Depuis près d’un mois, des membres de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) sont ciblés. Début septembre, l’un de ses commandants au MOC de Tombouctou est assassiné. Puis d’autres attaques suivent. La dernière en date est une tentative d’assassinat sur un autre responsable de la CMA au sein du même mécanisme, le 28 septembre, à quelques encablures de la Cité ville de 333 saints. Que se passe-t-il ?
« Nous pensons aujourd’hui que la CMA dérange beaucoup des gens ». C’est en tout cas à cette conclusion qu’est parvenu Ilad Ag Mohamed, l’un des porte-paroles de la Coordination des mouvements de l’Azawad, mouvement signataire en 2015 de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Le 28 septembre, le coordinateur du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Tombouctou, membre de la CMA, échappe à une tentative d’assassinat en dehors de la ville. Quelques semaines plus tôt, Salim Ould Mbekhi, commandant de ce même mécanisme pour le compte de la CMA, est assassiné par de présumés djihadistes. Pour Ilad Ag Mohamed, « les groupes terroristes s’opposent au MOC et le considèrent comme leur cible », c’est pourquoi « ils visent très souvent » ses maillons forts.
Si la CMA est harcelée par des groupes terroristes, elle est aussi ces derniers temps dans les viseurs de la Force Barkhane. Le 27 septembre, cette force antiterroriste a arrêté au bureau régional du mouvement de Ménaka huit de ses éléments. C’était à l’issue d’une opération ayant mobilisé 120 parachutistes et des troupes au sol. Ilad Ag Mohamed, qui n’apprécie pas ce genre d’incursions, s’explique. « Barkhane visait un individu qui n’est pas un membre actif de la CMA. Selon elle, il aurait participé à l’attaque de poste de garde de Ménaka en janvier et serait aussi membre du groupe Etat islamique dans le grand Sahara (EIGS), ce qui est faux ». Pour le journaliste et éditorialiste malien Adam Thiam, la Force Barkhane « intervient généralement quand il y a un soupçon de connexion avec des djihadistes », avance-t-il, sans pointer du doigt aucun groupe. Alors que des voix ne cessent d’invoquer des passerelles entre des groupes djihadistes et certains mouvements signataires de l’Accord, le porte-parole de la CMA apporte quelques éclaircissements. « Il est vrai qu’il y a des mouvements membres de la CMA qui ont un passé islamique, comme le Haut conseil islamique sorti des entrailles d’Ansar Edin. Mais aujourd’hui il n’y a plus aucune relation entre les deux », précise Ilad Ag Mohamed.
Tandis que le GATIA et le MSA mènent à Ménaka, avec Barkhane, des opérations contre des groupes terroristes, la CMA, quant à elle, campe sur ses positions. « Il y a ceux qui veulent utiliser la CMA comme un mouvement supplétif des armées qui combattent le terrorisme, sans aucune condition. Or, nous nous pensons que notre première responsabilité est de faire tout pour que l’Accord soit mis en œuvre, dans toutes ses dispositions », met ainsi en avant le porte-parole du mouvement. Il ajoute toutefois : « quand on sera parvenu à une armée nationale reconstituée, il n’y a aucun doute que l’une de ses missions urgentes sera la lutte contre le terrorisme ».
Dans ces zones du nord, la question terroriste est complexe et très sensible. Et elle engendre le plus souvent des conflits communautaires et intracommunautaires.
Un nouveau tournant ?
« Il y a un nouveau tournant dans la guerre du nord, à travers l’assassinat d’un membre du MOC à Tombouctou et une plus forte implication de Barkhane dans des questions de proximité à Ménaka et à Kidal », souligne Adam Thiam. Le 26 août dernier, la force française a mené des frappes sur la position d’un membre de l’EIGS dans la région de Ménaka. Sa récente descente dans cette ville est surtout perçue par les analystes comme « un exercice d’avertissement ». « Il y a la volonté de mener une opération de communication », dit Baba Alfa Umar, chercheur sur les questions sécuritaires au Sahel. Selon lui, l’opération de Ménaka est « comme une action tactique faisant partie d’une stratégie robuste, inchangée pour tout ce qui revient comme horreurs depuis le terrain ces derniers semaines », relève-t-il.
Face à ces évènements, la CMA espère une accélération prochaine de la mise en œuvre de l’Accord et entend, dès le 15 octobre, discuter de toutes ces questions pour prendre des mesures internes.
Journal du mali