Les gouvernements africains luttent contre le chômage à plusieurs niveaux
Au Sénégal, 200 000 Sénégalais arrivant chaque année sur le marché du travail, le président Macky Sall a lancé en février 2013 un programme visant à créer 30 000 emplois en un an et éventuellement 300 000 avant 2017. La Banque africaine de développement (BAD) finance certains de ces programmes qui visent à l’auto-emploi des jeunes et des femmes.
Selon la Banque mondiale, les jeunes représentent 60 % de l’ensemble des chômeurs africains. En Afrique du Nord, le taux de chômage des jeunes est de 25 %, mais ce taux est encore plus élevé au Botswana, en République du Congo, au Sénégal et en Afrique du Sud, entre autres pays. Avec 200 millions d’habitants âgés de 15 à 24 ans, l’Afrique compte le plus de jeunes au monde.
Dans la plupart des pays africains, le chômage des jeunes « est au moins deux fois supérieur à celui des adultes », souligne la BAD.
Les jeunes femmes sont plus durement touchées. La BAD a constaté que dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne et dans tous ceux de l’Afrique du Nord, il est plus facile pour les hommes que pour les femmes d’obtenir un emploi, même si celles-ci possèdent le même niveau d’expérience et de compétences.
Les statistiques du chômage en Afrique ne tiennent pas compte des emplois précaires ni du sous-emploi dans le secteur informel. Selon un rapport de la Brookings Institution, un groupe de réflexion basé à Washington, « Les jeunes [africains] trouvent du travail, mais celui-ci est souvent mal rémunéré et ne leur permet pas de perfectionner leurs compétences ni de jouir d’une certaine sécurité de l’emploi ».
La Brookings Institution considère le sous-emploi comme un grave problème, qui masque la réalité dans les pays qui affichent un faible taux de chômage.
Plus de 70 % des jeunes de la « République du Congo, de la République démocratique du Congo, de l’Éthiopie, du Ghana, du Malawi, du Mali, du Rwanda, du Sénégal et de l’Ouganda sont à leur compte ou contribuent au travail familial », ajoute le rapport de la Brookings Institution.
Sous-emploi masqué
Gabriel Benjamin, chômeur diplômé de l’université de Lagos (Nigéria), explique qu’on rencontre souvent de jeunes Nigérians diplômés qui exercent de petits boulots. « Ils nettoient les sols dans des hôtels, vendent des cartes téléphoniques ou sont même ouvriers dans des usines ».
Cependant, le sous-emploi ne constitue pas une solution à la pauvreté, souligne l’Organisation internationale du Travail (OIT), qui a signalé en 2016 que jusqu’à 70 % des travailleurs africains sont des « travailleurs pauvres », le taux le plus élevé dans le monde. Et l’organisation d’ajouter que « la part de jeunes travailleurs pauvres a augmenté de près de 80 % ces 25 dernières années ».
Alexander Chikwanda, ancien ministre zambien des Finances, a résumé ainsi la situation lors d’un entretien : « Le chômage des jeunes est une bombe à retardement »,
qui semble maintenant dangereusement proche de l’explosion. M. Chikwanda entendait ainsi attirer l’attention sur les conséquences d’un taux de chômage des jeunes aussi important sur un continent où près de 10 à 12 millions de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail.
« Comme les événements en Afrique du Nord [le Printemps arabe] l’ont montré, le manque de possibilités d’emploi peut fragiliser la cohésion sociale et la stabilité politique », avait mis en garde la BAD.
Intervention des dirigeants
Un certain nombre de gouvernements africains, toutefois, se sont efforcés de joindre les actes à la parole. C’est ainsi que le Ghana a mis en place un service national de la jeunesse et des programmes d’autonomisation visant à doter les diplômés de l’enseignement supérieur des compétences requises et à les aider à trouver un emploi. Maurice a élaboré un plan visant à inciter les jeunes à se tourner vers l’enseignement technique et la formation professionnelle. La Zambie a adopté une politique nationale pour la jeunesse et créé un fonds pour les jeunes entrepreneurs afin de stimuler la création d’emplois.
L’effet de ces initiatives nationales sur le taux de chômage des jeunes reste à évaluer. Mais il n’y a « pas de solution miracle », a indiqué M. Ncube, qui a recommandé « de renforcer les mécanismes de création d’emplois ». La Banque mondiale propose une stratégie pour l’emploi qui accorde plus d’attention au développement rural. L’investissement dans l’agriculture ralentit l’exode rural des jeunes et les prépare au marché du travail.
La Brookings Institution préconise de mettre l’accent sur la production industrielle, « le secteur le plus étroitement associé à une forte croissance de l’emploi ». Elle encourage aussi l’accroissement des investissements dans l’agriculture, le tourisme, le bâtiment et dans les projets qui emploient des jeunes. « Les programmes de travaux publics permettent aux jeunes travailleurs, en particulier à ceux des zones rurales et aux personnes peu qualifiées, d’acquérir une première expérience professionnelle. »
L’Union africaine préconise également d’accroître les investissements dans l’agriculture et demande à ses membres d’y consacrer 15 % de leur budget national.
Lors de l’élection présidentielle de décembre 2016, l’opposition ghanéenne a utilisé le taux élevé de chômage pour mobiliser les jeunes contre l’ancien Président Dramani Mahama.
Pendant la campagne électorale, certains opposants politiques ghanéens ont fréquemment cité le rapport 2016 de la Banque mondiale sur la situation de l’emploi dans le pays. Ce rapport, rédigé par Maddalena Honorati et Sara Johansson de Silva, indiquait que seuls « 52 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans travaillaient, contre 77 % pour l’ensemble de la population », signifiant que 48 % de ces jeunes étaient au chômage. Bien que les auteurs aient attribué le taux élevé de chômage des jeunes au fait que près d’un tiers de ces derniers étaient actifs à l’école, ces chiffres ont toutefois mis en évidence le défi que doit relever le pays.
« J’ai peur pour l’avenir de ce pays », déclarait le candidat Addo avant les élections. « Nous devons faire en sorte de réduire le taux actuel de chômage au Ghana, parce que si rien n’est fait, les conséquences pourraient être désastreuses. » Il faisait ainsi sans doute discrètement allusion à certains pays africains (Nigéria et Somalie, par exemple), où les jeunes se laissent facilement recruter par des groupes armés ou des forces rebelles.
Une enquête réalisée en 2011 par la Banque mondiale a montré qu’environ 40 % de ceux qui rejoignent des mouvements rebelles se disent motivés par le manque d’emplois.
Source: info-afrique