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Forces armées nationales : Les années de gloire (première partie)

L’indépendance de notre pays, il convient de le rappeler, date du 24 novembre 1958. République soudanaise avant de devenir la République du Mali à partir du 22 septembre 1960, nous avons commencé à exercer nos attributs d’Etat souverain à partir de cette date. C’est dans le cadre de cet exercice que fut amorcée, dès le 15 février 1959, la création  des Forces armées et de sécurité de notre pays. De cette date à la date du 26 mars 1991, durant trois décennies, que cela soit lors des parades militaires, sur le terrain, pour assurer la défense de l’unité et de l’intégrité du territoire national ou les secours  à apporter aux populations sinistrées, que cela soit dans l’administration, des officiers, sous-officiers et hommes du rang, ont fait la fierté de notre peuple, peuple dont ils sont issus et, avec lequel, face aux épreuves, ils ont su faire corps. Notre armée était admirée tant en Afrique que dans le reste du monde.

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Votre hebdomadaire s’est mis à l’écoute d’un officier supérieur de cette vaillante armée patriotique pour vous livrer, en deux éditions (la seconde est programmée pour le 30 janvier 2017), ce qu’elle a été, d’abord, de 1959 à 1968 ; ensuite, de 1968 à 1991.

 

LE PRESIDENT MODIBO KEITA CREE L’ARMEE NATIONALE

 

A la suite du référendum gaulliste de septembre 1958, notre pays devient Etat indépendant membre de la Communauté française et, avec le Sénégal, forme la Fédération du Mali. Lors de la signature du transfert des compétences entre la France et la Fédération du Mali qui, tout en restant membre de la Communauté, avait demandé l’indépendance, des accords de défense sont signés. Une disposition de ces accords offre aux soldats de la Fédération le choix entre continuer à servir sous le drapeau français ou quitter l’armée française pour intégrer l’armée fédérale.

 

Modibo Kéïta choisit de ne pas s’en remettre à l’ancienne puissance de tutelle pour la défense de l’unité et de l’intégrité du territoire national. Se fondant sur  les accords de défense passés avec la France, il décide de créer, avec les soldats soudanais servant sous le drapeau français, l’armée de la République soudanaise. C’est dans ce cadre que le 15 février 1959, alors qu’il exerçait les fonctions de président du Conseil du gouvernement fédéral malien, il demandera au capitaine Pinana Drabo, à l’époque en poste à Tananarive (Madagascar), au compte de l’armée française,  de rejoindre la République soudanaise pour créer une armée nationale. Drabo accepte et, de retour au pays, se met à l’œuvre, secondé par les capitaines Kélétigui Drabo, Sékou Traoré et par le lieutenant  Balla Koné.

 

Les événements vont se précipiter à partir du 20 août 1960 avec l’éclatement de la Fédération du Mali. Modibo Kéïta rend la France responsable de cet éclatement, en tire les conséquences et renforce davantage sa politique nationaliste. Le 31 août 1960, il signe le décret N° TER-PGM portant nomination du commandant du bataillon malien et des membres de l’Etat Major en République soudanaise dont les deux premières dispositions sont les suivantes :

 

Article 1er – Le Capitaine PINANA DRABO est nommé commandant du bataillon malien en République soudanaise.

 

Article 2 – L’Etat Major en République Soudanaise se compose comme suit : le capitaine Sékou Traoré, chef d’Etat Major, le capitaine Thiémoko Konaté, le lieutenant Demba Diallo, le lieutenant Malick Diallo, le sous-lieutenant Bougary Sangaré.

La signature de ce décret marque une étape importante dans le processus de la mise sur pied de l’armée malienne : elle marque le début de notre indépendance effective en matière de défense. Pour Modibo Kéïta, malgré le schisme survenu dans la nuit du 19 au 20 août 1960 avec le départ du Sénégal, la Fédération du Mali continue d’exister. Mais l’homme d’Etat soudanais prévoit déjà l’avenir  et pose les fondements d’un nouvel Etat en consacrant l’indépendance du bataillon malien en République Soudanaise vis-à-vis de l’armée fédérale.

 

Le 31 août 1960 peut donc être considéré comme la date de naissance de l’armée nationale. Les conditions de création de cette armée seront fixées avec la promulgation, le 6 septembre 1960, de la loi 60-33 par le décret n°59 accordant les pleins pouvoirs à la République Soudanaise.

 

Le 22 septembre 1960, l’Union Soudanaise RDA tient son congrès extraordinaire et « proclame l’indépendance de la République du Mali libre de tout lien avec la France ». Cette proclamation consacre, juridiquement, la fin de la Fédération du Mali et l’accession de notre pays à la souveraineté que ne limitent plus des accords du fait de notre sortie de la Communauté Française.

 

LE GENERAL ABDOULAYE SOUMARE IMPRIME SA MARQUE

 

La période allant du 22 septembre 1960 au 5 décembre 1961 est marquée par des actes qui consacrent la mise sur pied de l’armée nationale. Le 1er octobre, Modibo Kéïta, au cours d’un discours, annonce la création de l’armée malienne. Le colonel Abdoulaye Soumaré, Français, parce que natif de Saint-Louis et Sénégalais par ses origines, libéré après son arrestation par ses compatriotes dans la nuit du 19 au 20 août, accepte de lier son destin à la République du Mali et rejoint Modibo Kéïta à Bamako. Le 28 décembre 1960, il est nommé Chef d’Etat Major Général de l’Armée du Mali, avec, comme officiers d’Etat-Major : le capitaine Thiémoko Konaté, le lieutenant Malick Diallo, le lieutenant Mohamed Diallo, le sous-lieutenant Bougary Sangaré.

 

La comparaison entre cette liste d’officiers d’Etat major et celle du bataillon soudanais fait constater ce qui suit : si le capitaine Tiémoko Konaté, le lieutenant Malick Diallo et le sous-lieutenant Bougary Sangaré sont promus proches collaborateurs du colonel Soumaré, ni le capitaine Sékou Traoré  ni le lieutenant Demba Diallo ne font partie des officiers de son Etat major.  Le 29 décembre, Abdoulaye Soumaré  est élevé, avec le décret n°384 au grade de Général de Brigade.

 

A l’époque, dix  élèves officiers terminaient leur formation théorique en France, deux, à Strasbourg, les aspirants Ousmane Coulibaly et Sékou Ly ; huit à l’Ecole de Formation d’Officiers des Ressortissants des Territoires d’Outre-Mer de Fréjus. Au terme de leur formation théorique, ils s’apprêtaient à intégrer Saint-Cyr pour l’application. Sollicités par le Général Soumaré devenu, entre-temps, Commandant en Chef des Forces Armées Maliennes, tous renoncent aux avantages qui seraient les leurs en restant dans l’armée française, pour venir se mettre au service du pays.

 

La Note de Service n°634/CA de l’Etat Major des Forces Armées Maliennes datée du 20 septembre 1961 et relative à leur prise « en solde comme ASPIRANTS à compter du 1eraoût 1961 », les cite comme il suit : Coulibaly Ousmane, Ly Sékou, Keïta Moussa, Traoré Youssouf, Sissoko Amadou, Konaté Fanhiri, Ouattara Mami, Traoré Moussa.

 

Cette liste doit être complétée par les noms de deux autres aspirants intégrés dans les mêmes conditions que  les huit ci-dessus cités, mais omis sur la Note de Service n°634/CA. Ils sont : Dembélé Koké, Samaké Jean-Bolon.

 

Les dix aspirants ont regagné le Mali sur requête du Commandant en Chef des Forces armées maliennes. Ce dernier ne se contente pas de les incorporer dans la jeune armée en gestation. Il se soucie de parachever leur formation. A cette fin, il crée à Kati  un centre d’application et le dote d’armes utilisées dans l’infanterie, les blindés et l’aviation, le génie.

 

Au terme de la formation pratique, ceux qui l’avaient fréquenté, ayant eu à s’exercer sur du matériel tant français que soviétique, sont  répartis sur l’ensemble du territoire national à la tête d’unités de défense autonomes dont la  création est rendue effective avec la Loi 81/ANRM du 3 août 1961 portant organisation générale de la Défense. Et le camp d’application est dissous. Par la suite, toujours à Kati, afin de former les officiers indispensables à l’encadrement de l’armée nouvellement constituée, l’EMIA (l’Ecole Militaire Interarmes) est  créée par la loi du 11 janvier 1963.

 

Le 20 janvier 1961, au cours d’une allocution prononcée au palais de Koulouba, Modibo Kéïta  annonçait  aux diplomates accrédités à Bamako, la décision faisant obligation aux troupes françaises d’évacuer les bases militaires qu’elles continuaient d’occuper sur le territoire national : Kayes, Nioro, Kati, Bamako, Ségou, Tombouctou, Tessalit. Le 5 décembre 1961, conformément à cette décision, le drapeau français est ramené pour la dernière fois, sur le territoire malien avec le départ des derniers soldats français.

 

 Les Forces armées et de sécurité du Mali, de 1959 à novembre 1968

 

En créant une armée nationale souveraine, les pères de l’indépendance du Mali, avec, à leur tête, Modibo Kéïta, venaient de réussir une première dans les ex possessions françaises d’Afrique subsaharienne. En effet, alors que les autres anciennes colonies françaises subsahariennes, au terme d’accords de coopération tenus secrets, s’en remettaient à la France pour assurer leur défense, le Mali confiait la défense de son territoire à son armée, estimant que l’on ne peut être bien défendu que par soi-même.

 

Les responsables politiques qui avaient conduit le pays à l’indépendance, avec courage et clairvoyance, n’ont pas hésité à faire appel aux fils du pays servant sous le drapeau français, dans le contexte d’une situation géopolitique et géostratégique défavorable, situation aggravée par un isolement économique, conséquence de notre option en faveur du socialisme  comme modèle de développement. Aussi, est-ce dans un enthousiasme général et spontané que des hommes descendants d’illustres conquérants et d’illustres résistants, qui s’étaient fait remarquer par de hauts faits d’armes en Europe, en Asie et en Afrique, ont répondu à l’appel de leur peuple, renonçant, pour la plupart d’entre-eux, aux avantages qui étaient les leurs.

 

Ainsi, à l’origine, essentiellement composée  d’hommes mus par le sens aigu des vertus héritées de leurs ascendants, l’armée malienne s’est progressivement mise en place avec :

 

– l’organisation, la mise en place et le renforcement progressif de toutes les premières unités selon une stratégie de couverture de l’ensemble du territoire par des formations autonomes ;

 

– l’élaboration des premiers textes de base des règlements ;

 

– la création de l’Ecole Militaire Interarmes (EMIA) à Kati, la première du genre dans la sous-région ;

 

– l’ouverture à Ségou des premiers pelotons d’élèves gradés ;

 

– l’assistance aux mouvements de libération nationale en Afrique australe dans le cadre de la lutte contre le colonialisme portugais en Angola et au Mozambique,  de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud et  au Sud-Ouest Africain, actuelle  Namibie.

 

Le bilan de la Première République en matière de politique de défense est loin d’être négatif. Il n’en demeure pas moins cependant que cette politique a connu des limites.

 

En effet, l’armée conçue sous la Première République comme étant une armée populaire fortement politisée,  a été déviée de ses missions essentielles. Aucune arme ne présentait une véritable structure, ce qui,  du coup,  anéantissait tout espoir de progrès.

 

D’autre part,  la classe dirigeante menait une habile politique d’opposition de chefs militaires dont les rivalités contribuaient largement  à maintenir l’armée dans une véritable léthargie. La « démocratisation » des rapports entre les personnels de l’armée commençait a entamé l’existence de l’outil de défense.

 

Sous le régime de la 1ère République, les grands maux dont l’armée eut à souffrir sont : la politisation du corps avec la création des structures du Parti en son sein, la rivalité avec la milice populaire, le peu de considération portée aux tenues des soldats, le projet de création de l’Unité de Production de Loulouni destinée à recevoir des soldats qui avaient effectué huit à neuf ans de service dans l’armée française avant de rejoindre l’armée malienne et qui, normalement, n’avaient pas normalement droit à une pension de retraite à cause de la limite d’âge.

 

Enfin les clivages idéologiques et politiques au détriment de la hiérarchie militaire, résultat de l’importation d’un système  politique  inadapté  à nos mœurs, ont constitué une grosse lacune.

 

A suivre

 

Source : Le Républicain

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