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La présidente de l’Adema-association, Mme Sy Kadiatou Sow à propos de la présidentielle : “La reconnaissance de la victoire d’IBK par la France, les Etats Unis… avant les résultats définitifs constitue un manquement à notre pays”

Quelques jours après la tenue de la présidentielle de 2018, les responsables de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema-Association) étaient face à la presse, le 3 septembre dernier, à la Maison de la presse pour s’exprimer sur la situation sociopolitique de notre pays et faire le compte rendu des rencontres tenues avec les différentes autorités traditionnelles et coutumières du Mali. Ladite conférence était animée par la présidente de l’organisation, Mme Sy Kadiatou Sow.

La conférencière, dans ses propos liminaires, a fait un bref rappel des activités menées par son association, notamment l’organisation d’une table-ronde et des rencontres avec les chefs d’Institution de notre pays. “Après analyse des incidents qui ont marqué les élections municipales et législatives partielles et la recrudescence de l’insécurité dans le Centre du Mali, nous avons entrepris, courant octobre 2017, une réflexion sur la préparation et la mise en œuvre du processus électoral des élections générales de 2018. Conscient de la nécessité d’organiser des élections crédibles, nous avons aussitôt initié une série de rencontres avec des chefs d’institutions de la République du Mali, des départements ministériels, des organes en charge de l’organisation, supervision et gestion des élections (Dge , Ceni) des organisations de la société civile (y compris les centrales syndicales) des acteurs politiques (de l’opposition et de la majorité et non apparentés qui ont bien voulu nous recevoir) des Représentations diplomatiques internationales accréditées au Mali (Minusma, Cedeao) en charge de la gestion de la crise multidimensionnelle que traverse notre pays”, a-t-elle rappelé.

Et de poursuivre qu’au cours de ces rencontres, en particulier celle avec le président IBK, l’accent a été mis sur les enjeux et défis liés à l’organisation d’élections inclusives, transparentes et incontestables dans le contexte actuel d’occupation d’une partie du territoire national couplée par la persistance et recrudescence de l’insécurité dans les régions du centre dont certaines localités sont, en plus, confrontées aux conflits intercommunautaires instrumentalisées.

L’impérieuse nécessité de sauver le Mali

“Partout le leitmotiv était l’impérieuse nécessité de sauver le Mali par chacun au niveau de responsabilité où il se trouve et avec les ressources et capacités dont il dispose. Dans l’optique d’atteindre les objectifs qu’il s’était assignés, le Comité directeur de l’Alliance pour la Démocratie au Mali a organisé une table-ronde le 12 juin 2018 pour convenir d’une unité d’actions des forces vives de la nation qui puisse décider du présent et de l’avenir politique de notre pays par nous-mêmes sans une imposition de solutions venant de l’extérieur”, a renchéri la présidente de l’Adema-Association.

Evoquant les constats relatifs au processus électoral, notamment la polémique autour du fichier électoral, elle dira que la mise en ligne d’un autre fichier non conforme  comportant de nombreux  doublons, des noms de personnes décédées en lieu et place du fichier audité par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et présenté à tous les acteurs,  a suscité une vive dénonciation du principal parti de l’opposition et une polémique avec les pouvoirs publics qui ont d’abord admis des erreurs techniques avant de nier tout aussi vivement l’existence de fichier parallèle. Selon elle, ceci a naturellement renforcé les soupçons de velléité de fraude de l’opposition vis-à-vis des tenants du pouvoir en place. Aussi, les hésitations sur la décision pour le maintien de la carte NINA ou la confection de cartes d’électeurs dites biométriques a influé sur le chronogramme du processus mené au pas de course.

En ce qui concerne le matériel électoral, elle a déploré le fait que l’acheminement et la mise en place dudit matériel ne s’est pas effectué conformément aux instructions de la loi électorale. Ce qui, selon elle, a rendu difficile l’identification précise du nombre de bureaux où l’élection n’a pu se tenir.

Se prononçant sur la question des procurations, elle a noté que c’est lors de la campagne du 1er tour, que de vives contestations ont porté sur une décision de l’administration relative aux procurations. “Cette décision prise suite aux conclusions d’une consultation de la Cour Constitutionnelle en violation flagrante de la loi qui crée et organise ladite Cour, a dû être annulée par le gouvernement le 28 juillet, moins de 24h avant le premier tour. Le coup était parti et le mal était déjà fait. Alimentant ou validant une autre source de suspicion de fraude”, a-t-elle ajouté.

Des activités de soutien à IBK financées par les ressources publiques

S’agissant du non-respect du devoir de réserve, la conférencière a fustigé l’implication des ministres et hauts responsables dans la campagne du président IBK. Car, dit-elle, des chefs de services, des directeurs généraux et responsables d’organisations professionnelles ont sans état d’âme organisé des activités de soutien au président sortant. Des activités financées par les ressources publiques. «Quant aux ministres, rares sont ceux qui n’ont pas créé leur club de soutien et mené campagne tambour battant avec les moyens de l’Etat. Faisant allégrement fi de l’esprit républicain et de la transparence qui doivent prévaloir dans la conduite de leur charge de ministre de la République. L’implication du ministre en charge de l’organisation des élections a particulièrement retenu l’attention et alerté sur la remise en cause du principe de neutralité de l’administration. Cela, malgré les protestations des autres candidats. Considérant le poids économique de certaines sociétés et entreprises telles la Cmdt et l’Office du Niger et leur forte influence sur les populations de leurs zones d’intervention, cela s’assimile à de l’achat de conscience».

Par rapport à l’insécurité durant la campagne, elle ajoutera que la campagne électorale a été durement frappée par une détérioration des conditions sécuritaires tant dans le centre, que dans le Nord, à l’Est comme dans le Sahel occidental. Pour elle, ceci a eu pour conséquence une désertion des équipes de campagne et des candidats eux-mêmes dans le centre et le Nord, l’Est, la concentration des tournées des candidats dans les régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso et Ségou.

A l’en croire, selon les constats de terrain, le gouvernement aurait sous-traité avec la CMA la sécurisation des bureaux de vote dans le Nord. Malgré cette disposition, des groupes armés ont sévi contre des bureaux de vote, et même interdit l’organisation du scrutin dans les zones qu’ils contrôlent : Ber, Gourma Rharous, le Gandamia, le Koraru, la Commune de Débéré au 1er tour, etc.

Quant à l’égal accès aux médias d’Etat, Sy Kadiatou Sow a précisé que la campagne a été marquée par l’inégalité de la couverture médiatique sans précédent par les médias publics. “Sous le prétexte de l’obligation de couvrir les activités du chef de l’Etat, du gouvernement, les médias publics ont largement participé à la campagne du président sortant. Les autres candidats ont dû se contenter des temps d’antenne prévus pour leurs messages”, a déploré la conférencière.

Des fraudes massives et achats de conscience constatés dans la plupart des centres de vote

A l’analyse des votes et résultats des votes, elle a rappelé que le vote a concerné 23 041 bureaux dont 1178 bureaux à l’extérieur. Aussi, l’administration a publié avec beaucoup de retard le chiffre de 871 bureaux où le vote n’a pu se tenir sans donner de détails. De son point de vue, cette élection a été marquée par des pratiques qui n’honorent pas la démocratie malienne. En effet, dans certaines localités de l’Est, du Nord et du centre beaucoup de bureaux ont connu des perturbations dues, entre autres, à l’assassinat d’un président de bureau de vote, l’enlèvement des agents électoraux dont certains ont été tabassés, les saccages et enlèvements d’urnes, la fermeture du bureau de vote suite à des menaces proférées contre les chefs de village et les maires, les membres des bureaux de vote, le déplacement des sites des bureaux.

A ses dires, de façon générale, sur la plupart des centres de vote des constats alarmants ont été relevés. Ceux-ci sont relatifs aux fraudes massives et achats de conscience (qui ne se limite pas à distribuer de l’argent, à vendre sa carte au plus offrant, mais se traduit également par des pressions et chantages de toutes sortes), à la falsification des résultats issus des PV des bureaux de vote.

“S’il est vrai que la fraude a été toujours dénoncée lors des opérations électorales précédentes, l’ampleur de celle qui a été observée lors de cette élection est sans précédent. Cette débauche d’argent dans un pays où 2/ 3 de la population a du mal à joindre les bouts, est une véritable insulte à la conscience et la dignité. Il n’est pas donc surprenant que 18 des 24 candidats décident de contester les résultats provisoires du premier tour en dénonçant avec force les nombreuses irrégularités et la non-transparence dans la collecte et la centralisation des résultats. Notre pays n’a jamais connu une contestation aussi vive des résultats de l’élection présidentielle.  Par ailleurs la Cour Constitutionnelle n’a jamais été autant prise à partie par des candidats”, a-t-elle souligné.

Pour les atteintes aux droits humains, elle a dénoncé les arrestations arbitraires, les enlèvements musclés de citoyens et la confiscation de leurs biens en dehors de toute procédure légale. “Notre association, à la suite de nombreuses autres, dénonce ces pratiques inadmissibles dans un état de droit et réclame la libération des personnes détenues. Ces actes et méthodes dignes d’une police politique, au lieu d’intimider, ne contribueront qu’à radicaliser les plus déterminés des opposants”.

L’immixtion dans les élections de notre pays, une violation des procédures communautaires et internationales en matière de gouvernance et d’élections

Elle a saisi l’occasion pour se prononcer sur les compétences de la Cour Constitutionnelle. En effet, elle a précisé que toutes les institutions de la République méritent certes le respect de tous les citoyens. “Le fait que les arrêts de la Cour Constitutionnelle soient sans recours ne prive pas les citoyens de leur droit de s’interroger sur le caractère impartial des décisions qui en résultent. Le pouvoir que la Constitution et les lois confèrent à une institution est une chose et la crédibilité que les citoyens accordent aux décisions de justice en général et en l’occurrence aux arrêts de la Cour Constitutionnelle en est une autre” a-t-elle précisé.

Quant aux observateurs internationaux, la conférencière a rappelé qu’ils ont tous reconnu n’avoir pu couvrir qu’à peine 3% des bureaux de vote. Malgré cette situation, ils se sont montrés plutôt satisfaits du déroulement des élections et ont déclaré n’avoir pas constaté de fraudes, mais “d’irrégularités procédurales et de compilation des résultats”. Selon elle, rien de bien surprenant pour les observateurs avertis des pratiques et mode de fonctionnement de ces groupes.

Elle ajoutera que la reconnaissance de la victoire de IBK par la France, les Etats Unis, l’Union Européenne, le secrétaire général de l’ONU et les pays limitrophes, excepté l’Algérie, avant même que la Cour Constitutionnelle ne rende son arrêt sur les résultats provisoires, constitue un manquement à notre pays et un mépris pour nos institutions et nos procédures constitutionnelles. “Cet acte d’immixtion dans les élections de notre pays constitue une violation des procédures communautaires et internationales en matière de gouvernance et d’élections”, a-t-elle conclu.                       

       Boubacar PAÏTAO

Source: Aujourd’hui-Mali

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