Suite de notre série de reportages consacrés à la fin de la mission Barkhane. Au Mali, au milieu du désert du Sahara, certains villages vivent complètement isolés du reste du monde. Et ils sont souvent victimes des groupes armés terroristes, qui pillent leurs vivres, et harcèlent la population.
Notre reporter Antoine Estève a pu se rendre dans deux villages des montagnes d’Hombori, après une marche difficile, accompagnés par des vaillants marsouins du 2e Régiment d’Infanterie de Marine.
Aujourd’hui, les marsouins du capitaine Socrate vont devoir démontrer leur capacité de résistance physique hors-norme.
Un massif rocheux au milieu du désert. Des pics sombres à plus de 1000 mètres d’altitude. Des canyons recouverts de pierres noires. C’est le décor grandiose de la mission du jour.
Les troupes d’infanterie du deuxième RIMA doivent inspecter deux villages d’éleveurs de brebis et de chèvres, accrochés à la montagne. Des mouvements suspects sont régulièrement signalés dans la zone. Et grâce à des soldats maliens qui les accompagnent, ils vont pouvoir rencontrer des populations isolées, dans une zone très fréquentée par les groupes armés terroristes.
Avant de partir, le capitaine malien Ousmane Camara, nous explique pourquoi la mission est dangereuse, avec des habitants qui – parfois – collaborent avec l’ennemi : «Les habitants ont peur. Quand on vient les voir, on reste quelques heures sur place. Mais eux, ils vivent ici. Les terroristes reviennent les voir plus tard, et les menacent. Le seul moyen de bien communiquer avec la population locale, c’est d’obtenir quelques numéros de téléphones, et on compte sur eux pour nous contacter plus tard, s’ils ont des infos à donner sur leurs agresseurs.»
«VOUS AVEZ VU DES TERRORISTES PAR ICI ?»
Il fait 47 degrés à l’ombre. L’air est brûlant. Le sol dégage une chaleur indescriptible. Les pieds surchauffent dans les chaussures. Le début de l’ascension est particulièrement pénible. La rocaille noire semble infranchissable. Le souffle court, un voile blanc devant les yeux, les vêtements trempés par la transpiration, je suis à la limite de la syncope.
Chaque soldat porte 30 kilos sur lui, l’équipement, l’armement, le gilet pare-balle, le casque lourd. Il faut marcher lentement, sans réfléchir. Se laisser porter par l’objectif, ce village, tout en haut de la paroi raide.
Sur le plateau supérieur, avant les premières habitations, une dizaine de maisons en ruines semblent abandonnées au milieu du chemin. Les soldats les inspectent, armes aux poings. Ils redoutent un tireur embusqué, qui pourrait les viser, depuis une ruine. Aucun signe de vie dans la rocaille sombre.
Cinq cents mètres au-dessus, à notre arrivée dans le village de Kantakine, les habitants sortent de chez eux. Les militaires sont plutôt bien accueillis. On sent que notre présence est exceptionnelle, c’est un moment rare pour eux. Des dizaines d’enfants nous entourent. Curieux, et parfois souriants. « Vous avez vu des terroristes par ici ?», «Non, on n’a vu personne depuis le début de la guerre chez nous», répond un jeune homme au lieutenant Souleymane.
LES VILLAGEOIS VIVENT EN RETRAIT DES COMBATS
Le capitaine Socrate et ses hommes engagent la discussion avec les chefs du village. «Ici, on n’a jamais vu de bandits depuis le début de la guerre. Enfin… Ici dans notre village. Après je ne peux pas vraiment vous dire s’il y en a dans la montagne autour», affirme Niango, l’un des chefs du village, un peu gêné par les questions des soldats. Mais en discutant avec des habitants – qui veulent garder l’anonymat – on comprend pourtant que des hommes armés sont bien passés ici. Des djihadistes armés jusqu’aux dents. Mais encore une fois, par peur de représailles, personne ne donne d’information précise.
Les villageois, pour la plupart des Peuls, vivent en retrait des combats qui font rage dans le désert autour. Les élevages de brebis et de chèvres, et quelques cultures de mil, leur permettent de se nourrir.