La mauvaise gouvernance, la non tenue de ses engagements, l’immixtion de sa famille dans la gestion des affaires publique, la situation désastreuse du pays et bien d’autres maux…, voilà, entre autres, les accusations formulées contre le président IBK par certains leaders religieux, notamment le chérif de Nioro et Mahmoud Dicko. Et du coup, les relations entre le chef d l’Etat et ces deux religieux sont passées du soutien (complicité ?) à la mésentente totale.
Le vendredi dernier, M’Bouillé a animé une prêche dans sa Zawia à Nioro du Sahel. Au cours de cette sortie contre le président Ibrahim Boubacar Keïta, M’Bouillé a d’abord rendu un vibrant hommage à son père Cheick Hamaoula plus connu sous le nom de Cheikh Hamallah Haïdara, un saint homme de la tribu des Ahel Moh’ammad Sidi Chérif de Tichitt (Mauritanie).
Abordant le sujet du jour, Mohamed Ould Cheicknè a tenu à donner des précisions à l’ensemble des fidèles sur toute l’étendue du territoire national à propos de sa position face aux rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux concernant la marche, finalement, annulée suivant l’appel de l’imam Dicko.
Sa relation avec l’imam Dicko ? Le Chérif dira : « Ma relation avec Dicko est sincère, nous nous sommes engagés ensemble en 2011 contre le code de la famille… A présent, je retiens de lui un homme correct, intègre et fidèle à mon égard ».
Concernant la marche annulée, « j’ai fait savoir à l’imam Mahmoud Dicko qu’on n’a pas besoin d’utiliser la violence contre un régime ayant montré ses limites. Les propos attribués à lui après son meeting m’ont été rapportés et j’ai, donc, pris l’initiative de le faire revenir à la raison en lui demandant de surseoir à la dite marche ».
Le régime en place est « incapable… »
« Tout le monde est conscient de la situation actuelle du pays. Le Président et son gouvernement sont incapables de gérer les affaires publiques de l’Etat et la situation sécuritaire va de mal en pire. Je ne m’associerai jamais à quelqu’un pour déstabiliser le pays. Mon seul objectif est de voir tous les Maliens heureux. Le régime actuel est déconnecté de toutes les réalités du pays. Si nous avons des ennemis aujourd’hui, c’est ceux-là qui prennent des armes contre nous. Nos militaires et civils meurent à longueur de temps », a déclaré le guide religieux.
Pour M’Bouillé, notre pays a figuré parmi les grands empires du monde, mais aujourd’hui, nous connaissons toutes sortes d’humiliation du fait de la mauvaise gouvernance pendant que le président, lui-même, n’est même pas conscient de son rôle de président que lorsqu’il se voit dans son avion pour voyager ; le peuple malien étant laissé à lui-même. « Notre souveraineté est bafouée et la seule préoccupation du régime, c’est de jouir des deniers publics. Les droits des fonctionnaires ne sont plus respectés et l’armée humiliée en permanence », a-t-il dénoncé.
Le chérif Mohamed Ould Cheicknè a rappelé qu’Alpha le (IBK) traitait d’incapable à gérer le pays, mais lui reconnaissait, au moins, le mérite d’être un homme de rigueur et ferme lorsqu’il s’agit d’exécuter des décisions : « Une chose n’est plus un doute sur IBK, c’est que c’est une liane (une liane est une plante grimpante herbacée ou ligneuse à la tige particulièrement souple qui utilise d’autres végétaux, mais aussi, d’autres supports verticaux pour monter vers la canopée bénéficiant d’un meilleur ensoleillement). IBK n’est bon que pour exécuter des ordres/décisions à lui dictées. Il ne saurait les initier lui-même !
Ma position face au régime
« En 2013, c’est lorsque les deux Chefs religieux, à savoir : Mohamoud Dicko et Haidara, n’ont pu nous faire un choix que j’ai décidé de porter ma confiance à IBK pour la simple raison qu’il n’était pas parmi les gens qui ont défendu le code des personnes et de la famille », précise M’Bouillé. Avant d’ajouter : « IBK, reste le seul président incompétent que le Mali n’a connu de toute son histoire. Il a trahi son peuple et son gouvernement est incapable de gérer les affaires publiques de l’État… ».
Pour le chérif de Nioro, IBK laisse gérer le pays par sa famille et son entourage : « Prenons le cas de son fils Karim, il est impliqué dans toutes les affaires. Qui ne sait pas que Karim fait du trafic d’argent à travers le monde ? Ils ont tous des comptes bloqués à l’étranger. Nos ressources sont pillées pour des investissements en dehors du pays. Karim ne serait pas devenu député si je ne m’étais pas opposé à la décision de son père qui voulait empêcher sa candidature. Mais j’ai été la première personne à être attaquée par Karim à travers mes enfants pendant la campagne présidentielle de 2018. Lui et le fils de Tiékoro Bagayoko, en la personne de Mohamed, ont planifié une attaque contre une partie de ma famille à Guiré dans la zone de Nara ».
Pour conclure son intervention, M’Bouillé a adressé un message à l’endroit du peuple malien : « Ma position face au régime reste la même, mais de façon démocratique. Notre pays est une grande nation, tous ceux qui pensent que le Mali va tomber se trompent, nous allons nous relever. Même les ennemis de la nation qui souhaitent du malheur au pays profiteraient du Mali ».
La fin de l’alliance !
Les relations entre le président Ibrahim Boubacar Keïta et les deux principaux leaders religieux du pays, Mohamed Ould Cheicknè, chef de la communauté hamalliste et Mahmoud Dicko, ancien président du Haut conseil islamique (HCI), se sont peu à peu acheminée vers un bras de fer, avant atteindre la rupture définitive.
En effet, durant sa carrière politique et surtout à l’approche de la présidentielle de 2013, IBK a joué à fond la carte de l’islam. Tout comme la junte dans les garnisons militaires, des chefs religieux musulmans ont mené campagne pour lui dans les mosquées.
Dans une stratégie savamment orchestrée de conquête du pouvoir, IBK s’est appuyé sur des responsables du Haut Conseil Islamique (HCI) à travers son président Mahmoud Dicko. Aussi, une plateforme politico-religieuse baptisée « Sabati 2012 » a été créée pour les besoins de la cause : l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta. Pour « embellir » le décor, l’homme ne commence jamais ses discours sans citer quelques versets du Coran. Monsieur « Inch allah » était l’œuvre !
Partout et pour accéder au pouvoir, IBK tisse des réseaux insoupçonnés au sein des confréries et autres associations musulmanes.
Le Chérif de Nioro du Sahel, Mohamed Ould Cheicknè, Mahmoud Dicko… chacun de ces leaders religieux ont joué un rôle prépondérant dans l’accession d’IBK à la magistrature suprême.
Aujourd’hui, l’exercice du pouvoir a révélé le vrai visage d’un président qui a « roulé tout le monde dans la farine ». Conséquence : il est en froid, pour ne pas dire en rupture définitive ?, non seulement avec son peuple, mais aussi avec tous ses soutiens d’hier…
Au cours d’un grand rassemblement, le dimanche 10 février 2019, des leaders religieux se sont exprimés sur l’état de la nation et la mauvaise gouvernance. De l’insécurité aux conflits intercommunautaire en passant par la dégradation des mœurs, l’enseignement de l’homosexualité dans les écoles et la paupérisation générale… tous les maux qui rongent le Mali sous l’actuel régime ont été décriés par les intervenants. Ceux-ci n’ont pas porté de gant pour fustiger les comportements de nos dirigeants. Aussi, un l’ultimatum a été adressé au chef de l’Etat par le Cherif de Nioro du Sahel, Mohamed Ould Cheicknè et l’imam Dicko. En effet, ces deux leaders religieux ont exigé le limogeage du premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga. Cette exigence formulé par le chérif de Nioro, M’Boullé a été fortement appuyé par Dicko. Mohamed Sylla
Et l’alliance de 2013 ?
Selon l’anthropologue Gilles Holder, spécialiste de l’islam au Mali, « le HCI est un parti politique qui ne dit pas son nom». Dirigé depuis 2008 par Mahmoud Dicko, le HCI a créé une plateforme politique baptisée «Sabati 2012» pour peser sur l’élection. Sabati a auditionné plusieurs candidats à la présidentielle, avant de trancher en faveur d’IBK. «Après l’avoir entendu pendant trois heures, nous avons estimé qu’il était le mieux à même de diriger le pays au moment où nous sortons de la plus grave crise de notre histoire…
Nous ne sommes pas un parti religieux et notre action s’inscrit dans le cadre de la République laïque et multiconfessionnelle du Mali. Notre but est simplement d’avertir les politiques sur la défense de nos valeurs. Nous sommes notamment opposés à la diffusion d’une culture mondialisée qui tend à imposer certaines normes internationales dans lesquelles nous ne nous reconnaissons pas : l’homosexualité, l’euthanasie, etc.», expliquait Moussa Boubacar Bah., le président de Sabati, par ailleurs chargé de la jeunesse au sein du HCI.
«Parmi les critères à l’origine de notre choix relatif au soutien de la candidature d’IBK, figure son acceptation de notre mémorandum». Ainsi s’exprimait le Président du mouvement «Sabati 2012», Moussa Boubacar Bah, le vendredi 19 juillet 2013, dans les locaux de la Zawiya du Chérif de Nioro.
A la faveur d’une grande la cérémonie, le Cherif de Nioro a, pour sa part, précisé ceci, parlant de l’option IBK : «Je fais ce choix pour le Mali et pour le bien des Maliens. La situation dans laquelle se trouve notre pays appelle un homme d’Etat qui défend les intérêts du Mali et de son peuple. Il est le candidat qui respecte les valeurs de notre pays. Nous devons barrer la route à ceux qui ont mis notre pays dans cette situation».
Reprenant la parole, le président du Mouvement Sabati 2012, renchérira : «On avait 4 candidats entre lesquels on devait choisir. Ce sont Cheick Modibo Diarra, Choguel Kokala Maïga, Moussa Mara et Mountaga Tall, auxquels IBK est venu s’ajouter. Parmi les critères qui ont amené au choix d’IBK, son poids politique, son audience auprès des populations, le fait qu’il incarne l’autorité de l’Etat, l’acceptation de notre mémorandum».
Certes, durant cette élection, IBK s’était gardé de reprendre à son compte les thèmes du HCI, mais il avait accueilli avec bienveillance le soutien de cette structure, très influente.
2013 : l’entente secrète
Notre confrère Le Sphinx était allé plus loin en dévoilant un contrat secret qui liait IBK et les leaders religieux musulmans ; une entente conclue à la veille de l’élection présidentielle de 2013.
« La relecture du Code de la famille non plus par l’administration et l’Etat, mais cette fois-ci par un groupe de travail sous l’égide du Haut Conseil Islamique du Mali.
-Interdiction des débits de boisson, boites de nuit et maisons closes.
-Interdiction des films pornographiques et érotiques.
-Réorganisation de la censure notamment pour l’audiovisuelle (Ortm) et les médias privés.
-Interdiction totale des jeux de hasard.
-Aménagement des lieux de prière dans les ministères et les administrations publiques au frais de l’Etat avec une participation des musulmans.
-Aménagement d’une mosquée dans les aéroports et les hôpitaux.
-Réaffirmation par décret du caractère sacré du mois de Ramadan avec interdiction des festivités et fermeture des débits de boissons, des boites de nuit et des centres de loisirs.
-Médicalisation de l’excision et non pas suppression de cette pratique.
-La prise en charge des imams des mosquées de vendredi et leurs adjoints par un salaire net d’impôts de 300 000 F CFA pour les premiers et 200 000 F CFA pour les seconds ainsi que l’instauration d’une allocation annuelle à allouer aux mosquées de vendredi.
-Interdiction du port d’habits indécents dans les ministères, administrations, institutions et organismes publics et semi-publics.
-La création de tribunaux islamiques de conciliation dans les quartiers et les communes.
-La création d’un ministère des Affaires religieuses…». Là aussi, sans commentaire !
Au-delà du Haut conseil islamique, le Chérif de Nioro a pesé lourd et même très lourd dans le plébiscite d’IBK.
Source: Journal L’aube-Mali