Les à-côtés des rassemblements révèlent bien d’autres choses que les discours des leaders. Alors que certains œuvrent pour la protection et la sécurité des manifestants et observateurs, nombreux sont ceux qui gagnent leur pain, lors de ces protestations populaires.
Des personnes qui assurent le parking pour surveiller les motos ainsi que des vendeurs ambulants sont les plus heureux des rassemblements au Boulevard de l’Indépendance. Ils ne retournent pas bredouille à la maison. Des vendeurs de parapluies, d’imperméables, d’arachides, d’eau fraiche, de vuvuzelas, entre autres, ont fait écouler leurs produits.
Vers 14h, Tidiani Koné, avait déjà vendu plus de 100 vuvuzelas. Chaque vuvuzela est cédé à 500 Fcfa, selon lui. « Je peux vendre 200 vuvuzelas à chaque rassemblement », confie-t-il, en quête de clientèle, en face des anciens locaux du ministère de l’Economie et des Finances.
Alors que les manifestants soutiennent l’ambiance, une dame fait son petit commerce de T-shirt rouge avec effigie FSD (Front pour la sauvegarde de la démocratie). « J’ai vendu 50, en raison de 1500 Fcfa l’unité. Je continue à vendre», dit-elle, tenant à son anonymat.
De l’autre côté, dans le jardin en face à la Bourse du Travail, Badara tient son parking de motos des manifestants. A notre passage, aux environs de 15h, il n’avait pas atteint le nombre habituel d’engins qu’il garde. « Mon premier carnet de tickets n’est pas fini d’abord. Nous avons 100 tickets dans un carnet. Chaque ticket, à l’occasion des manifestations, coûte 200 Fcfa. J’ai écoulé plus de deux carnets lors des dernières manifestations. Mais je ne désespère pas, car il n’est pas encore 16h », détaille-t-il.
La mobilisation est lente à se dessiner lors du rassemblement du mardi 11 août. Peut-être à cause de la fine pluie toute la matinée ? Il a fallu plus de 2 heures d’horloge pour voir les quatre rues qui débouchent sur la Place de l’Indépendance se remplir de monde. Depuis 14h30, certains responsables du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), prennent place à la loge officielle à la Place de l’Indépendance. Les choses proprement dites débutent après 16 heures. L’Imam Mahmoud Dicko, lui-même, arrive mobilisation sur les lieux à 16h35mn.
De nombreux journalistes ainsi que des animateurs de réseaux sociaux prennent place sous le podium. Des drones aussi survolent le ciel. L’accès à cet endroit par des hommes de médias est conditionné à un contrôle strict des éléments de la sécurité du M5-RFP. « Personne n’entre sans être soumis à ce contrôle », dit un agent de sécurité en train de contrôler le sac d’un confrère. Ces hommes de sécurité du M5 portent des brassards rouges et jaunes. Ils sont une centaine.
« Nous avons toujours maintenu la sécurité des manifestations dont fait partie la CMAS. Nous restons sur place jusqu’à la désinstallation du matériel de sonorisation, des bâches et des chaises. C’est nous qui assurons la sécurité chez l’Imam Dicko », précise Demba Sanogo, agent de sécurité du M5-RFP.
Quant aux agents de maintien d’ordre, ils sont moins visibles aux abords proches du rassemblement. Cependant, un pick-up de la gendarmerie avec des éléments était stationné à une intersection de rues non loin. Une ambulance médicalisée de la protection civile était en position près de la Bourse du travail, prête à intervenir.
SANTE DES MANIFESTANTS – Les éléments de la protection civile sont postés, près du podium, à coté des journalistes. Ils ont porté secours à quelques rares personnes sujettes à des malaises, après être resté debout de longues minutes.
« Nous sommes ici pour tout le monde, les manifestants, les journalistes, les porteurs d’uniforme, entre autres…Nous n’avons pas relevé beaucoup d’incidents », relate un sous-lieutenant de la protection civile alors que ces éléments procèdent au contrôle du sac d’un quinquagénaire. Cet homme d’une taille moyenne, la barbe fournie, habillé d’un boubou blanc sur un demi pantalon qui s’arrête au bas du genou, s’est installé parmi les reporters. Plus de peur que de mal ! Les contrôles ne révèlent rien sur lui.
Quelques minutes, après, arrive le directeur régional de la protection civile du District de Bamako, le colonel Adama Diatigui Diarra. Il veut, par lui-même, constater le travail de ses agents. Le colonel Diarra nous signale qu’il y a eu seulement des cas de malaises. « Je suis en train de faire le point de la situation avec mes éléments. A part des malaises, pas de cas grave », note-t-il.
Des médecins civils épaulent la protection civile lors de ces manifestations du M5-RFP. Ils portent des badges avec mention «Santé : M5-RFP». Le Dr Koita, en conversation sur la situation avec le colonel Adama Diatigui Diarra, confirme les propos des responsables de la protection civile. « Comparativement aux autres jours, aujourd’hui, il y a eu peu d’interventions », relève-t-il, ajoutant qu’ils opèrent en appui aux agents déployés par la protection civile sur d’éventuels malaises de type hypoglycémie, pertes de connaissance ou vertiges sous l’effet de la chaleur. « Il pleut, depuis ce matin, c’est pourquoi le taux d’intervention n’a pas connu de hausse », explique-t-il. Tout d’un coup, avant la fin de notre entretien, un agent de la sécurité fait signe au Dr Koita pour secourir un de leur qui ne peut plus se tenir sur ses pieds.
ATMOSPHERE…Les manifestants sont de tous âges. Des vuvuzelas agressent les tympans. Des militants de partis politiques et autres regroupements ou associations composant le M5-RFP se distinguent à travers leurs habillements. Certains jeunes portent un t-shirt rouge. Des femmes se singularisent avec leur foulard rouge, tenant en main des balaies et autres ustensiles de cuisine. Des groupes de femmes en burka, foulard rouge, sont aussi de la partie. « J’ai toujours participé aux manifestations initiées par l’Imam Dicko. Nous protestons contre la mauvaise gouvernance », déclare une femme, en accoutrement de sunnite.
Des hommes au teint clair, enturbannés, regroupés dans la Plateforme du 10 juillet sont venus de Tombouctou. « Il faut un changement. Nous sommes là pour ça. Nous voulons que le système change », s’exprime Abdoulaye Ag Mohamed de cette plateforme.
Certains jeunes sont juchés sur les murs du Haut conseil des collectivités territoriales. Au même moment, des manifestants, qui habitants non loin de la Place de l’Indépendance, côté Est, ont pris d’assaut le toit de leur étage alors que certains filment des participants à travers les fenêtres de leur maison.
Un couac !!! Le podium ne peut contenir tout ce monde composé des responsables du M5-RFP et de leur sécurité rapprochée. Le préposé à l’animation arrête le son et demande aux personnes « moins importantes » à la tribune de descendre. Certains partisans, parmi les manifestants, ne veulent pas qu’on arrête la musique. Alors que nous continuons notre reportage, un manifestant nous charge d’aller dire à la partie technique de laisser jouer la musique.
Des banderoles affichent quelques slogans : « Imam Baaraka Alahou Fika » à l’effigie de l’Imam Mahmoud Dicko ; « Le professeur Clément Dembélé : le peuple du Mali proclame sa victoire » ; « le cousinage à plaisanterie (Sinâgoûya) : c’est une réalité au Mali, la fraternité et l’union du peuple pour la paix éternelle au Mali ».
Pour leur part, le Collectif des jeunes patriotes de Tombouctou circulent avec la banderole et le slogan : « Le Collectif des jeunes patriotes de Tombouctou soutient les actions du M5-RFP et demande la libération immédiate de Soumaila Cissé. Un nouveau Mali est possible ».
Un autre fait marquant est la nourriture des manifestants. Une dame apporte aux participants du riz au gras, lors de chaque rassemblement du M5-RFP. Nous l’avons rencontrée. Habillée en robe multicolore, très occupée à distribuer les plats. Elle s’appelle Mme Kéita Assitan Kéita. « Je tire cet argent de ma propre poche. J’injecte plus de 400 000 Fcfa à chaque rassemblement du Mouvement, depuis la première manifestation. Aujourd’hui j’ai préparé 150 kg du riz. Les fois, c’était de 110 à 120 kg », raconte-t-elle.
OD/MD
(AMAP)