Deux semaines auparavant, au cours d’une visite officielle à Alger, le chef de l’État français a abordé le cas Ag Ghaly avec le vice-ministre de la Défense et chef d’état-major, le général Gaïd Salah. Les deux hommes se sont rencontrés dans un salon, non pas de l’ambassade de France, mais à la résidence présidentielle de Zeralda, après qu’Emmanuel Macron a effectué « une visite de courtoisie » au président Bouteflika, très diminué et quasiment privé de parole. Auprès du général algérien, le président français a une nouvelle fois insisté pour que le chef terroriste ne bénéficie plus de la mansuétude, sinon de la protection des autorités dans le désert algérien, aux confins du Mali.
Une information démentie par le général, aligné sur la position officielle de son pays qui a accueilli dans le passé plusieurs fois Ag Ghaly pour des négociations sur les révoltes touareg au Mali, afin que cette fronde récurrente ne se propage pas dans le Sahara algérien. D’autres responsables algériens affirment aujourd’hui que, « s’ils voulaient l’empêcher de nuire, les Français, les soldats de l’opération Barkhane, le pourraient ». Pour rappeler que Paris a aussi eu affaire au chef touareg après l’enlèvement des otages d’Areva en 2010. Pour prendre contact avec les ravisseurs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, chaque intermédiaire dépêché par Paris a utilisé, moyennant commissions, les mêmes intermédiaires pour négocier d’importantes rançons.
Petit à petit, les troupes d’Ag Ghali ont grossi
À tour de rôle, ces émissaires ont utilisé des députés touareg du Mali proches d’Ag Ghaly, chef traditionnel passé dans la rébellion djihadiste, de la région du massif des Ifoghas où étaient détenus les otages. Depuis, ils ont été libérés et Iyad Ag Ghali est devenu, à la place des émirs abattus par les commandos français, le grand chef des groupes terroristes qu’il a fédérés sous sa bannière et que la France combat dans le Sahel aux côtés des armées locales. Une présence que le régime nationaliste algérien voit d’un mauvais œil à sa frontière sud, au regard de l’histoire, au nom de la non-ingérence, même si le pays souffre toujours du terrorisme islamiste.
En absorbant au fil des mois les groupes terroristes placés sous sa coupe pour commettre de plus en plus d’actions, Ag Ghali s’attire la riposte française. Le 24 octobre 2017, un raid détruit « un camp d’entraînement » d’Ansar Dine, le mouvement originel d’Ag Ghaly, près d’Abeïbara, dans le nord-est du Mali. Quinze terroristes, dont un de ses lieutenants, sont mis « hors de combat ». Onze militaires maliens prisonniers des djihadistes se trouvent parmi les victimes de ce bombardement. La guerre contre le chef terroriste et ses combattants est totale.
Les Français mettent le paquet pour le neutraliser…
Après la visite à Alger d’Emmanuel Macron, la traque d’Ag Ghali reprend de plus belle. Trois mois après, une opération militaire française est déclenchée au Mali, à portée de fusils de la frontière algérienne distante à cet endroit de neuf cents mètres à peine, entre Boughessa, la région natale d’Ag Ghali, et le village algérien de Tinzaouatène. Dans la nuit du 13 au 14 février, cinq Mirage 2000 délivrent leurs bombes, puis des hélicoptères d’attaque Tigre tirent leurs missiles simultanément sur trois campements. D’autres déposent des commandos des forces spéciales. Le bilan est lourd : 23 djihadistes sont abattus dans les combats. Parmi eux, Malick Ag Wanasnat, un ancien officier de l’armée nationale passé à la rébellion depuis douze ans et auteur de plusieurs coups de main contre des camps militaires maliens. Il est surtout le bras droit d’Ag Ghali, qu’on ne compte pas parmi les corps sans vie.
Correspondance particulière