Dans la nuit du mercredi au jeudi 22 juillet, aux environs de minuit, une intervention des éléments de la Brigade Anti Criminalité (BAC) de la Police nationale contre un véhicule »suspect » en fuite, a conduit à la mort par balles d’un jeune spectateur de la scène, Abdoulaye Keïta, âgé de 19 ans. Le véhicule mis en cause a également renversé plusieurs usagers, faisant quatre blessés, selon un communiqué de la Direction générale de la Police. L’incident est survenu à Lafiabougou en Commune 4 du district de Bamako.
En cette nuit de mercredi, pendant que la célébration de la fête de Tabaski se poursuivait par endroits dans ce quartier habituellement animé, des tirs d’arme à feu ont alerté les habitants de Lafiabougou, attirant les plus curieux sur les lieux. Sur la scène, deux motos Djakarta violemment écrasées par une voiture de marque Corolla S, couleur bleue, non-immatriculée et portant la plaque CH – 6448. Des traces de sang et des douilles de balle aux mains de jeunes révoltés, qui ont barricadé les accès en brulant des pneus.
» Nous étions assis au »Grin », au bord de la route, avec Bérélé (surnom de la victime), quand la voiture, roulant à vive allure, est venue renverser deux motos sous nos yeux. Les éléments de la BAC, qui étaient à ses trousses, sont aussitôt apparus « , raconte Mohamed Keita, témoin de la scène et ami de la victime tuée. » Nous avons voulu empêcher que le conducteur de la voiture prenne la fuite. Mais dans la cohue de nos échanges avec les policiers, il a fini par s’échapper, les jeunes ont alors décidé de bloquer les éléments de la BAC, qui ont demandé du renfort « , poursuit-il.
Abdoulaye Keïta, resté sur les lieux, malgré des tirs de sommation, a fini par prendre »trois balles. Deux dans la poitrine et une dans l’abdomen », précise son frère ainé, Fadaba Keïta. Selon plusieurs témoins, l’agent avait manifesté son intention de tirer sur le jeune homme, s’il restait sur la scène.
Après le drame, les jeunes sont restés mobilisés jusqu’à la mi-journée d’hier, bloquant plusieurs routes. Cependant, grâce à l’intervention du maire de la Commune IV, chargé des questions sécuritaires, Issa Sidibé, un premier constat a été opéré par une équipe conduite par le Commissaire Divisionnaire, Ousmane Diallo, aux environs de 4h du matin du jeudi.
Dans la matinée d’hier, l’émoi et la consternation se lisaient sur les visages dans la famille Keïta. Un triste silence régnait dans la cour et sous la tente installée devant la concession. Fadaba Keïta, frère ainé de la victime, tuée par balle, se dit outré par le communiqué de la Direction générale de la Police qui, selon lui, tenterait d’édulcorer la vraie version des faits. En effet, ledit communiqué indique que »les policiers ont été pris à partie par une foule en colère et menaçante de plusieurs centaines de personnes, et pour se dégager ils ont dû faire usage de leur arme de service, en effectuant des tirs de sommation. Malheureusement, au cours de cette opération, il y a eu mort d’homme’‘.
» Comment des tirs de sommation peuvent-ils atteindre un individu à trois reprises ? « , s’interroge Fabala Keïta, avant d’exiger une enquête transparente. Par ailleurs, le communiqué de la Direction générale de la Police informe que »le Procureur de la République près le Tribunal de grande Instance de la Commune IV a été saisi de même que l’Inspection de la police afin que toute la lumière soit faite sur ce dramatique et regrettable incident ». En outre, »une sanction disciplinaire a été prise à l’encontre de toute l’équipe mise en cause sans préjuger de sa culpabilité que seule l’enquête déterminera », ajoute le communiqué.
Pour l’heure, l’identité du conducteur en fuite n’est pas connue. Mais des témoins affirment qu’il a laissé dernière lui la carte grise du véhicule. L’inhumation du jeune Abdoulaye Keïta, qui pratiquait la menuiserie métallique comme profession, est prévue après la grande prière de ce vendredi, dans sa famille, à Lafiabougou.
Moussa Bilaly Sidibé
Source: l’Indépendant