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Nouveaux putschs : le Mali après le Burkina Faso ?

S’il y a un pays qui doit observer ce qui se passe au Burkina Faso avec beaucoup d’appréhensions, c’est bien le Mali. En effet, il y a de très grandes similitudes entre les situations du Burkina Faso et du Mali. Différentes sources confirment de profondes dissensions au sein de l’armée malienne et évoquent l’éventualité d’un coup d’Etat imminent. Enquête. 

Lorsqu’on observe de près, les conditions qui ont poussé le capitaine Ibrahim Traoré et ses copains à intervenir pour chasser le lieutenant-colonel Damiba du pouvoir sont aujourd’hui réunies au Mali.

En effet, dans leurs premières déclarations, les putschistes qui ont renversé Damiba expliquent leur action par le fait que le lieutenant-colonel poursuivait un agenda politique, en reléguant au second plan la lutte contre le terrorisme qui avait justifié le renversement de Roch Kaboré. L’agenda politique caché dont parle les nouveaux maîtres de Ouaga, c’est la réhabilitation de Blaise Compaoré. Selon mes informations, la grogne enfle dans les casernes au Mali, et particulièrement dans les rangs des unités combattantes sur tous les fronts, pour les mêmes raisons qu’au Burkina Faso.

L’agenda politique de Goïta critiqué

L’agenda politique du chef de la junte malienne ne semble pas faire l’unanimité auprès de la troupe. Un capitaine des Forces spéciales maliennes, actuellement sur le front, qui m’a parlé sous anonymat à travers le réseau social sécurisé Telegram, affirme que les troupes reprochent particulièrement au président de la transition le fait que « la priorité est aujourd’hui accordée à la propagande autour du mot souveraineté, au détriment de la lutte contre le terrorisme, de plus en plus négligée ». Très remonté, un commandant de l’armée de terre, lui aussi sur un des fronts au centre du Mali est plus explicite : « des activistes, vidéomans et tous ces panafricains étrangers reçus au palais sont grassement payés, au moment où nos salaires n’ont jamais été augmentés et nos primes sont toujours en retard ; sans compter que nos hommes ont droit à une alimentation basique ». Le jeune capitaine s’interroge sur « l’agenda réel » du président Goïta qui « distribue à grande pompe des forages à Bamako comme un politicien en campagne, alors que dans nos différents casernements au centre ou au nord, nous sommes réduits à consommer une eau sale et impropre, même pour les animaux ».

Un officier à Diabaly, une bourgade non loin de Niono, dans le centre du Mali, estime pour sa part que « l’objectif n’a jamais été de rompre avec la planète entière. Nous sommes en palabre avec la France, tous les pays de l’Union Européenne et, pire, nous avons transformé en ennemis la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Niger, des pays avec lesquels nous avons des liens multiséculaires. Même les Tchadiens qui étaient à nos côtés dans les moments les plus difficiles, nous nous sommes brouillé avec eux. Pourtant, nous savons que le Mali seul, ne pourra jamais gagner contre un terrorisme à caractère transfrontalier ».

Un sous-officier des renseignements à Gao ne pardonne pas le fait que « toutes les emprises où l’armée française s’est retirée ont été occupées par les groupes terroristes, ce qui démontre que nos autorités, occupées à faire de la propagande à Bamako, n’avaient même pas prévu un plan d’occupation du terrain après le départ des Français ». Très amer, le sous-officier, un Sonrhaï de Nyafunké, révèle que l’armée malienne dans toutes les zones du nord abandonnées par les forces françaises : « est plus préoccupée à se protéger plutôt qu’à protéger la population abandonnée au diktat des jihadistes. Assimi et sa bande nous ont trahi ».

Présence de Wagner, source de tensions

Un autre militaire malien, un sergent-chef en poste dans la zone du sahel occidental fulmine : « Avec 6.500.000 FCFA par mois, un soldat de Wagner touche le salaire de plus de 100 militaires Maliens ». Puis de conclure, désabusé : « Si tous ces milliards qu’on gaspille sur Wagner, sans aucun résultat sur le terrain, avaient été investis sur notre propre armée pour acquérir des équipements et recruter plus d’hommes, nous aurions déjà obtenu des résultats palpables ».

Des sources diplomatiques et sécuritaires à Bamako indiquent qu’au sein même de la junte, des dissensions relèvent désormais du secret de polichinelle. « Il y a deux camps qui s’observent et se surveillent dans le groupe des cinq colonels qui ont renversé IBK » affirment une source diplomatique au Mali généralement très informée. J’ai pu recouper cette information auprès d’un officier supérieur des services de renseignements maliens avec qui j’entretiens une amitié de plus de vingt ans. « Entre Assimi et Diaw, l’ambiance est similaire à celle qui régnait entre Sankara et Compaoré, quelques semaines avant que le second ne renverse le premier. Toutes nos informations, surveillances, analyses et renseignements sont formels sur le fait que le colonel Diaw (N°2 de la junte et président du Parlement de transition) n’attend que l’occasion idéale pour renverser le président ».

Dans l’entourage du colonel Goïta, l’on se veut rassurant. « La DGSE (Direction Générale de la Sécurité d’Etat) nous a régulièrement alerté et nous avons pris toutes les précautions. Tous les mouvements de Diaw sont surveillés et nous avons fait de sorte qu’il se sache surveillé, pour éviter qu’il ne commette une erreur qui lui serait fatale », m’a déclaré un des hommes en charge de la sécurité du chef de la junte malienne.

Si les hommes sur le terrain se plaignent de leurs conditions de vie et de travail, la dissension au sein de la junte malienne porte plus sur les choix stratégiques. Si Assimi Goïta et le colonel Sadio Camara (ministre de la défense) sont notoirement favorables à la Russie, les colonels Diaw et Wagué (Ministre de la réconciliation nationale), ne partagent pas le rapprochement avec la Russie, au détriment de la France. Un responsable politique malien soutien de la junte explique que « sans pour autant être particulièrement amis avec les Français, ces deux membres de la junte ont toujours été pour une approche plus intelligente que celle de la rupture brutale avec la France ». Par ailleurs, le chef de parti révèle que « Diaw et Wagué étaient favorables à une coopération officielle avec l’Etat russe, plutôt qu’à travers le truchement des mercenaires de Wagner ». Les observateurs auront remarqué que les deux officiers supérieurs ne se sont jamais associés à aucune des activités hostiles à la France régulièrement organisées au Mali et n’ont jamais tenu le moindre propos anti-français.

Rappelons qu’il y a quelques semaines, des hommes de rang avaient publié sur les réseaux sociaux, à visages découverts, une vidéo dans laquelle ils montraient leurs misérables conditions de vie dans ce qui leur sert de casernement à Macina, dans le centre du pays. Cette vidéo n’était que la face cachée de l’iceberg d’un mécontentement et d’une grogne qui enflent au sein de l’armée malienne.

Révoltés de voir l’armée malienne réduite à un rôle d’observateur dans les combats qui opposent actuellement différents groupes jihadistes et les mouvements sécessionnistes touaregs pour le contrôle du nord du Mali, les officiers et sous-officiers qui m’ont contacté ont été unanimes sur un point : « la question n’est plus de savoir si nous allons renverser Assimi, mais plutôt de savoir qui va prendre la tête du mouvement et quand nous allons passer à l’action. C’est devenu une question de survie, pour chacun de nous pris individuellement, mais également pour le Mali en tant que peuple et nation ».

Toutes nos tentatives pour faire réagir la Direction de l’Information et des Relations Publiques des Armées (DIRPA) sont restées vaines.

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