise en assistance électorale, promotion de la démocratie, soutien aux acteurs de la société civile et réforme du secteur de la sécurité à travers l’Afrique.
Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Kamissa Camara occupait le poste de ministère de l’Economie numérique et de la Prospective jusqu’à sa démission du gouvernement Boubou Cissé, le 11 juin 2020 et sa nomination au poste de secrétaire générale de la présidence de la République du Mali.
Elle est diplômée de l’Ecole des hautes études en relations internationales de Paris et de l’Université Pierre Mendès France de Grenoble. Elle a obtenu un Master en économie politique et du développement. Au-delà de ses diplômes obtenus dans de prestigieuses universités à travers le monde, Kamissa est une musulmane pratiquante. En effet, elle applique ses obligations religieuses à travers les cinq prières quotidiennes.
Kamissa Camara parle couramment plusieurs langues notamment le français, l’anglais et le bamanankan.
Nos sources documentaires
-Articles du Quotidien d’Etat L’Essor et des journaux privés traitant les nominations des ministres-secrétaires généraux de la Présidence de la République ainsi que sur les parcours des ministres suite aux formations ou aux réaménagements ministériels.
-Association des Témoins et Grands témoins du Cinquantenaire ATGT50 : “Le Mali : Cinquante ans de quête d’indépendance. Témoignages et réflexions sur l’avenir “, Imprime4, Bamako, 2010 ; 160p.
-Campmas Pierre : ” L’Union Soudanaise RDA. L’histoire d’un grand parti politique africain. Tome premier (1946 – 1960) “, Collection La Recade, Editions Communication Intercontinentale, Paris, 1988 ; 240 p.
-Commission de publication des archives diplomatiques françaises : “Documents diplomatiques français: 1968. (1er janvier – 29 juin) “, Ministère des affaires étrangères, Paris, 2009, consultable sur https://books.google.ml/books?isbn=9052015376
-Diagouraga Modibo : “Modibo Kéïta. Un destin “, L’Harmattan, Paris, 2008 ; 176p.
-Diallo Abou Samba Oulèye : ” Les différents Gouvernements. De la Loi-cadre du 27 mars 1957 à la Troisième République du Mali “, Fascicule, Kayes, 2004 ; 39p.
-Diallo Djibril (Sous la direction de) : ” Le Mali sous Moussa Traoré “, Ouvrage collectif, Collection Mémoire, Editions La Sahélienne, Bamako, 2016 ; 212p.
-DiarraH Cheick Oumar : “le Mali de Modibo Kéïta “, L’Harmattan, Paris, 1986 ; 196p.
-Diawara Daba : ” La conquête de l’indépendance et l’édification du nouvel Etat du Mali, Etude documentaire “, Tome I (444p), Tome II (438p), Collection Repères, Editions Tropics, Bamako, 2011..
-Journal Officiel de la République du Mali (Années 1965, 1968, 1983, 1992, 1994, 1997, 1998, 2002, 2007, 2013, 2016 et 2018).
-Kamian Bakary : ” Connaissance de la République du Mali “, Secrétariat d’Etat à l’Information et au Tourisme, Bamako, 1961 ; 120p.
-Konaré Alpha Oumar et Adam Bâ : “Grandes Dates du Mali” EDIM, Bamako, 1983 ; 284p.
-Konaré Alpha Oumar : “Histoire des partis politiques au Mali. Du pluralisme politique au parti unique. 1946 – 1968 “, Cauris Livres, Bamako, 2016 ; 608p.
-Mallé Boubacar Nantégué : ” Les Gouvernements de la République du Mali. De l’indépendance à nos jours ” (EDIM, Bamako, 1992 ; 96p) ; ” Les Gouvernements de la République du Mali. Suite des Gouvernements de la Troisième République (1992 – 2007) ” (EDIM, Bamako, 2007 ; 88p) et ” Les Gouvernements de la République du Mali. Suite des Gouvernements de la Troisième République (1992 – 2015) ” (La Sahélienne, Bamako, 152p).
-Mémorial Modibo Kéïta : “Les Têtes de la République : Chefs d’Etats et Ministres du Mali de 1957 à 2007 “, Afrikibaru, Bamako, 2007 ; 202p.
-Sall Abdoulaye : “Le pari de la décentralisation au Mali. 1-Contribution ” (164p.) et “Le pari de la décentralisation au Mali. 2- Textes fondamentaux (1955-1993 “, (332p). Imprimerie SODIFI, Bamako, Août 1993.
-Sanankoua Bintou : ” La chute de Modibo Kéïta “, Editions Chaka, Paris, 1990 ; 188p.
-Sangaré Issa Balla Moussa : “Modibo Kéïta. La renaissance malienne “, L’Harmattan, Paris, 2016 ; 216p.
-Sites consultés : www ;sgg-mali.ml ; afribone.com, maliweb.net ; malijet.com ; maliactu.net ; bamada.net ; niarela.net ; journaldumali.com ; www.pressafrik.com/ ; primature.gov.ml ; wikipedia.org.
-Sy Ousmane : “Reconstruire l’Afrique. Vers une nouvelle gouvernance fondée sur les dynamiques locales “, Institut de recherche et débat sur la gouvernance, IRG (Paris) -Editions Charles Léopold Mayer (Paris) – Editions Jamana (Bamako), Novembre 2009 ; 224p.
-Traoré Amadou Seydou dit Amadou Djicoroni : “Défense et illustration de l’action de l’Union Soudanaise RDA. 1946 – 1968 “, Editions La Ruche à livres, Bamako, 1996 ; 292p.
Source: Aujourd’hui-Mali