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Minusma: hypocrise et magouilles

Depuis le renouvellement du mandat de la Minusma, la tension couve entre Bamako et New York. En dépit de l’opposition de notre pays, le Conseil de sécurité a donné mandat de vadrouiller partout à la recherche de violation de droit de l’homme. Incapable de se protéger elle-même, la Minusma donnerait-elle un blanc-seing à d’autres forces armées de se déployer dans notre pays sans nous en tenir informés. En tout cas, sous la couverture épaisse de NSE (National support Element) 49 soldats ivoiriens ont débarqué dimanche 10 juillet à Bamako. La Minusma qui se mélange les pinceaux, souffle la chaude et le froid et accuse le gouvernement malien d’avoir été informé de l’arrivée de ceux qu’il qualifie de mercenaires. La diplomatie malienne ne se fait pas prier : demande de clarification et suspension de la rotation de tous les éléments armés de la Minusma en attendant d’y voir clair. Psychose sécuritaire ou compte à rebours avec la Minusma ? Le Mali choisira-t-il comme la RDC de demander purement et simplement le départ de la mission onusienne ?

 

Mercenaires venus avec le dessein funeste de briser la dynamique de la Refondation et de la sécurisation, ainsi que du retour à l’ordre constitutionnel dans notre pays ? Soldats de l’armée régulière ivoirienne déployés en tant qu’Éléments nationaux de soutien dans notre pays, en Mission confidentielle, rotation dans le cadre de la MINUSMA, sécurisation de la base logistique de la compagnie aérienne SAS ou protection du contingent allemand ? Le puzzle est loin d’être résolu. Aussi, la diplomatie malienne, qui veut prospective, demande des éclaircissements à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA) sur les pourquoi et comment de cette affaire rocambolesque et surtout sur les contre-vérités de son porte-parole Olivier Salgado qui n’a que peu d’estime et d’égard pour notre pays.

Clarifications
diplomatiques
Dans une correspondance en date du mardi 12 juillet 2022, le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de la République qui a été informé de l’arrivée à Bamako le 10 juillet 2022, par vol civil, «d’un contingent ivoirien dans le cadre d’une mission liée à la MINUSMA, sans information préalable des autorités nationales », du tweet de Olivier SALGADO, Porte-parole de la MINUSMA, affirmant que ’’leur relève du 10 juillet 2022 aurait été préalablement communiquée aux autorités nationales”. Aussi, souhaite-t-il des éclaircissements- sur cette question quand on sait que la Note verbale de l’Ambassade de Côte d’Ivoire à Bamako transmettant les documents date du 11 juillet 2022.
La diplomatie malienne exige aussi de la Minusma « une clarification des liens légaux ou contractuels entre les militaires ivoiriens concernés, Sahel Aviation Service et le contingent allemand de la MINUSMA » avant de lui demander de lui soumettre à temps, tous les documents nécessaires à la mise en route sur le Mali de ses contingents et de leurs contractants ou cocontractants. Enfin, le Mali souverain exige de la Minusma de lui faire le point des effectifs des Éléments nationaux de Soutien, assorti de la précision de leurs lieux de déploiement et des missions à eux confiées.

En attendant les éléments de clarifications demandés, il est clair que la Minusma ne peut prétendre que les 49 soldats ont été déployés dans le cadre d’une mission de l’ONU. Parce que Farhan Haq, porte-parole adjoint de l’ONU, et Olivier Salgado, porte-parole de la Minusma, tous deux s’accordent à dire que les 49 soldats arrêtés ne faisaient pas « formellement partie de la Minusma » : «les soldats interpellés hier dimanche à l’aéroport de Bamako ne font pas partie de l’un des contingents de la MINUSMA».

Enregistrements
frauduleux
Alors la question est : comment et pourquoi, ne faisant pas partie des effectifs de la Minusma, « les éléments arrêtés ont été enregistrés dans les fichiers de la MINUSMA à l’aéroport de Bamako, dès leur arrivée » ? Cette information scandaleuse a été donnée par le Colonel Guezoa Mahi Armand, conseiller opération extérieure du Chef d’État major général des armées au cours d’un point de presse qu’il a animé ce mercredi 13 juillet dans la salle de conférence de l’État major de Côte d’Ivoire à Abidjan-Plateau et relayé par la presse ivoirienne (news.abidjan.net).
Le colonel Guezoa Mahi Armand va plus loin en affirmant sans être contredit jusqu’à ce jour par la Minusma que « tous leurs prédécesseurs ont toujours bénéficié du badge UN qui atteste de leur présence officielle et des décorations ONU au terme de leur mission. Comme les éléments de la section descendante ont été décorés le 10 juin dernier sur leur base à l’aéroport par le Commandant de la Force de la MINUSMA »… Comment des gens qui ne font pas partie des effectifs de la Minusma peuvent être « enregistrés dans les fichiers de la Minusma » et bénéficier des badges UN ? Pour quels services à elle rendus la Minusma donnerait-elle des décorations à des gens qui ne travaillent pas pour elle ?
Si pour les autorités militaires ivoiriennes, c’est là une preuve éloquente de la reconnaissance officielle de ce détachement par la Minusma, il met aussi à nu une incohérence dont la MINUSMA se livre au détriment des intérêts de notre pays. Parce que clairement cela signifie que n’importe qui peut avoir au Mali un badge UN et que la Minusma délivre ses décorations à des tiers qui n’ont aucun lien direct avec elle. Pourquoi pas demain à une équipe de rugby en tournée à Bamako !
Sinon la pratique vertueuse des Nations-Unies aurait voulu que chaque élément du contingent reçoive son passeport et son badge UN avant même de quitter son pays pour rejoindre la mission. Mais non, pour la Minusma notre pays est un no man’s land, elle peut faire ce qu’elle veut, comme elle veut, yafoï comme le disent justement les Ivoiriens.
En effet, à travers cette crise des 49 soldats ivoiriens, on voit bien que des effectifs en arme d’un pays tiers peuvent se trouver déployés dans notre pays et y évoluer sous le nom de la MINUSMA, qui ne les gère pas, ne les contrôle pas et ignore même ce qu’ils font. Mais d’aucuns trouveront que le Mali exagère en demandant des éclairements à la Minusma, comme si ce qu’elle fait est un fait accompli, œuvre Dieu qu’on ne peut qu’agréer. Doit-on permettre à la Minusma au nom de la légitimité internationale de se livrer à des magouilles dans notre pays ?

Seuil d’incapacité et d’inutilité
Ayant largement dépassé son seuil d’incapacité et d’inutilité, la Minusma à travers un verbiage diplomatique, avec toutes les excuses pour les vrais pratiquants de cet art, joue à l’hypocrisie pour un agenda elle aussi à clarifier. En effet, au-delà des scandales et des magouilles à la pelle, la question qui se pose est de savoir pourquoi la Minusma est-elle déployée finalement dans notre pays ?

Par la résolution N°2100 du 25 avril 2013, le Conseil de sécurité des Nations unies en vue de permettre la stabilisation des principales agglomérations et d’apporter sa contribution au rétablissement de l’autorité de l’État dans tout le pays, a donné comme mission à la Minusma, «en appui aux autorités de transition maliennes (de) stabiliser les principales agglomérations, en particulier dans le nord du pays, et, dans ce contexte, écarter les menaces et prendre activement des dispositions afin d’empêcher le retour d’éléments armés dans ces zones; (de) aider les autorités de transition maliennes à étendre et rétablir l’administration de l’État dans tout le pays ». Où en sommes-nous aujourd’hui avec la résolution N°2640 du 29 juin 2022 ?

En juin 2022, dans le cadre de son «appui à la stabilisation et au rétablissement de l’autorité de l’État dans le centre du pays », le Conseil de sécurité prône de : «aider les autorités maliennes à convenir d’une stratégie politique globale et inclusive visant à lutter contre les causes profondes et les facteurs des conflits violents, à protéger les civils, à réduire les violences intercommunautaires et à rétablir la présence et l’autorité de l’État ainsi que les services sociaux de base dans le centre du Mali, et à assurer sa mise en œuvre;
ii) Faciliter la restauration de la présence et de l’autorité de l’État ainsi que le rétablissement des services sociaux de base dans le centre du pays, en assurant une coordination renforcée entre les composantes civile et militaire de la Mission, ainsi qu’avec les populations locales et régionales, les groupes et les autorités militaires et civiles, et soutenir le redéploiement des Forces de défense et de sécurité malienne dans cette zone, y compris en continuant d’apporter un soutien opérationnel et logistique et un appui dans le domaine des transports pendant les opérations coordonnées et les opérations conjointes, grâce à une planification claire, cohérente et dynamique, à un renforcement du partage des informations et du renseignement, et à un appui dans le domaine des évacuations sanitaires, dans la limite des ressources existantes;
iii) Aider les autorités maliennes à faire en sorte que les responsables de violations des droits humains et d’atteintes à ces droits, ainsi que de violations du droit international humanitaire, aient à répondre de leurs actes et soient traduits en justice dans les meilleurs délais ».

Entre actions sociales et politiciennes
La Minusma, si elle n’est pas en train de couvrir des activités mafieuses du genre NSE qui vire au vinaigre, joue aux veuves effarouchées, pardon aux défendeurs des droits de l’homme dans un théâtre d’opérations qu’elle a été incapable de pacifier neuf ans durant. Entre actions sociales et politiciennes qu’elle tente de mener si l’effervescence djihadiste le permet, la Minusma officiellement et prioritairement est chargée d’apporter son «appui à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et à la pleine réalisation de la transition politique ». La CMA peut du bout des lèvres crier à l’abandon en plein vol de la mise en œuvre de l’Accord, mais est-ce celle-ci est vraiment la priorité numéro un du Mali en ce mois de juillet 2022 ?

Le Conseil de sécurité mal aiguillonnée assigne à la Minusma la mission prioritaire de jouer aux bons samaritains en exerçant «les activités de bons offices, de renforcement de la confiance, de facilitation du dialogue et de médiation du Représentant spécial du Secrétaire général aux niveaux national et local, en vue d’appuyer un dialogue axé sur la réconciliation et la cohésion sociale avec et entre toutes les parties prenantes, encourager et soutenir la mise en œuvre intégrale de l’Accord, notamment en dirigeant le secrétariat du Comité de suivi de l’Accord, et soutenir la pleine réalisation de la transition politique ». L’indolente machine onusienne doit mettre ses logiciels à jour. Car, au Mali désormais on parle plus de «mise en œuvre intégrale de l’Accord » terme qu’utilisaient uniquement les ex-rebelles, mais officiellement de mise en œuvre intelligente de l’accord.

L’État malien se mettra un doigt dans le nez s’il compte sur l’appui de la Minusma pour la mise en œuvre des réformes politiques et institutionnelles qu’il envisage dans le cadre du Mali-Koura. Car l’appui aux réformes dont il s’agit c’est celles « prévues par l’Accord, en particulier dans son titre II». Comme le Père noël ne vient pas en juin, les Maliens auront compris le leurre que consiste l’appui de la Minusma aux « efforts faits par le Gouvernement de transition pour rétablir et étendre effectivement l’autorité de l’État et l’état de droit sur tout le territoire, notamment en concourant au bon fonctionnement des administrations intérimaires dans le nord du Mali selon les conditions énoncées dans l’Accord». Autrement, le Conseil de sécurité des Nations unies à l’entame de la même résolution n’aurait pas clairement indiqué que « c’est avant tout aux autorités maliennes qu’il incombe d’assurer la stabilité, la sécurité et la protection des civils sur l’ensemble du territoire malien » et n’aurait pas exhorté les autorités de la transition à poursuivre les efforts qu’elles consentent pour s’acquitter de leurs obligations à cet égard.

Que fait-elle concrètement la Minusma pour notre pays en matière de défense et de sécurité ? Rien. Sauf s’agissant de la mise en œuvre des mesures de défense et de sécurité prévues par l’Accord, en particulier dans son titre III et à l’annexe 2, d’ «appuyer, surveiller et superviser le cessez-le-feu (entre qui ?), y compris en continuant d’appliquer des mesures de contrôle relatives aux mouvements et à l’armement des groupes armés signataires, notamment dans des zones désignées où les armements sont interdits, et lui rendre compte des violations du cessez-le-feu ».

Soutien hypocrite
En tout cas, le Mali aurait aimé sentir depuis des années de la part de la Minusma, un précieux soutien dans le cadre du cantonnement et du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion des groupes armés, notamment grâce à l’intégration dans les Forces de défense et de sécurité malienne d’éléments des groupes armés signataires à titre de mesure provisoire. « La poursuite de l’exécution d’un programme de lutte contre-la violence de proximité, dans le cadre d’une réforme inclusive et consensuelle du secteur de la sécurité, en tenant compte des besoins particuliers des femmes, des enfants et des personnes appartenant à des groupes marginalisés, comme les personnes en situation de handicap, et sans préjudice des plans de la Commission nationale de désarmement, démobilisation et réinsertion et de la Commission d’intégration… » est devenue une redondante à fil des résolutions qui se suivent et se ressemblent en ce qu’elles apportent aux populations et à l’amélioration du contexte sécuritaire.
La résolution dit que la Minusma soutiendra «l’élaboration par toutes les parties prenantes maliennes d’un plan complet de redéploiement des Forces de défense et de sécurité malienne réformées et reconstituées dans le nord du Mali, notamment dans l’objectif qu’elles assument la responsabilité de la sécurité », et facilitera ce « redéploiement en apportant un soutien opérationnel et logistique et un appui dans le domaine des transports pendant les opérations coordonnées et les opérations conjointes, en contribuant à la planification, en intensifiant les échanges d’informations et en fournissant un appui dans le domaine de l’évacuation sanitaire, dans la limite des ressources disponibles et sans préjudice des principes fondamentaux du maintien de la paix ». En clair s’il s’agit de transporter nos soldats d’un coin à un autre dans le nord du pays, et ce dans le cadre des Forces de défense et de sécurité maliennes réformées et reconstituées, la Minusma est disponible. Sinon pour le reste, nous devons nous débrouiller tout seuls.

Oui, la Minusma soutient le Mali. Mais de quelle manière ? Hypocritement. En déployant une force (15.000 soldats et policiers) qui sont là sans rien faire sous prétexte de maintenir une paix qui est quotidiennement mise à mal par les terroristes et dans l’absence totale de coordination sous-régionale. Et on y ajoute les soupçons de magouilles qui planent sur elle dans cette affaire des 49 mercenaires…on finira par donner raison à Modeste Bahati Lukwebo, président du Sénat de la RDC qui a demandé ouvertement lors d’un meeting le départ de la Monusco : « la Monusco (Mission de stabilisation de l’ONU en RDC – ndlr), elle doit plier les bagages».

PAR SIKOU BAH

Source : Info-Matin

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