COMPRENDRE
La question de l’eau peut être considérée comme le point de départ de l’histoire contemporaine de l’Afrique. C’est autour d’une «histoire d’eau» que les Européens se réunissent à Berlin, en 1884. Les modalités de la libre circulation sur les fleuves (Congo et Niger principalement) constituent en effet le motif principal de ce qui deviendra l’acte fondateur du partage de l’Afrique entre les puissances européennes, à partir duquel seront délimitées les frontières du continent, qui ont très peu varié, depuis un siècle. Or, fleuves et lacs jouent un rôle essentiel dans le tracé de ces frontières.
La moitié des noms d’État africains sont des noms liés à l’eau, souligne Roland Pourtier: la méconnaissance humaine des colonisateurs est telle qu’ils baptisent les contrées traversées de ce qu’il qualifie d’«hydronymes», se fondant bien plus sur l’eau que sur les hommes pour «nommer l’espace». La question de l’eau est donc essentielle en Afrique et elle englobe tant de problématiques sociales, sanitaires, économiques, politiques, que plusieurs volumes ne suffiraient pas l’épuiser. Pourtant, il est possible de la résumer par trois (03) paramètres essentiels:
● Sa disponibilité: Alors que l’Afrique symbolise dans les médias la sécheresse et la famine, elle ne manque pourtant pas d’eau: la plupart de ses habitants vivent dans des régions très bien arrosées, voire trop arrosées. Premier paradoxe: l’excès d’eau est source de plus de problèmes en Afrique que le manque d’eau.
● Son accessibilité: C’est le second paradoxe: même lorsque l’eau abonde, elle manque. Dans les villes, elle manque sous sa forme essentielle: l’eau potable. Les ruraux mais surtout, et de plus en plus, les urbains souffrent cruellement de cette difficulté à accéder à l’eau potable. Dans les campagnes, elle manque en outre pour l’irrigation.
● Sa qualité: C’est en Afrique, plus que nulle part ailleurs, que la mauvaise qualité de l’eau constitue le premier facteur de mortalité.
Le Nil
Le plus long fleuve du monde (6 700 km) est resté longtemps aussi mystérieux que le continent et les régions, où il prend ses sources. Celles-ci sont revendiquées par les Britanniques durant la période coloniale, en tant que possesseurs du lac Victoria auquel ils avaient donné le nom de leur reine, symbole d’une époque impériale triomphante.
En réalité, le Rwanda possède la source la plus abondante, avec la Nyabarongo, mais la source plus longue et la plus méridionnale, la Ruvubu, prend naissance au Burundi. Ces deux (02) rivières se rejoignent pour donner la Kagera, qui se jette dans le lac Victoria. Le déversoir qui s’échappe de ce lac, à Jinja, en Ouganda, et la rivière qui franchit les chutes Owen prennent le nom de Nil Victoria.
Celui-ci traverse le petit lac Kyoga et, après les gigantesques chutes de Murchinson, rencontre aussitôt sur sa rive gauche les eaux des lacs Albert et Edouard qui communiquent entre eux par une rivière, la Semliki, sur les bords de laquelle on a trouvé des galets aménagés. Ici, le fleuve change encore de nom et prend celui de Nil Albert, dont le cours, bien que rapide reste navigable sur plus de 200 km.
À son entrée au Soudan, le Nil est une grosse rivière tumultueuse qui mérite bien son nouveau nom de Bahr el-Djebel (fleuve des montagnes). Il ralentit ensuite son cours, puis se perd dans les marécages d’une immense dépression, où la végétation est constituée de papyrus et d’herbes flottantes inextricables, le Sudd. Il y perd son limon rougeâtre et une grande partie de son volume par évaporation. C’est alors un fleuve aux eaux transparentes, et divisé en deux bras, dont l’un porte le nom de Bahrel-Zaraf (rivière des girafes),qui, sous le nom de Nil Blanc, reçoit sur sa gauche le Bahr el-Ghazal (la rivière des Gazelles),un affluent venu des zones arides et que les Anciens reliaient au bassin du Niger.
Toutefois, ce n’est pas l’ensemble de ces eaux nées des grands lacs du cœur de l’Afrique qui nourrissent l’Egypte. C’est le lac Tana (3673 m d’altitude), en Éthiopie, dont le déversoir, aux chutes de Tississat,donne naissance à la rivière Abbay,qui devient le Bahr el-Azak (Nil Bleu) et qui contribue avec les autres gros affluents du Sobat et de l’Atbara à irriguer le Nil des pharaons. La première de ces rivières, le Sobat marque une frontière entre deux (02) mondes.
Le Congo
Le plus puissant fleuve d’Afrique avec 45 000 m3/ seconde pendant la crue en période moyenne, mais pouvant atteindre 75 000 m3/ secondes. Ses 4700 km et son bassin de 3 690 000 km2 occupent la majeure partie de la République Démocratique du Congo (RDC) et la Centrafrique. Le Congo prend sa source à 1 435 m d’altitude dans la province du Katanga (RDC) aux confins de la Zambie.
Jusqu’à Kisangani, il garde le nom local de Lualaba. Son débit de 11 000 m3/ seconde est alors deux (02) fois plus important que le plus long fleuve d’Europe, le Danube. Entre temps, il reçoit de nombreux affluents sur sa rive dont la Luvua venue de plusieurs lacs marécageux (lac Bangweulu, lac Mweru), ainsi que la Lukuga qui est l’exutoire du lac Tanganyika, lui-même alimenté par le lac Kivu.
À Kisangani, en aval des célèbres chutes de Tshungu (ex chutes de Stanley), le Congo traverse l’Equateur et amorce une vaste courbe navigable de 1 600 km de long jusqu’à Kinshasa et Brazzaville. Au dernier tiers de cette grande artère naturelle qui traverse l’Afrique centrale, il traverse de nouveau l’Équateur et reçoit l’Oubangui sur sa rive droite, son affluent principal né aux confins du Tchad. Les affluents de sa rive gauche, comme le Lomami et le Kasaï, drainent les eaux des reliefs septentrionaux du Katanga.
Avant Kinshasa et Brazzaville, où la navigation s’arrête, le Congo s’étale en un vaste lac de 28 de km de diamètre sur 24, appelé Pool Malebo (ex-Stanley Pool). Il atteint son embouchure 400 km plus loin en abaissant son altitude de 277 m en trente-cinq (35) chutes et rapides tumultueux (chutes de Kinsuka et d’Inga ou ex-chutes Livingstone) avec des gorges parfois étroites de quelques centaines de mètres. Son embouchure à Boma, se prolonge jusqu’à la haute mer par un long estuaire de 400 m de profondeur et de 100 km de long sur 10 km de large bordé de mangrove.
En période de crues, son débit est tel qu’on distingue la couleur rougeâtre de ses eaux à 400 km au large des cotes. Congo (histoire du bassin du Congo). Le Congo tient son nom du royaume du Kongo rencontré par les navigateurs portugais, en 1482. Il a porté le nom de Zaïre, entre 1971 et 1996, sous la présidence du maréchal Mobutu Sese Seko. Traversé par l’Équateur, le bassin du fleuve est occupé par la forêt pluviale. Il est riche en essences rares, mais leur surexploitation fragilise les sols et laisse la place à la savane.
Au cours des siècles, les agriculteurs ont défriché des clairières pour cultiver des plantes vivrières (sorgho, maïs, manioc, banane, haricot) ou pratiquer l’agriculture de plantation (café, palmier huile). Des chefferies importantes apparues, il y a un millénaire, aux marges méridionales de la grande forêt, donnèrent naissance à des royaumes (Kuba, Luba, Lunda), pratiquant la métallurgie ou fondés sur le commerce du cuivre (Lunda du Katanga).
Sur les grandes voies navigables, des populations se sont spécialisées dans le transport des marchandises et le commerce comme les Téké. Le cours du Congo a été reconnu par l’explorateur Henry Stanley.
Le Niger
Troisième fleuve d’Afrique après le Nil et le Congo, le Niger est un foyer de civilisations. Pour les Anciens, le Niger, qu’ils appelaient le Nil des Noirs, présentait autant de mystère que le Nil et, dans leur esprit, leurs cours ne faisaient qu’un. Avec 4200 kilomètres de longueur et un bassin de 1 500 000 km2, c’est la plus grande voie d’eau d’Afrique occidentale. Comme la Gambie et le Sénégal, le Niger prend sa source dans le massif bien arrosé du Fouta Djallon, en Guinée, puis il coule ensuite vers le Nord-Est.
À sa descente dans la grande cuvette africaine, il s’étale en un immense delta intérieur de 30 000 km2, constitué d’alluvions, où il perd une partie de ses eaux par évaporation. Cette région, le Macina, sert de terrain de parcours aux troupeaux en saison sèche. À Mopti, le Niger rencontre les eaux du Baní, un affluent né lui aussi dans le Fouta-Djalon.
À Tombouctou, à la lisière du Sahara, il tourne brusquement vers le Sud et, après Gao, franchit des rapides qui terminent la première partie de son parcours. Peu avant son entrée au Nigeria, le fleuve reçoit les eaux de la Mekrou, rivière issue du massif de l’Atakora(Benin), puis celles des rivières issues des régions forestières. Il est navigable sur 1600 km entre Koulikoro, au Mali, et Gao par de gros bateaux, en période de hautes eaux.
Son affluent le plus important est la Bénoué, surgie des flancs du massif de l’Adamaoua au Cameroun. Il termine sa course par un vaste delta de 25 000 km2 bordé de mangroves. C’est un fleuve au cours lent dont les eaux, qui passent de 54m3/s à Bamako, lors des basses eaux, à 6200m3/s pendant les crues, mettent six mois à remplir son delta intérieur et un an à atteindre l’embouchure. Il traverse toutes les zones climatiques et naturelles de l’Afrique occidentale, où se sont épanouis le Ghana, le Mali, le Songhaï et, au Nigeria, les cités-États du Bénin, d’Ife et d’Oyo. Son cours moyen et supérieur a été un centre de domestication de riz local (1er millénaire avant notre ère).
Le Zambèze
Quatrième des grands fleuves d’Afrique, le Zambèze n’a pas été directement créateur de grandes civilisations comme le Nil, le Niger et le Congo (royaume du Zimbabwe se trouvait dans la grande boucle du fleuve mais ne s’épanouissait pas sur ses rives).
Le Zambèze prend sa source dans une région marécageuse du Nord-Ouest de la Zambie, à 1 500 mètres d’altitude, puis entre en Angola pour se gonfler de nombreuses rivières. Il retourne ensuite en Zambie pour recevoir le Kagompo et le Lungwebungu.
Après avoir servi de frontière à la bande de Caprivi, il reçoit un autre grand affluent, le Chobe. Les chutes spectaculaires du Zambèze lui succèdent; elles sont appelées Victoria par l’explorateur Livingstone, qui les découvrit, en 1855, mais nommées Mosi-oa-tunya (la fumée qui tonne) par les habitants. Celles-ci mesurent un demi-kilomètre de largeur pour 122 mètres de hauteur.
Après s’être frayé un passage d’une centaine de kilomètres dans un étroit couloir de basalte, le Zambèze s’élargit pour former le lac de Kariba, une étendue d’eau artificielle très poissonneuse de 5 000 km2 créée par la construction d’un barrage. Le fleuve alors navigable jusqu’au gigantesque barrage de Cahora-Bassa, au Mozambique. Il reçoit alors son plus grand affluent, le Shiré, une rivière qui n’est en fait que le déversoir du lac Malawi, dont les rives abritent une population nombreuse.
Le Zambèze termine son cours par un delta formé de quatre bras principaux, le Milambe aux bancs de sable mouvants. Sofala, qui fut le port du Zimbabwe et du Monomotapa, se trouve beaucoup plus au Sud.
Le Tchad
Le lac Tchad est l’un des grands lacs fermés (presque une mer) du monde. Son affluent principal, le Chari, est une grosse rivière de 1100 km qui prend sa source en République centrafricaine, et qui, à N’Djamena rejoint le Logone (900km). Les eaux du Chari comptent pour 95% des apports fluviaux. Les autres affluents ne sont en fait que des oueds qui ne coulent qu’en saison des pluies et apportent très peu d’eau (4% pour l’Ebeid; 1% pour la Komadougou et le Yedseram).
Le lac Tchad est un vestige de l’époque, où le Sahara abritant des antilopes, des éléphants, des girafes et des hippopotames dans les zones marécageuses. L’un de ses affluents était le Bahr el-Ghazal, dont les marécages rejoignaient ceux du bassin du Nil. Ce lac Tchad était immense et sa superficie avoisinait 350 000 km2. La majeure partie de ses eaux se trouvaient un peu plus à l’est et à trente-six (36) mètres au-dessus du niveau actuel. Aujourd’hui, la superficie est de plus en plus réduite du fait de la désertification qui n’alimente pas suffisamment ses tributaires et de l’intensité de l’évaporation.
En 1962, sa superficie était de 26000 km2, mais de seulement 2500 km2, en 1990. Elle a toutefois augmenté depuis. Il se compose de deux (02) grandes cuvettes séparées par des hauts-fonds, où seules les pirogues peuvent circuler en raison de sa faible profondeur (1,5 à 5 m). Les bords du lac sont encombrés de roseaux et de papyrus, dont se servent les pécheurs Boudouma, les «hommes des hautes herbes», pour fabriquer leurs pirogues traditionnelles. Ceux-ci élèvent des bœufs à très grosses cornes qui servent de flotteurs aux animaux lorsqu’ils traversent une région inondée pour aller paitre sur les iles. Vaste centre de civilisation, le lac Tchad a abrité la civilisation des Sao et a vu naitre des empires du Kanem et du Bornou.
Source: «L’AFRIQUE»