Comme on pouvait le deviner, c’est dans un contexte tout particulier que le Mali a célébré ce mardi 22 mars, les 60 ans de son indépendance. L’évènement qui aurait pu donner lieu à des semaines de réjouissances, s’est déroulé dans la plus grande sobriété. Seule la solennité de l’anniversaire a prévalu. En cause, la crise que connait le pays à la suite du coup d’Etat qui, le 18 août dernier, a écourté le second mandat d’Ibrahim Boubacar Keïta. Coup d’Etat, une expression qui demeure justement intimement associée à l’histoire du pays durant les 60 ans dernières années. Il en a connu quatre au total. La conclusion sous-jacente étant que l’armée, elle aussi, a marqué l’histoire du Mali. L’autre fait marquant du bilan que l’on peut dresser de ces 60 ans étant le déficit criard de confiance entre l’élite malienne dans son ensemble et les Maliens lambda. Toutes choses qui font que ce vaste pays, réceptacle de faits historiques fort instructifs, demeure encore et toujours au rang des pays les plus pauvres de cette planète. Un destin immérité que la Transition en gestation a l’impérieux devoir d’inverser en aidant le Mali à amorcer un nouveau départ.
Quand un anniversaire aussi symbolique que celui marquant les 60 ans de l’indépendance d’un pays coïncide avec le début d’une transition politique, il y a des raisons d’y voir un clin d’œil du ciel. Cela est encore peut-être plus valable pour le Mali dont le bilan depuis l’accession à la souveraineté nationale n’est pas particulièrement élogieux. Entre autres, nous retenons de ce bilan les coups d’Etat à répétition, la dictature de Moussa Traoré, la difficile cohabitation ente le nord et le reste du pays, la corruption et l’inconséquence de l’élite et l’insécurité symbolisée par l’occupation des 2/3 du pays par des groupes terroristes. Pour un pays drainant un bilan aussi peu reluisant, une transition politique est même une aubaine à saisir. C’est l’occasion d’apporter quelques corrections et de réajuster les choses. Et au Mali, certains ont même employé le terme de refondation. Ce qui n’a rien de surfait, car c’est bien d’un nouveau départ dont le Mali a besoin pour exorciser tous les démons qui l’ont jusqu’ici tiré vers le bas. C’est tout le défi qui attend les responsables de la transition.
Tout d’abord, pour stopper la spirale des coups d’Etat, cette tâche noire qui colle à la peau du Mali, il faut repenser la gouvernance du pays. Entre les dirigeants et ceux au nom desquels ils sont censés agir, un nouveau pacte moral est nécessaire. Les Maliens doivent pouvoir faire confiance en leurs dirigeants et administrateurs. Mais cette confiance-là ne se décrète pas. Elle se mérite. Elle suppose une dose conséquente de responsabilité et le sens du patriotisme de la part de ceux ont en charge la gestion des affaires publiques. La contestation dont Ibrahim Boubacar Keïta et son administration ont fait l’objet durant les trois derniers mois qui ont précédé le coup d’Etat doit pouvoir inspirer l’élite malienne dans son ensemble. Bref, pour son nouveau départ, doit pouvoir compter sur un nouveau type de responsable. Un nouveau type que la transition peut aider à faire à advenir en aidant à ancrer pour de bon la gestion vertueuse de la chose publique. Ce qui suppose l’élaboration des règles de cette gestion vertueuse et la mise en place d’institutions pour les mettre en application.
La transition politique peut par ailleurs se saisir de l’épineuse question de la crise au nord du Mali. Bien sûr, on ne s’attend pas à ce que l’armée malienne puisse, d’un coup de baguette magique, inverser le rapport de force qui lui est aujourd’hui défavorable dans maints endroits du Mali. Mais le nouveau président de la transition et les acteurs de cette période exceptionnelle peuvent bien se réapproprier l’accord d’Alger. Celui-ci, si nécessaire, peut même être dépoussiéré. Il n’est même pas exclu que l’on rebatte toutes les cartes. Qu’on ne s’interdise rien quand il est question de restaurer la paix et la tranquillité. Si pour cela un nouveau diagnostic est nécessaire, eh bien qu’on y aille, en vue de comprendre les raisons profondes de la crise. Certes, il serait trop prétentieux d’attendre d’une transition ne devant excéder 18 mois qu’elle trouve une solution à une crise qui, en réalité, dure depuis des années. Mais la transition peut bien poser les fondations. Elle mettre en place les bases qui pourront guider l’équipe qui héritera du pays au lendemain de la transition. On peut notamment attendre du colonel major Bah N’Daw, le président de la Transition qu’il prête une oreille attentive à la crise de l’Azawad. Les revendications des communautés de ces zones tout aussi lointaines qu’arides méritent qu’on les examine avec lucidité, afin d’en apprécier la pertinence. Et c’est cela l’autre devoir de la Transition.
Boubacar Sanso BARRY
Source: ledjely