Pourtant ce 22 Septembre 1960, débutait l’histoire d’un Mali libre. Car, Modibo Keïta, le premier président de la république et son équipe, partis de rien, réussissaient à jeter les bases d’une vraie indépendance politique et économique du pays. Une quantité de réalisations pouvait l’attester. En l’espace de six ans seulement, les autorités maliennes avaient pu construire : 10 hôpitaux, 300 dispensaires, 45 centres médicaux, 60 maternités, une pharmacie populaire avec des succursales dans toutes les grandes villes et chefs de lieux de cercles et des dépôts dans les arrondissements et les villages. Dans la même dynamique, 5 écoles de formation de personnel de la santé, 4 écoles d’enseignement secondaire et supérieur (ENA, ENSUP, ENI, INA) furent créées. Il a été inauguré le16 décembre 1966, le barrage de Sotuba sur le Niger.
Afin de mieux affirmer la souveraineté nationale sur le plan économique et financier, le franc malien fut créé le premier juillet 1962. Modibo Keita et son attelage gouvernemental entendait ainsi rendre à leurs concitoyens la maîtrise de leur destin. De nombreuses usines et fabriques ont vu le jour. Le père de l’indépendance malienne ne signait que des accords qui préservaient la souveraineté et les intérêts du Mali. L’œuvre d’édification nationale de Modibo Keita et son action pour la paix, furent d’ailleurs récompensées par le Prix Lénine international en 1963.
Ingérence française
La France avait alors réalisé qu’avec le président Modibo Keïta le Mali allait vers une vraie indépendance. L’ancienne puissance coloniale ne pouvait pas accepter cela, pour la simple raison qu’elle lui priverait de ressources naturelles dont leur pays a tant besoin. Ainsi, les services secrets français vont parrainer un groupe de sous-officiers et d’officiers, dirigé par le lieutenant Moussa Traoré, pour s’emparer du pouvoir. C’était le 19 novembre 1968. Depuis cette date, notre pays a commencé à décliner, perdant tout son élan patriotique et progressiste. Après plusieurs années de vide constitutionnel, la deuxième République est née.
Après le referendum constitutionnel du 02 juin 1974, en 1979, un parti politique unique fut créé par le président Moussa Traoré : l’Union démocratique du peuple malien (UDPM). Il était parvenu à mettre à l’écart tous ses adversaires potentiels. Pendant vingt-trois (23) longues années de gestion calamiteuse de Moussa Traoré, le peuple malien a trimé dans la misère. La deuxième République s’est illustrée par la gabegie, l’affairisme, le clientélisme, la concussion, etc.
Excédé par les tribulations militaro-politiques de Moussa Traoré, le peuple s’est in fine réveillé en défiant le régime par une insurrection populaire. Qui a fait plus de deux cent vingt-quatre (224) morts et des dizaines de disparus. Le coup de grâce est survenu le 26 mars 1991 par l’intervention de l’armée. Cette deuxième République fut un fiasco. À son actif, il y a notamment le Programme d’Ajustement structurel. Qui permit la liquidation des sociétés et entreprises d’État (créées aux premières années de l’indépendance). Et la mise à la retraite anticipée volontaire des fonctionnaires de l’Etat. Dont le corps enseignant, compte tenu de la grande misère qu’il éprouvait par de nombreux mois de salaires en retard, fut le principal partant. Résultat : l’enseignement au Mali s’est considérablement dégradé et les partants volontaires ont émigré dans les pays voisins (Côte d’Ivoire, Burkina) ainsi qu’au Gabon.
Puis vint la 3ème République. Celle-ci est incarnée par Alpha Oumar Konaré et le mouvement dit démocratique. Pendant dix (10) ans, ce régime n’a pu redonner aux maliens leur honneur et dignité bafoués. Au contraire les mêmes maux, engendrés par le régime de Moussa Traoré, ont perduré. Et c’est d’ailleurs en ce moment que le Mali a connu ses premiers fonctionnaires multimilliardaires. Le népotisme et le clientélisme sont devenus mode de gouvernance. Et le patriotisme a complètement disparu chez les maliens au profit de l’intérêt personnel.
Lorsqu’Amadou Toumani Touré (ATT) revenait aux affaires, mais cette fois-ci, par la voie des urnes en 2002, les choses n’ont guère changé. Les détournements de deniers publics ont continué de plus belle. Le multipartisme intégral, obtenu au prix du sang, n’était plus de mise puisque quasiment tous les partis politiques participaient au gouvernement (le partage de gâteaux). A telle enseigne que les analystes politiques locaux et internationaux avaient inventé le concept de démocratie consensuelle pour qualifier l’exemple démocratique malien. Qu’ils disaient unique au monde. Toutefois, à quelques encablures seulement de l’élection présidentielle, à laquelle il n’était pourtant pas candidat, ATT fut renversé le 22 mars 2012 par un coup d’Etat militaire : certainement le plus subtil de l’histoire du pays.
Perte partielle de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale
Le capitaine Amadou Haya Sanogo et sa bande n’ont fait que piller les caisses de l’Etat. Et, déstabilisé l’état-major de l’armée qui devait faire face à l’occupation du pays par une horde de mercenaires, soutenus financièrement et armés par la France de Sarkozy, pour venir occuper notre pays. Depuis les 2/3 du territoire malien sont occupés par des bandes armées qui font la loi. Mais aussi l’argent volé par la bande du capitaine Sanogo permit de remettre en selle le candidat Ibrahim Boubacar Keïta qui ne figurait pas parmi les favoris de l’élection présidentielle.
La guerre fut momentanément stoppée par les accords d’Ouagadougou entre la Transition malienne présidée par Dioncounda Traoré et les soi-disant rebelles, le temps des élections. Cela, après par l’opération militaire française Serval. IBK gagna in fine la présidentielle en 2013. Il se soumettra très vite aux diktats, pour ne pas dire aux services, de la communauté internationale, en l’occurrence la France. Son règne se caractérise par une situation sécuritaire généralisée très précaire, une crise économique et financière sans précédent engendrée par une mal gouvernance endémique, un front social qui couve à récurrence et une forte demande sociale sans la moindre piste d’offre. Après une forte insurrection populaire diligentée par le M5-RFP, des jeunes officiers militaires font un coup d’Etat le 18 août 2020. IBK est contraint à la démission. Et la junte nomme, un mois après, un président et un PM.
Le Mali désormais sous tutelle
A partir de 2012, l’intégrité de la territoriale du Mali est fortement entamée (les 2/3 de son territoire échappant aux autorités nationales). Un prétexte pour la France, par l’opération militaire Serval, le 11 janvier 2013, mue à Barkhane une année plus tard, de faire son retour militaire au Mali pour soi-disant empêcher son invasion par les « Forces djihadistes ». Désormais, la Mission de Stabilisation des Nations Unies pour le Mali et le Sahel (MINUSMA), forte de milliers de soldats et fonctionnaires civils, et l’ancienne puissance coloniale soumettent arrogamment notre pays sous tutelle.
Alors qu’en dépit de cette présence militaire massive de la France et de la MINUSMA, l’intégrité territoriale du Mali demeure sérieusement entamée sans compter le risque élevé de partition du pays. Déjà depuis 2012, Kidal, sous protection française, est quasi autonome. Elle jouit d’une indépendance économique et financière. Et par l’absence des Forces de Défense et de sécurité nationale, ce no man’s land possède sa propre armée. Aucun dignitaire malien ne peut fouler le sol de Kidal sans la permission de ses maîtres. Alors que Barkhane et la MINUSMA sont les biens venus. Puissent les nouvelles autorités permettre de poser les bases de la reconquête de l’indépendance du Mali au grand bénéfice de la génération future !
Falaye Keïta
Source: Journal Le Pélican