La Transition démocratique et multipartiste (26 mars 1991 au 08 juin 1992) et la troisième République (08 juin 1992 à nos jours) héritières de la démilitarisation de plus de 2/3 du territoire national et du principe d’intégration des membres des groupes armés dans les rangs des Forces Armées et de Sécurités.
On ne cessera jamais de rappeler, que lorsqu’un Peuple méconnaît son histoire lointaine aussi bien que récente ; c’est un boulevard ouvert à toutes sortes de dérapages y compris dans des domaines très sensibles. Par exemple, la gestion des conflits armés entre des fils d’un même pays etc.
Or, dans ce domaine, il y a nécessité d’avoir des analystes animés de volonté sincère pour aider les responsables d’un pays à disposer d’éléments d’appréciation importants pour la prise de décisions susceptibles de les faire éviter les erreurs du passé. Notre pays en a besoin, surtout en ce moment crucial où ses autorités tentent de trouver une solution aux récurrents conflits armés dans les Régions nord du Mali et une partie des Régions du Centre (Mopti et Ségou) afin de nous offrir une paix définitive.
Depuis juin 1990, des attaques ont toujours été menées par des groupes armés au-delà des Régions de Gao (dans laquelle faisait partie l’actuelle Région de Kidal) et Tombouctou. Ce sont également plusieurs dizaines de milliers de têtes d’animaux enlevées en direction de certains pays voisins. Mais à l’époque, compte tenu du peu d’intéressement de certains Maliens aux différents conflits dans les Régions du nord et surtout à l’absence des nouvelles technologies de l’information et de la communication, peu d’informations étaient connues des Maliens sur ce qui se passait dans lesdites Régions. Très peu de références sont faites sur ce point, même lors de certaines rencontres dites de haut niveau pour des pistes de solutions. Pire, on a l’impression que l’origine des conflits armés et leur amplification ne datent que des vingt dernières années.
Certes, il est incontestable que de nombreux actes qui ne font pas plaisir ont été posés dans la gestion des conflits armés, ces vingt dernières années, mais des erreurs graves sont aussi enregistrées dans la gestion des conflits armés dans les Régions du nord du Mali bien avant ces vingt dernières années.
En jetant un regard rétrospectif sur les différents accords signés de 1991 à nos jours, on se rend compte que sous la Transition démocratique et multipartite et la troisième République, des efforts ont été fournis pour éviter la démilitarisation des Régions du nord du Mali. Et cela, malgré qu’elles aient hérité des Accords de Tamanrasset(Algérie) du 06 janvier 1991, qui font référence aux éléments contenus dans les articles ci – dessous :
«ARTICLE 4 : Les Forces Armées Maliennes ne mèneront aucune activité susceptible de donner lieu à des accrochages avec les combattants. Elles procèderont à un allègement progressif de leur dispositif dans les 6è et 7è régions.
ARTICLE 5 : Dans le cadre du présent accord les Forces Armés Maliennes se désengageront de la gestion de l’administration civile et procèderont à la suppression de certains postes militaires.
En ce qui concerne les villes (Chefs lieux de régions et de cercles), les casernes seront progressivement transférées vers d’autres sites plus appropriés.
ARTICLE 6 : Les Forces Armées Maliennes éviteront les zones de pâturage et les zones à forte concentration de populations dans les 6è et 7è régions.
ARTICLE 7 : Les Forces Armées Maliennes se confineront à leur rôle de défense de l’intégrité territoriale dans les frontières.
ARTICLE 8 : Les combattants peuvent intégrer les Forces Armées Maliennes dans les conditions définies par les deux parties.
ARTICLE 9 : Il est créé une commission de cessation des hostilités chargée de l’application des dispositions du présent accord. Cette Commission est présidée par la République algérienne démocratique et Populaire en qualité de médiateur.
ARTICLE 10 : La Commission de Cessation des Hostilités est composée, en plus du médiateur, d’un nombre égal de représentants des deux parties.
ARTICLE 11 : Le siège de la Commission de Cessation des Hostilités est fixé à Gao ».
Aussi, dans le procès-verbal se rapportant aux accords de Tamanrasset, il est indiqué entre autres : «Les deux parties ont convenu que les populations des trois régions du nord du Mali gèreront librement leurs affaires régionales et locales par le biais de leurs représentants dans des assemblées élues, selon un statut particulier consacré par la loi.
Dans ce cadre, les assemblées locales constituées d’un organe délibérant et d’un organe exécutif, règlementent dans tous les domaines liés à leurs spécificités en matière économique, sociale et culturelle. Ces assemblées élisent en leur sein leurs représentants qui se constituent en un conseil consultatif régional chargé de délibérer sur toutes questions intéressant les trois régions. Dans le cadre du développement régional, 47,3% des crédits du quatrième programme d’investissement seront affectés à ces trois régions.
S’agissant du maintien de l’ordre public dans les trois régions, les compétences et modalités d’exécution seront définies par une loi appropriée qui est en cours d’élaboration au niveau de l’Assemblée nationale.»
On se rappelle qu’à l’époque de la signature des Accords de Tamanrasset, des Maliens se sont préoccupés du contenu et des conséquences desdits accords. D’ailleurs, le 15 mars 1991, un journal ayant joué un rôle important dans l’animation du mouvement démocratique titrait à la Une d’une de ses parutions : ‘’ACCORDS DE TAMANRASSET/LES NON DITS’’. Ceci démontre à quel point, il a été difficile au peuple de connaître le contenu de ces accords.
En 1991, la volonté de connaître le contenu des accords de Tamanrasset était manifeste chez certains Maliens. N’est-il pas possible, que ce soit pour cette raison que le Gouvernement de Transition à travers son Programme d’Action en son Chapitre 2 intitulé ‘’ Restaurer la paix sociale’’, mentionnait «…Information et sensibilisation de l’opinion publique sur les accords de Tamanrasset ; suivi régulier de l’application desdits accords ; promulgation des textes de création de la Région de Kidal ; amorce de la mise en œuvre des dispositions pratiques de cette création…».
Un territoire occupé partiellement avant 1990
D’ailleurs avant même 1990, le Mali n’avait pas une emprise totale sur les deux Régions du nord qu’étaient Gao et Tombouctou. La conséquence de cet état de fait a été l’installation petit à petit de bases sur notre territoire à partir desquelles, les groupes armés menaient des attaques contre des villages, villes et des positions de nos braves soldats.
Parmi ces bases, il y a Taikarène dans la Région de Gao, Farach (Cercle de Goundam) qui se trouve à quelques dizaines de kilomètres seulement de la ville de Tombouctou. Quant à la base de Farach, c’est en 1994 qu’elle a été brillamment détruite par l’Armée malienne, trois jours seulement après l’attaque de Tombouctou qui a duré de 20 heures à 4 heures du matin. Mieux que tout cela, Taoudénit qui était surveillé comme du lait sur le feu, ne l’était plus à cause de la fermeture vers la fin des années 80 du bagne qu’il avait longtemps abrité. D’où la porosité de la frontière entre l’Algérie et le Mali, qui sera le passage de toutes sortes de trafics.
Impatience des groupes armés à voir les nouvelles autorités de la Transition démocratique respecter les accords de Tamanrasset dans leur intégralité
Il est important aujourd’hui de savoir que l’un des premiers grands problèmes auquel notre pays était confronté au lendemain du vingt six (26) mars mille neuf cent quatre vingt onze(1991), fût la volonté des groupes armés de voir respecter les accords de Tamanrasset dans leur intégralité. Ils l’ont fait savoir à maintes reprises.
Aussitôt, des attaques et enlèvements de bétail refont surface dans les Régions de Gao et de Tombouctou. Des attaques et enlèvements de bétail seront également signalés dans quelques villages des Régions de Ségou et Mopti. Finalement, les hautes institutions de la Transition démocratique que sont le Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP) qui était composé de (13 civils et de 10 militaires ainsi que de 2 représentants des groupes armés, le FIAA et le MPA), et le Gouvernement de Transition recevront de la Conférence Nationale, qui s’était tenue du 29 juillet au 12 août 1991, mandat d’engager des pourparlers de paix avec les groupes armés. Ce qui aboutira à la signature à Bamako, le 11 avril 1992, d’un accord qui portera le nom de ‘’Pacte National’’. Le lendemain de cet accord, le premier tour de l’élection présidentielle multipartite se déroule sur le territoire national.
Après le Pacte National du 11 avril 1992, il y a eu entre autres accords : la Flamme de la paix du 27 mars 1996, les accords d’Alger de mai 1995, les accords d’Alger du 04 juillet 2006, l’accord de Ouagadougou du 18 juin 2013 et récemment l’accord d’Alger pour la Paix et la Réconciliation du 1er mars 2015, qui est en attente d’être paraphé par la Coordination des Mouvements de l’Azawad, qui mérite amplement une sanction de la part de la communauté internationale. Tout en prenant en compte les spécificités des régions du nord, ces accords ont accordé d’énormes avantages aux combattants des groupes armés en termes de réinsertion socio-économique et politique.
Globalement, on retient que chacun de ces accords a ses forces et faiblesses, mais leur mère nourricière n’est que les accords de Tamanrasset (Algérie) signés le 06 janvier 1991. Cependant, il y a vraiment lieu d’insister que la Transition démocratique et multipartite (26 mars 1991 au 08 juin 1992) et la troisième République (08 juin 1992 à nos jours) sont en réalité héritières de la démilitarisation de plus de 2/3 du territoire national et du principe d’intégration des membres des groupes armés dans les rangs des Forces Armées et de Sécurités de notre pays. Sinon, ce serait l’amputation d’une page de notre histoire.
Raison pour laquelle, il va falloir le plus tôt possible organiser une rencontre nationale pour décortiquer le contenu des différents accords, que nos gouvernants ont été amenés à signer pour restaurer la paix dans notre pays à des moments critiques de notre histoire. Le grand avantage que procurerait cet exercice est que, les futurs responsables du pays seraient mieux outillés pour la conduite des affaires du pays.
Des moments bien choisis pour mettre en cause la cohésion sociale et l’unité nationale
En faisant une rétrospective des différents conflits déclenchés dans le septentrion de notre pays contre nos Forces Armées et de Sécurité et nos paisibles populations, toutes couches sociales confondues qui ont toujours vécu dans une entente cordiale, on se rend compte que les moments sont bien choisis afin de mettre en cause la cohésion sociale et l’unité nationale. La plupart des conflits débutent soit à l’approche d’événements majeurs dans la vie de notre pays, tels que les élections communales, législatives ou présidentielles. Cela est loin d’être le fruit du hasard. Car l’approche des élections dans un pays constitue des moments privilégiés pendant lesquels, un événement minime que soit- il peut être sujet à discussion, et au pire des cas, à une exploitation aboutissant à des conséquences inattendues. C’est ce que le MNLA et conseillers auraient voulu mettre en œuvre. Mais fort heureusement, la maturité du peuple malien a permis de limiter les conséquences.
À cet effet, nous avons l’obligation dès maintenant de tout mettre en œuvre, pour épargner à notre pays les conséquences des luttes acharnées pour accéder au pouvoir ou de s’y maintenir. Ce schéma a profondément rendu vulnérable nos Empires et Royaumes face à toutes les agressions dont ils ont été victimes. En exemples, on retient que :
- Dans l’empire du Mandé les querelles entre les princes ont permis à des troupes étrangères, de mener de nombreuses incursions à l’intérieur de l’empire. À la suite de ces querelles l’empire du Mandé perdra très vite la plupart de ses possessions territoriales qui se trouvaient au-delà du territoire de notre pays, le Mali ;
- Dans l’empire Songhoï, d’une part les princes se défiaient et d’autre part les princes et les gouverneurs de provinces se défiaient également. Facilitant ainsi l’invasion marocaine en 1591;
- Dans l’empire de Ségou la course au pouvoir entre princes a créé des rivalités entre les chefs de la puissante armée les «tonjons». De ce fait, l’empire n’a pas survécu à l’attaque des troupes d’El hadj Oumar ;
- Dans l’empire du Macina les rivalités entre princes ont abouti à la constitution de clans au sein de l’élite militaire et politique. C’est un empire affaibli qui cédera le terrain face aux conquêtes des troupes omariennes en 1862 ;
- Dans l’empire toucouleur, après le décès d’El hadj Oumar, les rivalités entre les princes héritiers ont permis aux troupes d’Archinard de s’emparer facilement de l’empire.
Les exemples ci-dessus énumérés doivent nous servir de leçons, dans le seul but de créer des conditions idoines pour UN MALI UN ET INDIVISIBLE. Et cela est possible, vu l’amour que le Malien a pour sa patrie.
Enfin, le jour où on comprendra que l’histoire est un instrument d’aide, d’orientation, et non de diffamation et désorientation, on franchira un grand pas vers une gestion positive des affaires privées et publiques sur notre continent. C’est en ce sens que l’histoire doit être pour les gouvernants et les gouvernés, ce que le rétroviseur est pour un conducteur d’engin roulant.
Sory Ibrahima WAIGALO
Professeur d’histoire et de géographie
koykoumborodjenne@rocketmail.com
Source: Le Débat