Il avait peut-être fait d’autres apparitions depuis, tant Youssouf Traoré, quasi centenaire pourtant, se refusait au repos. Mais l’une de ses dernières prises de parole publiques c’est quand il prononça l’oraison funèbre de Boubacar Sidibé en février 2016.
La mémoire n’était plus intacte et les pas avaient perdu leur fermeté. Mais il avait « assuré », symbolisant et il devait le savoir, la fidélité à l’amitié, la loyauté dans le combat et la résistance à l’oubli. Du reste, il y avait de quoi résister, il y avait de quoi se taper la poitrine pour cette poignée de femmes et d’homme d’un temps d’incubation, où tout venait après l’honneur, après le service de la patrie. La jeune génération et la postérité doivent s’incliner devant la mémoire de ce grand homme que le Mali enterre aujourd’hui. Il est l’un des, sinon, le dernier médaillé d’or de l’indépendance. En clair donc, le Mali d’aujourd’hui est l’œuvre de cet homme et d’autres. C’est son travail à lui et à d’autres si le Mali va du Tanezrouft au Triangle du Balafon et de l’Azawak au Kaarta. C’est bien grâce à lui et à d’autres que ce pays est une si admirable mosaïque, sa diversité, en fait le principal enjeu du moment. Le doyen qui a traversé les époques, a été témoin de bien des réussites. Mais hélas il a dû aussi avaler des couleuvres. Comment a-t-il vécu ’Histoire récente du pays, d’abord annexé par l’alliance de l’irrédentisme et de l’extrémisme religieux en 2012, puis libéré un an plus tard par une armée française qui avait été priée un 20 janvier 1960 de quitter Tessalit ? L’a-t-il vécu comme une tragédie ? Comme un signe des temps ? Réponse : on n’est pas un jour de philosophie mais de prière et d’éloges pour lui. Pour Youssouf Traoré, ce monument et peut-être notre œil de Caïn.
Adam Thiam