Une dimension supplémentaire vient de s’ajouter à la crise au Sahel. Avec l’arrivée ces derniers jours d’hommes en arme russes au Mali – des militaires selon Bamako, des mercenaires du groupe Wagner selon Paris et ses alliés –, le conflit dans la région, qui se nourrissait de tensions religieuses, communautaires, économiques et environnementales, devient également objet de rivalités internationales.

Analyste à l’International Crisis Group, Ibrahim Yahaya estime que seul le dialogue, d’une part entre le Mali et ses partenaires extérieurs, dont la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui vient de sanctionner Bamako, et d’autre part avec le principal groupe djihadiste, permettra d’apaiser la situation.

Quelle sera, selon vous, la portée des sanctions imposées au Mali par la Cédéao ?

Ibrahim Yahaya : Ces sanctions sont dures et leur impact, surtout économique, devrait être redoutable. La fermeture des frontières, malgré les exceptions sur l’importation des produits dits de première nécessité, pourrait paralyser les exportations, y compris celles des produits miniers, notamment l’or qui constitue une ressource importante pour l’Etat malien.

L’embargo sur les transactions et le blocage de l’accès aux réserves de la banque centrale priveront les autorités d’importantes opportunités de lever des fonds sur les marchés financiers régionaux. Bref, la capacité des autorités, ne serait-ce qu’à payer les fonctionnaires et à assurer le fonctionnement régulier de l’administration risque d’être compromise. Il est difficile d’imaginer comment les autorités de transition pourront survivre à cela dans les mois à venir.

Mais le Mali ne sera pas la seule victime de ces sanctions. Les pays de la Cédéao comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire, par où transitent les marchandises maliennes, souffriront aussi d’important manque à gagner.

En revanche, l’impact politique immédiat de ces sanctions est mitigé. Si les acteurs politiques et associatifs maliens ont presque unanimement condamné ces mesures et critiqué la Cédéao, une partie a aussi pointé du doigt la responsabilité de la junte dans ses velléités de se maintenir au pouvoir. Une majorité d’acteurs appelle à la poursuite du dialogue entre la junte et l’organisation régionale, ce qui n’est pas à exclure.

Source: lemonde